En 2016, Elon Musk a fondé Neuralink : une start-up spécialisée dans l’interface homme-machine. En novembre dernier, il affirmait qu’il ne lui fallait plus que quelques mois avant de pouvoir équiper un être humain d’un implant Neuralink. Une affirmation que fait son fondateur régulièrement depuis plusieurs années. Comme à son habitude, Elon Musk s’était montré confiant, et disait avoir soumis la plupart des documents demandés par les régulateurs et être en continuelle discussion avec eux. C’était sans compter sur la Food and Drug Administration américaine (FDA), qui n’a pas accepté la demande d’autorisation de Neuralink pour tester ses puces sur des humains.
Neuralink retoqué par la FDA : pas de tests sur les humains
C’est l’agence de presse Reuters qui révèle l’information en s’appuyant sur sept employés, certains toujours en poste, d’autres qui ne font plus partie de l’entreprise. Neuralink aurait ainsi demandé l’autorisation début 2022, longtemps après les premières promesses grandiloquentes d’Elon Musk. Une demande rejetée, mais dont on n’a pas entendu parler.
Selon les employés, « l’agence a souligné des dizaines de problèmes que la société doit résoudre avant les tests sur l’homme » (certains étant « relativement mineurs »), ce alors même que c’est une étape critique dans le processus de conception de l’implant. Sans tests sur l’humain, aucune commercialisation ne pourrait être possible. Ils ajoutent que « les principales préoccupations de l’agence en matière de sécurité concernaient la batterie au lithium de l’appareil, la possibilité que les minuscules fils de l’implant migrent vers d’autres zones du cerveau et la question de savoir si et comment l’appareil peut être retiré sans endommager le tissu cérébral ».
Pour certains experts en implants cérébraux, si la batterie venait à tomber en panne, cela pourrait potentiellement endommager le tissu cérébral. Certains employés racontent que la FDA avait estimé que Neuralink devait démontrer davantage la fiabilité des batteries au lithium utilisées. Une démonstration d’autant plus compliquée que Neuralink cherche à pouvoir les recharger à distance. Quant aux fils, ils pourraient « induire une inflammation, altérer la fonction dans des zones critiques du cerveau et rompre des vaisseaux sanguins » et pourrait « éroder l’efficacité du dispositif » selon Victor Krauthamer, ancien fonctionnaire de la FDA durant une trentaine d’années. C’est dû au fait que le cerveau est un organe très délicat et surtout très mou. Pour la Food and Drug Administration, la puce doit être retirable sans endommager les tissus cérébraux et ne doit pas produire de surchauffe. Si Neuralink a reconnu par le passé certaines faiblesses, l’entreprise les a toutefois minimisées. Comme l’indique Reuters dans son article, les experts en neurosciences et de l’industrie ne sont pas tous d’accord sur les réponses de Neuralink aux exigences de la FDA.
L’implant de Neuralink serait encore loin de pouvoir être testé sur des humains
Neuralink s’efforcerait en interne de résoudre tous ces problèmes pour pouvoir tester au plus vite son implant. Cependant, pour trois employés, la société serait loin de régler rapidement tous ces soucis. Les informations se font d’ailleurs rares : Neuralink n’a pas officialisé sa demande d’essai, ni les raisons de son rejet par la FDA. Elle n’est d’ailleurs pas tenue de divulguer ses informations à ses investisseurs, qui peuvent représenter une source de fuites dans les médias. Dans un document interne, Reuters dit apprendre que « Neuralink s’attendait à ce que la FDA autorise les essais sur l’homme pour son implant cérébral d’ici au 7 mars 2023. »
Cela ne signifie pas que Neuralink ne parviendra jamais à tester ses implants. Si elle règle les problèmes soulignés par la FDA, elle pourrait obtenir une future approbation. D’un autre côté, selon une douzaine d’experts interrogés par Reuters, « le refus de l’agence est le signe de préoccupations importantes ». Is rappellent que « ce rejet augmente également les enjeux et la difficulté des demandes ultérieures d’autorisation de la société. » C’est d’autant plus le cas que la FDA « affirme avoir approuvé environ deux tiers de toutes les demandes d’essai sur l’homme pour des dispositifs dès la première tentative au cours des trois dernières années ». En interne, certains employés auraient une vision négative de la FDA : l’institution représenterait un gouvernement généralement lent et qui étoufferait l’innovation.
Si Neuralink n’arrive pas à obtenir d’autorisation après trois tentatives, il est possible que la société abandonne pour se concentrer sur d’autres projets. Même au cas où elle décrocherait un agrément, obtenir celui de la commercialisation est encore plus difficile.
Cela reste une puce à visée médicale et la FDA ne peut pas se permettre d’autoriser toute entreprise à tester des dispositifs neurologiques sans avoir certaines garanties. D’ailleurs, elle a elle-même subi des polémiques après des approbations, « comme l’autorisation en 2021 d’un traitement contre la maladie d’Alzheimer sans preuve concluante de son efficacité. » Néanmoins, la FDA, à la suite de pressions du Congrès notamment (via la promulgation de lois fédérales), a accéléré les procédures d’examen pour des tests de dispositifs cérébraux sur des humains. Désormais, elle n’a que trente jours pour répondre aux demandes d’essais sur l’être humain.
Pourquoi Neuralink n’arrive pas à avancer : parce qu’il avance trop vite
Les polémiques à propos de Neuralink sont plurielles et semblent de plus en plus découler d’un problème systémique, davantage structurel que financier ou humain. Pour certains de ses employés, « les difficultés de Neuralink en matière de réglementation découlent en grande partie de sa culture ». Elon Musk oblige, Neuralink avance à coups de grandes avancées avec des objectifs ambitieux dans des temps très courts. Un fonctionnement qui paraît semblable à ce qu’Elon Musk applique avec ses autres entreprises : Tesla, SpaceX (notamment avec Starlink) et plus récemment Twitter. Si cette culture est vivement critiquée par les employés, il paraîtrait qu’il reste un noyau composé d’employés fidèles à l’entreprise, ainsi que de certains investisseurs industriels. Les enjeux sont énormes : si Neuralink est sans doute l’entreprise de développement de dispositifs cérébraux la plus médiatisée, elle n’est pas la seule. La concurrence existe depuis des années et poursuit son travail.
Le problème, c’est que cela peut engendrer des erreurs de conception, des difficultés précises. Dans le cas de Neuralink, l’entreprise est priée de passer par des tests sur des humains. Mais pour cela, il faut que chaque détail de l’implant respecte des protocoles de sécurité. La demande de test intervient alors même qu’une enquête fédérale avait été ouverte en décembre dernier à propos de Neuralink pour « violation potentielle de la législation sur la protection des animaux ». À cause d’échéances trop courtes et de pressions toujours plus grandes, Neuralink n’aurait pas pris soin des animaux utilisés pour ses tests : pire encore, beaucoup de morts d’animaux seraient dues à des erreurs humaines. Le mois dernier, le ministère des Transports américain a ouvert une enquête pour transport illégal d’agents pathogènes dangereux. Neuralink aurait transporté des puces prélevées dans des cerveaux de singe, « sans mesures de confinement appropriées. »
Elon Musk : un PDG qui serait toxique pour Neuralink
L’enquête de Reuters va plus loin que le simple rejet de l’autorisation de la FDA. Comme dans de précédentes révélations, il apparaît un élément toxique pour Neuralink : Elon Musk. Plus d’une douzaine d’employés ont confié à l’agence de presse « un environnement de travail, qui tout en étant exigeant et ambitieux, est également lâche et désorganisé. » Sur huit fondateurs, presque tous ont quitté le navire : ne reste quasiment que la figure d’Elon Musk, qui accorderait moins d’attention à Neuralink qu’à ses autres entreprises. Tesla, SpaceX et même Twitter produisent plus d’images et de résultats immédiats. D’ailleurs, « les emails de Musk aux employés de Neuralink proviennent souvent de son adresse SpaceX », selon deux personnes.
Une des stratégies en accord avec la vision d’Elon Musk d’une entreprise est d’embaucher et de promouvoir de jeunes salariés. Fraîchement diplômés ou encore stagiaires, ils seraient légion chez Neuralink, certaines équipes étant composées uniquement de membres de moins de trente ans. Une stratégie qui, au-delà de son aspect idéologique sur le fait que les jeunes innoveraient mieux que les plus âgés, permet d’économiser de l’argent.
Le rêve d’Elon Musk : l’être humain augmenté
Reuters rappelle que Neuralink « permettrait aux paralysés de marcher, aux aveugles de voir et, à terme, de transformer les gens en cyborgs. » Des maux aujourd’hui intraitables, sauf grâce à certains dispositifs toujours expérimentaux.
Pour aller plus loin
Neuralink : Elon Musk présente « un fitbit dans votre crâne » qui pourrait révolutionner les neurosciences
Elon Musk a présenté à plusieurs reprises sa vision de Neuralink. Comme le rappelle Reuters, il souhaiterait que « les personnes handicapées comme les personnes en bonne santé se rendront dans les installations du quartier pour se faire insérer rapidement des dispositifs dont les fonctions vont de la guérison de l’obésité, de l’autisme, de la dépression ou de la schizophrénie à la navigation sur Internet et à la télépathie. » Les puces de Neuralink pourraient à terme faire en sorte que les humains puissent être qualifiés de cyborgs.
Le PDG de la société voudrait aussi que les implants soient discrets, que l’on ignore qui en porte et qui n’en porte pas. En 2020, il était même allé plus loin encore : « Vous serez en mesure d’enregistrer et de rejouer des souvenirs… L’avenir va être bizarre. » Une déclaration qui n’est pas sans rappeler l’épisode 3 de la première saison de Black Mirror (2011), Retour sur image. Dans celui-ci, la plupart des humains possèdent une puce derrière l’oreille qui permet de stocker ses souvenirs et de les rediffuser.
Certains cadres de Neuralink sont toutefois plus humbles vis-à-vis de l’implant. Le mois dernier, le vice-président de l’ingénierie Dogjin Seo expliquait que l’objectif à court terme n’était pas de rendre la mobilité aux patients paralysés, mais de les aider à communiquer via du texte informatique, pour les éviter de taper sur un clavier à suivi oculaire.
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