Taxify veut redorer le blason des taxis en Europe

 
Les taxis français font régulièrement l’objet de critiques concernant les tarifs, la difficulté d’en trouver un, ou simplement la qualité de service. En Estonie, la jeune firme Taxify a lancé il y a deux ans une application qui ressemble (presque) trait pour trait à celle d’Uber et permet de géolocaliser des véhicules, de noter chauffeurs et utilisateurs, et d’avoir des indications tarifaires. Elle a permis de moderniser l’activité de chauffeur de taxi, de rééquilibrer le marché, et de réconcilier le grand public estonien avec les taxis. Et elle s’apprête à franchir la frontière française.
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Transport et modernité

Les démêlés d’Uber avec la justice française à propos d’uberPOP, et les récents heurts survenus lors de la manifestation des taxis du 26 juin dernier, ont relancé de nombreuses questions à propos des transports urbains en France. Le point d’orgue des revendications des taxis concerne cette fameuse « concurrence déloyale », sorte de Point Godwin de l’affaire, et notion qui parait parfois très abstraite aux détracteurs des taxis. Mais pour se faire une idée d’une concurrence saine, il faut pour cela sortir de l’Hexagone et voir ce qu’il se passe dans d’autres pays d’Europe.

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Car si la France peut parfois sembler effrayée par la modernité et l’économie numérique, certains pays comme l’Estonie – pays bien souvent encore imaginé sous la bannière de l’ex-URSS – font figure d’exemples en Europe en matière d’avancées technologiques. À tel point que « l’ogre capitaliste » Uber compte s’implanter dans cette contrée d’à peine un million et demi d’âmes, mais il y arrivera avec un train de retard puisque le terrain est déjà occupé par une application qui connait un succès grandissant : Taxify.

L’idée de cette application a été trouvée par Markus Villig (voir photographie à droite) en Estonie alors qu’il n’avait que 19 ans, lui qui s’interrogeait sur la manière de réduire le temps d’attente pour prendre un taxi. L’application a ensuite été lancée à Tallinn, capitale estonienne, en août 2013. Et comme elle est pratique, des milliers d’Estoniens se sont rués dessus dès les premières semaines. Deux ans après son lancement, il y a désormais plus de 250 000 utilisateurs de l’application.

 

Joue-la comme Uber

Comme son nom l’indique, Taxify s’adresse aux chauffeurs de taxi et aux clients. L’application permet, à la manière d’Uber, de géolocaliser les véhicules proches de vous et d’en commander un à la volée en un simple clic. L’app permet également de suivre la course via une map GPS donc, d’avoir une estimation du prix de la course, et de noter chauffeurs et clients selon un système d’étoiles que vous connaissez bien. Une façon de toujours faire en sorte de viser l’excellence, et de garder sa mauvaise humeur pour soi.

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Depuis son lancement, l’application a connu un franc succès et permet à des milliers de personnes de se déplacer facilement à Tallinn et sa banlieue proche notamment. D’ailleurs, on retrouve des grands noms parmi ses financements comme Skype, Pipedrive, Adcash, Rubylight, ou TMT. Son succès lui vaut maintenant d’opérer en Lituanie, en Lettonie, en Finlande, en Géorgie, et aux Pays-Bas. Elle possède également des bureaux à Barcelone, Belgrade, Johannesburg, ou Prague, ce qui en dit déjà long sur ses intentions prochaines.

Et si son développement a été si rapide, c’est aussi parce que la société a reçu le soutien du gouvernement estonien. Contacté par notre rédaction, Taxify explique que « le gouvernement estonien supporte activement les technologies qui facilitent la vie des utilisateurs et jouent la transparence » et que l’application a donc été très bien accueillie. Et lorsqu’on évoque les conflits entre Uber et les taxis en France, l’entreprise montre du doigt les pouvoirs publics. « Ces problèmes sont principalement de la faute du gouvernement, qui doit moins réguler les activités de taxis » explique-t-elle. « Il y a beaucoup de taxis qui comprennent le besoin d’abaisser les tarifs, d’accroître la qualité de service, et d’entrer sur le terrain des applications mobiles pour être compétitifs ».

 

Un fonctionnement simple

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Taxify s’adresse principalement aux chauffeurs de taxi indépendants, mais également aux entreprises qui louent les licences à leurs chauffeurs (comme G7 en France). La société propose aux chauffeurs d’utiliser Taxify en complément de revenus, par exemple, en s’inscrivant très simplement et sans avoir à reverser de frais fixes à l’entreprise. Sur l’accueil réservé par les chauffeurs, Taxify raconte que « les taxis se sont immédiatement montrés enthousiastes parce qu’ils ont un intérêt immédiat à utiliser notre application pour obtenir plus de clients et plus de revenus ». L’entreprise ne garde d’ailleurs pas le secret sur sa commission, qui se situe « entre 10 et 20 % par course selon les pays ».

La société développe même une solution logicielle qui permet aux compagnies de taxis d’utiliser l’application et de gérer eux-mêmes leur flotte de chauffeurs. Les compagnies intéressées peuvent mettre en place le système en moins d’une semaine, et sans limite de taille ou de nombre de véhicules. Cela a visiblement été un peu plus compliqué de convaincre les compagnies, mais « ils n’ont mis que quelques mois à comprendre le potentiel de la technologie mobile et le bienfait à long terme de la baisse des prix, afin d’être plus compétitifs ». Maintenant, Taxify indique travailler « avec des dizaines de compagnies de taxis dans les villes où la société est implantée ».

Les chauffeurs de taxi s’inscrivent donc très simplement avec l’application mobile Taxify, disponible sur iOS et Android, mais aussi via l’interface web en enregistrant le numéro de carte d’identité par souci de sécurité. Une fois ceci fait, ils sont « invités à rencontrer les équipes locales de Taxify afin de faire des vérifications et procéder à des entrainements ».

 

Et un marché à conquérir

 

Loi Thevenoud. Article L3120-2 :

III.-Sont interdits aux personnes réalisant des prestations mentionnées à l’article L. 3120-1 et aux intermédiaires auxquels elles ont recours :

1° Le fait d’informer un client, avant la réservation mentionnée au 1° du II du présent article, quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule mentionné au I quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d’une autorisation de stationnement. 

En mai dernier, le Conseil Constitutionnel a rejeté une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qui concernait justement la maraude électronique, soit le fait de géolocaliser en temps réel des VTC comme Uber X, pour ne citer que lui. Et en pondant cette loi dans l’impatience, le gouvernement français semble avoir laissé de côté les utilisateurs, déjà bien habitués de ces avancées technologiques, bien que l’application de cette mesure ne soit pas encore d’actualité. Sauf que les taxis français ne sont pas encore passés à la géolocalisation, outil qui aurait pu leur permettre de regagner rapidement en notoriété.

C’est bien ce qui a rendu l’application Paris Taxi obsolète avant l’heure, et on laisse à un utilisateur du Play Store le soin de résumer la chose : « Application inutile et dépassée. Au temps de la géolocalisation et de la maraude électronique, la mairie de Paris pond un semblant d’application pour justifier le retrait des bornes taxis ». Et c’est bien pour cela que l’app n’a jamais été utilisée et est vouée à disparaitre dans les méandres du magasin d’applications de Google. C’est là que Taxify intervient, et il semble vouloir s’implanter à Paris si l’on en croit un tweet auquel la société à répondu.

Quand on l’interroge à ce sujet, Taxify explique que la France est bel et bien sur sa carte de futures conquêtes. « Nous sommes encore en phase préparatoire de lancement en France », indique-t-elle. La loi du 1er octobre 2014 prévoit la création d’un « registre de disponibilité des taxis ayant pour finalité d’améliorer l’accès aux taxis par leurs clients en favorisant le développement de services innovants ». Il faut comprendre qu’il s’agit de la géolocalisation des taxis, mais gérée par l’État, ce qui ne jouera pas sur la flexibilité des tarifs, alors qu’il s’agit d’un des points forts de Taxify. L’État et des taxis volontaires ont déjà effectué des tests, et les premiers véhicules géolocalisés devraient être sur les routes d’ici l’automne. La loi est donc du côté de Taxify, facilitant son implantation, mais ses avantages tarifaires ne seront vraisemblablement pas de la partie.

 


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