L’iPad Mini est-il une réponse à la baisse des parts de marché de l’iPad ?

 

Apple nous a gratiné d’une « keynote » comme il aime les faire. Devant le nombre de lives, tweets et réactions, tout montre que la firme de Cupertino a une aura incroyable autour d’elle, que Steve Jobs ou Tim Cook tirent les rênes de l’entreprise.

Avec une main, on peut tenir cet iPad !

Ce soir, la présentation a été découpée en deux parties, avec dans un premier temps le nouveau Macbook de 13 pouces, le Mac Mini ou encore les nouveaux iMac. Mais vous l’aurez compris, ce que nous attendions avec impatience était le fameux iPad Mini, que nous entendions parler depuis des mois. Apple a donc décidé de rentrer sur ce marché que Steve Jobs avait toujours ignoré : les 7 pouces. Porté par la première Amazon Kindle Fire, Apple a commencé à s’inquiéter en voyant les parts de marché de son iPad s’effriter au profit d’une catégorie qui n’a cessé de monter ces derniers mois.

Apple devenu suiveur ?

La première Kindle Fire a rencontré un fort succès grâce à son prix de $199, mais sa commercialisation étant limitée aux Etats-Unis, cette restriction a gommé l’attrait du grand public sur les parts de marché globales. Toutefois la tendance était bien là : le public a répondu présent, bien évidemment grâce au prix, mais aussi grâce aux efforts faits par Amazon pour fournir tout un écosystème, allant des applications, aux livres et bien d’autres médias.

Entre temps, Google est venu jouer les trouble-fêtes avec sa Nexus 7, qui a rencontré un succès important depuis son lancement en juillet. Certains analystes prédisent qu’environ un million d’unités se sont vendues lors du semestre précédent, mais on avait pu voir des rumeurs comme quoi Google prévoyait une production de six millions de tablettes d’ici à la fin 2012. C’est donc un acteur majeur de plus sur ce marché, qui par conséquent vient grignoter des parts sur le marché juteux des tablettes. (Bien évidemment d’autres modèles de 7 pouces sont apparus, mais n’ont pas rencontré le succès escompté).

Depuis, Amazon a lancé sa deuxième génération de tablettes : les Kindle Fire HD qui disposent d’un écran de 7 pouces. Vendues à partir de 199 € en version 16 Go avec publicité, elles devraient décupler leurs ventes grâce à la diffusion mondiale et de belles caractéristiques.

Apple ne pouvant plus tenir en placen a donc lancé l’iPad Mini. Bien évidemment, ce n’est pas suite aux Kindle Fire HD et Nexus 7 que la firme pommée a décidé de passer à l’offensive, mais bien après la première Kindle Fire, car pour rappel le cycle de développement d’un produit se situe en général autour d’un an.

Ce qui est étonnant ici, c’est qu’Apple a toujours mis en avant l’aspect ergonomique de ses produits. Mais depuis que Steve Jobs n’est plus à la tête, on voit que les mentalités évoluent vites. Par exemple, personne n’aurait pu imaginer un iPhone 5 de 4 pouces, car les mains n’étaient soit disant pas adaptées. Pourtant c’est bien Apple qui lance ce produit et accentue d’ailleurs sa communication autour de ce point.

C’est donc un Apple qui a bien évolué qui nous lance son iPad Mini. Mais avant d’en parler en détails, place à un tableau récapitulatif entre les trois concurrentes du marché – pas de Windows 8 pour l’instant car pas de tablettes 7 pouces sur le marché.

L’iPad Mini : le même en plus petit

Vous le voyez, chacune a ses avantages et ses inconvénients :

  • Les écrans : Amazon et Google

La Nexus 7 et la Kindle Fire ont une meilleure définition (1280 x 800 pixels) que l’iPad Mini, mais ont un écran légèrement plus petit (7 contre 7,9 pouces).

Au niveau de la densité angulaire, seul en comportement « Je regarde un film » l’iPad Mini se détache. Pour le reste, les Nexus 7 et Kindle Fire HD sont devant.

  • Les dimensions : Apple

Apple met ici tout le monde d’accord. Bien que l’écran soit plus grand, le chassis réussit à la fois à être plus léger et plus fin. En terme d’épaisseur la différence est même importante : près de 3 mm ! L’entreprise de Cupertino qui mise beaucoup sur le design met clairement ses concurrents au tapis.

  • Les processeurs : Google

Apple nous déçoit fortement, en nous servant le même processeur que sur l’iPad 2. Certes la définition est identique, mais ce choix va pouvoir s’avérer néfaste pour la durée de vie de l’appareil. La qualité des jeux s’améliore à vitesse grand V et le processeur est toujours plus sollicité, d’où une déception de ce côté. Sur la Kindle Fire, on retrouve un double-coeur performant, mais le quadruple-coeur +1 de la Nexus 7 met tout le monde d’accord. Par ailleurs, le Tegra 3 offre du contenu exclusif via la Tegra Zone qui est toujours de qualité.

  • Les connectiques : Amazon

Cet iPad se caractérise par le fameux connecteur Lightning, qui peut être utilisé dans les deux sens. Par ailleurs qui dit nouveau format chez Apple, dit « il faut tout racheter ». Chez Google, on est quasiment sur un sans faute, microUSB pour l’alimentation et la connexion à un ordinateur, mais l’absence en natif du MHL (et donc de l’USB OTG et de la sortie HDMI) penche à sa défaveur. Amazon prend le dessus simplement parce qu’il propose en plus une sortie HDMI. On regrette que toutes ces tablettes n’aient pas de microSD.

  • Les systèmes d’exploitation : Apple

Apple a surpris tout le monde avec son iPad, il y a plusieurs années de cela et continue de conserver son avance, grâce à un système beaucoup plus léché que la concurrence. L’iPad ne serait rien sans son App Store et ses milliers d’applications optimisées : Google n’arrive pas à s’imposer malgré de gros efforts dans ce domaine. La Kindle Fire suit avec sa version modifiée d’Android, mais son bootloader verrouillé et son App Shop peu fourni montrent qu’il reste encore une marge de progression. La Nexus 7 quant à elle bénéficie de l’univers pur d’Android, qui s’améliore considérablement de version en version, mais le Play Store est encore trop peu adapté aux tablettes, les développeurs s’orientant en priorité sur les smartphones.

  • Les prix : Amazon

Amazon est de loin le moins cher, car sur ce marché, c’est la mémoire interne qui fait la différence de prix. Il y a tout simplement 50€ d’écart avec la Nexus 7

Mais ce qui nous a choqué dans cette keynote, c’est surtout le fait de dire qu’il existe 275 000 applications pour iPad 10 pouces, donc 275 000 pour l’iPad Mini de 7,9 pouces. Or ce n’est pas totalement correct. A format différent, dit design différent des applications.

Apple s’assied-t-il sur l’expérience utilisateur ?

Nous l’avouons sans aucun problème, sur Android le nombre d’applications réellement optimisées pour les tablettes est encore trop faible (aucun chiffre à l’appui malheureusement). En revanche, on observe de sérieux bouleversements sur l’expérience utilisateur. Il suffit de jeter un oeil à Android 1.5 et de regarder la transition vers Android 4.1 : les changements sont tout simplement majeurs. Matias Duarte, l’homme à la tête de l’ergonomie d’Android, a déclaré il y a peu être satisfait de son travail accompli, mais la route reste encore très longue pour obtenir un résultat qui atteindra ses attentes.

Google étant conscient qu’il reste encore du travail à effectuer, fait le maximum pour sensibiliser les développeurs. C’est ainsi qu’un site dédié au design est apparu, tout comme des conférences, ou encore des podcasts réguliers afin de pointer du doigt ce qui est bon à prendre ou non dans les applications du Play Store. A la Google I/O, de nombreux conseils ont été prodigués lors de la conférence « Android Design for Success ».

Il n’est pas rare de trouver sur Android de gros problèmes d’ergonomie. A la Google I/O, le géant de la recherche l’a répété à plusieurs reprises : le format de 7 pouces n’est ni un smartphone, ni une tablette. Il faut que le design soit adapté à cette expérience, qui se veut également plus mobile. Par exemple, regardons l’application Contact. On peut voir que le volet « Mises à jour » ne peut pas être affiché sur du 7 pouces, un swipe permet d’y accéder, alors que sur du 10 pouces tout est visible en un seul coup d’oeil. Idem pour les items de la liste, « Mobile » apparaît au-dessus et non à la droite des numéros de téléphone. Ce sont certes de petits détails, mais qui démontrent que l’adage « design 7 pouces = design 10 pouces » est faux.

 

Or c’est la soupe que nous sert Apple, en disant tout simplement « nos 275 000 applications sont compatibles ». Comment une entreprise si maniaque sur l’expérience utilisateur, peut-elle laisser passer de telles choses ? Les designs réduits automatiquement ‘à la grand-père’ sont révolus. Aujourd’hui, il faut penser smartphone (sur Android de 3 à 5 pouces), petite tablette, grande tablette et même télévision.

Autre signe que Steve Jobs n’aurait probablement pas laisser passer, ce sont les bords de l’appareil. Ils sont imposants sur la Nexus 7, mais viennent du design du dos qui est courbé sur les côtés. Sur l’iPad Mini c’est exactement la même chose et en appuyant son doigt sur l’un des bords, on est quasiment assuré de cliquer intempestivement sur l’écran.

Comme quoi, qui aurait pu imaginer qu’un jour Apple puisse apprendre des leçons d’ergonomie de Google ?

L’iPad du pauvre ?

C’est un peu l’impression que nous a laissé Apple, car on ne sent aucun argumentaire commercial percutant. La devise actuelle du produit est « De long en large un iPad » : l’entreprise l’avoue donc elle même, c’est un clone du 10 pouces au format 7,9 pouces. Bien que l’accent soit porté sur la taille qui est différente, on voit que l’argument du prix est important.

Les médias le rabâchent tous les jours « c’est la crise », les ménages hésitent de plus en plus avant d’acheter des produits qui ne sont pas de première nécessité. La réflexion est donc de mise avant l’achat et l’argument du prix est clairement pris en compte. Avec un iPad 2 vendu à partir de 409 €, les 70€ penchent dans la balance de la version 7.9 pouces, car cet argent économisé pourra par exemple être dépensé sur l’App Store. Cet iPad Mini est-il un modèle de crise ? Un modèle pour les petits budgets ?

Il ne faut pas oublier qu’un iPad de ce format se veut beaucoup plus portable que celui de 10 pouces et offre donc des usages différents. Apple si brillant en communication ne fait pas ressortir ce point (par peur de cannibaliser les ventes des modèles 10 pouces ?) ? La réponse à la question serait-elle donc oui ?

A qui s’adresse cet iPad Mini ?

Plusieurs catégories de personnes :

– Aujourd’hui, Apple est largement dominateur sur le marché des tablettes. Aux oreilles du grand public, ce nom est rassurant et le prix plus élevé également, car l’iPad a un prix psychologique et s’il est trop bas, les consommateurs peuvent avoir peur d’acheter un produit trop ‘cheap’.

– Apple le clame haut et fort, l’App Store regorge de nombreuses applications optimisées pour les tablettes (plus de 275 000). En achetant un iPad Mini, c’est aussi la garantie d’avoir un large catalogue d’applications et de jeux.

– Pour continuer sur l’AppStore, les personnes qui ont déjà un ou des terminaux iOS sont habituées à payer pour le contenu. Or passer vers une autre plateforme signifie devoir à nouveau payer. Apple (tout comme Google d’ailleurs) fait donc le maximum pour verrouiller ses utilisateurs, afin qu’ils ne partent pas vers d’autres plateformes.

– Apple est aussi extrêmement doué en marketing (là où Google peine à séduire un public large, autre que les geeks) et le public est particulièrement réceptif. Comme nous l’avons dit en introduction, Apple est la seule marque qui arrive à générer une attente aussi forte autour de ses produits. Par conséquent, l’entreprise joue sur un terrain qui ne lui est pas si défavorable.

Un iPad sous l’impulsion des marketeux ?

Où est passé Apple qui a révolutionné le paysage de la téléphonie mobile avec l’iPhone, ou encore le marché des tablettes avec l’iPad ? Ici, on voit uniquement une marque, qui sort un produit après avoir observé ses concurrents. J’y vais peut-être fort, mais j’ai l’impression de voir une marque chinoise qui tente de pomper les idées des autres et de dire « tadam regardez ce qu’on a fait ».

Depuis le départ de Steve Jobs, on voit une nouvelle direction prise par Apple, qui se veut beaucoup plus consensuelle qu’auparavant. L’image de marque s’améliore, mais l’audace disparaît. On sent que la firme de Cupertino essaie de pécher à droite et gauche les meilleures idées pour essayer de fournir le meilleur compromis possible.

D’où une question simple : et si cet iPad n’existait que parce que le modèle 10 pouces commençait à perdre des parts de marché ? Il n’y a aucune innovation ici, on a simplement l’impression qu’Apple essaie de fournir quelque chose, histoire de ne pas perdre le monopole qu’il avait acquis face à une concurrence qui n’avait pas réussi (et ne réussit pas ?) à trouver un intérêt à du tactile sur du 10 pouces.

La concurrence ne propose pas d’écrans Retina, pourquoi ne pas l’avoir fait, alors même que le nouvel iPad (iPad 3) et le nouvel nouvel iPad (iPad 4) misent tout dessus ? Apple agit-t-il par excès de confiance, tactique réfléchie ou inconscience ? Dans tous les cas, à Cupertino, on méprise clairement les concurrents qui proposent bien mieux sur l’aspect technique, pour moins cher.

La marque – le prix – l’ouverture

C’est en effet les trois qualificatifs que nous pouvons attribuer à ces trois concurrentes. Si vous aimez le côté rassurant, avec un service client performant, un magasin d’applications fourni, l’iPad Mini est fait pour vous.

Si le prix est votre argument, la Kindle Fire HD est résolument celle qui offre le meilleur compromis, tout en ayant le prix le moins élevé. Par ailleurs, cette tablette est avant tout faite pour consommer, il faut donc faire attention au prix d’entrée qui est peu élevé, mais qui est ensuite rattrapé par des achats quasi-obligatoires.

Pour la Nexus 7, le prix est à nouveau un argument, d’autant que le Play Store offre du contenu (en terme applicatif) à la fois plus riche et plus orienté vers un modèle gratuit. Par ailleurs, cette tablette se caractérise par l’ouverture du système Android : vous n’aimez pas le Play Store, pourquoi ne pas essayer l’App Shop d’Amazon ? Vous trouvez que la ROM de base ne vous plait pas, pourquoi ne pas essayer CyanogenMod ? Ce sont plein d’éléments qui montrent que cette tablette est peut-être moins dédiée au grand public, mais surtout personnalisable à l’extrême.

3..2..1… c’est parti !

Maintenant que les trois acteurs sont en place, il est difficile de voir qui va réellement arriver à tirer son épingle du jeu. Google a bénéficié d’un marché quasiment vierge de tout concurrent jusque là, vu que la Kindle Fire était en fin de vie. Deux acteurs de plus viennent s’ajouter, arrivera-t-il à continuer sur sa dynamique ou le conquérant Apple va-t-il tout détruire sur son passage ?

La réponse dans un prochain épisode, mais qui pourrait être une nouvelle fois chamboulé grâce à la conférence que va tenir Google lundi prochain. Comme le disent les américains : Wait & see !


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