Fichier TES : un spécialiste de la surveillance des réseaux comme aide du gouvernement ?

 
Amesys est une société spécialisée dans la surveillance de masse des réseaux mobiles, et poursuivie pour complicité de torture en Libye. Elle serait le prestataire privilégiée du gouvernement dans le cadre du fichage de tous les français, via le fichier dit de « 60 millions de gens honnêtes », dont nos collègues de Numerama vous parlaient encore récemment.
@Hohum
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Dans le petit monde de la sécurité informatique, Amesys n’est pas un nom inconnu. Loin de là. Au contraire, la société se spécialise dans le DPI ou « Deep Packet Inspection » qui permet une surveillance élargie des réseaux fixes et mobiles, pour y chercher les informations que l’on souhaite. Si la technologie n’est pas nuisible en soi, les utilisations peuvent l’être. Rappelons qu’Amesys est ainsi accusé de complicité de torture, pour avoir vendu de tels systèmes au régime libyen de Kadhafi, lui permettant de localiser ses opposants.

 

Un prestataire bien louche

Avec l’opérateur Orange, Amesys serait l’un des prestataires techniques choisis par le gouvernement pour la « maîtrise d’ouvrage technique et des systèmes d’information » relative au fichier des titres électroniques sécurisés (TES). C’est par une annonce de résultat des marchés publics, mis en lumière par Rue 89 qu’on apprend qu’Amesys aurait ainsi remporté l’appel d’offres de 5 millions d’euros lancé par l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS).

Or aider à la « maîtrise d’ouvrage technique et des systèmes d’information », très concrètement, c’est servir de conseil et d’expert technique durant le développement de la solution de ce fichier qui devrait être opérationnel en 2017. Si Amesys n’est donc pas responsable des données personnelles qui seront finalement dans ce fichier, l’entreprise y aura nécessairement accès d’une manière ou d’une autre comme le confirme une source proche du dossier.

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On peut donc se demander quelle est la pertinence d’avoir fait appel à une société qui fait l’objet de poursuites judiciaires pour complicité de torture, et à quel fin son expertise dans la surveillance de masse des réseaux mobiles peut être intéressante pour les services de sécurité de l’Etat. Une question qui n’a pas été posé hier, en commission des lois au Sénat à Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.

Le président de l’ANTS était un peu plus loquace lui, annonçant qu’il n’y aucun obstacle juridictionnel à travailler avec une société comme Amesys, même dans le cas ou celle-ci fait actuellement l’objet de poursuite judiciaires. De plus, il n’y aurait plus de rapport entre la société Amesys ayant vendu des outils de surveillance et celle rachetée par le géant de l’informatique français Bull en 2010, lui même racheté par Atos, en 2014.

 

Orange également de la partie

Il y a quelques semaines, nous nous posions la question de savoir si Orange avait mené une opération de surveillance sur son propre réseau, suite à la publication de nouveaux documents du site d’investigation The Intercept. Ces opérations, si elles ont eu lieu pourraient n’avoir duré qu’un temps, puisqu’elles n’avaient pas de cadre légal, apporté par la loi Renseignement. Cette fois-ci, c’est sur la partie télécom du fichier TES que l’opérateur intervient. Ainsi, toujours selon Rue89, Orange, via sa filiale Orange Business Services, serait le prestataire retenu sur la partie télécommunications du futur fichier mis en place par le gouvernement.

 

Pas de problèmes juridiques, mais éthiques

En l’état actuel des choses, s’il n’y a pas de problématique juridique, on peut toutefois se poser la question de l’éthique. Notamment dans les marchés publics, puisque c’est une disposition qui a été introduite depuis quelques années dans les offres de marchés publics. Limitée pour le moment aux sujets qui concernent le développement durable, on ne peut qu’appeler à une telle disposition pour le ministère de l’Intérieur, puisqu’à l’heure actuelle, le ministère attribue des contrats de plusieurs millions d’euros à des sociétés poursuivies par le Pôle Crimes contre l’humanité du Tribunal de Grande Instance de Paris.


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