Edito : Pourquoi les débits mobiles ne sont pas si importants

 
Dans le marché des télécoms, la différenciation par les prix est un point majeur dans la conquête de part de marché. Comme nous le rappelons souvent, l’élasticité de ce marché fait que les opérateurs se battent en priorité sur la variable prix. Mais avec l’explosion du trafic data et l’avènement des grands réseaux de contenu, la couverture 4G et la qualité du réseau deviennent des arguments puissants et différenciants pour le consommateur. Toutefois, bon nombre de personnes semblent ne pas appréhender tous les concepts et détournent les chiffres à leurs intérêts. Une mise au point s’impose.
DiskSpeedTest

Ces dernières semaines, nous avons pu lire des actualités concernant des mesures de débits faites ici et là sur les réseaux des différents opérateurs. Toutes ces données récoltées permettent une analyse assez pointue sur les réseaux eux-mêmes, sauf que l’interprétation qui en est faite par certains a de quoi perturber… Il est temps de faire le point sur les débits mobiles.

 

Le débit maximal n’a pas de sens

Le premier point irritant croisé sur bon nombre de sites « communautaires » (quel que soit l’opérateur) est celui consistant à mettre en avant le top des débits obtenus par cet opérateur dans une ville donnée. De deux choses l’une :soit les personnes relatant ces informations n’ont pas compris le principe du partage de la bande passante au sein de la cellule, soit ils utilisent ces informations pour convertir les plus naïfs d’entre nous.

Comme nous l’avons déjà rappelé dans nos précédents dossiers sur la 4G et notamment celui sur la LTE-A : le débit de données est à partager entre tous les usagers se trouvant à l’intérieur d’une cellule (la zone géographique couverte par une antenne). Ainsi, le débit fourni à un usager dépendra des capacités du réseau de l’opérateur (réseau de collecte, portefeuille de fréquences, etc.) et des autres usagers présents dans la cellule.

Inutile donc de comparer les débits maximaux entre opérateurs, ces données n’ont aucun sens ! De plus, ces mesures sont criblées de biais : le type de téléphone, la position au sein de la cellule, le nombre d’utilisateurs de la cellule (qui dépend de l’opérateur, de l’heure, du jour de la semaine), ainsi que de l’appétence des clients de l’opérateur pour ces mesures de performance (jeunes, technophiles, etc.). Par ailleurs, ces débits maximaux mesurés sont peu intéressants communiquer aux futurs clients dans la mesure où ils ne sont pas nécessairement proches du débit moyen. Or, c’est ce débit moyen qui intéresse le futur client.

Pour connaître le débit auquel l’usager peut s’attendre, il faut regarder ce que les autres ont pu obtenir en moyenne. Si l’on regarde une seule personne, l’information n’est pas pertinente dans la mesure où les débits mobiles fluctuent énormément selon les conditions. Il ne faut donc pas regarder un seul utilisateur, mais plusieurs. Dans l’idéal, il faut plusieurs milliers d’utilisateurs pour obtenir des résultats pertinents tout simplement parce que, en quelque sorte, les fréquences tendent vers les probabilités. Autrement dit, plus l’échantillon sera grand et plus le débit moyen calculé sera pertinent : c’est la loi des grands nombres.

Colporter les résultats d’un seul test, en particulier le débit maximum obtenu à un instant t revient à caractériser le réseau d’un opérateur à travers un seul exemple statistique. C’est complètement ridicule. Autant dire que les avis s’appuyant sur ce type de mesures sont tout à fait non pertinents.

 

Les cartes « communautaires » de couverture ne sont pas plus fiables

Mais, la diffusion du débit maximum mesuré n’est pas le seul problème de communication et d’incompréhension que l’on croise sur la toile. Un autre problème d’interprétation subsiste : les cartes de couvertures communautaires.

On est encore dans le cas de la loi des grands nombres : pour obtenir des données pertinentes et comparables, il faut des échantillons représentatifs de la population. Or, dans la mesure où ces données sont communautaires et dépendent justement des données fournies par les usagers, il est difficile de comparer les informations obtenues. Les biais d’observation évoqués plus haut sont encore présents : les tests sont effectués par une certaine population. Le problème n’est donc pas dans la collecte des données, mais dans les interprétations qui en sont faites.

Sensorly à Lilli

Un exemple récent est celui de Lille. Les fervents défenseurs de Free Mobile ont tourné à leur avantage un simple manque de données sur la ville. Nous pouvons voir effectivement que la carte communautaire est à l’avantage du premier. Néanmoins, un certain recul scientifique et intellectuel nous fait remarquer que le premier dispose de plus de 1500 mesures de débit, quand les deux autres n’en ont que 50 (ce qui n’est pas représentatif). Les données ne sont donc pas pertinentes. On tombe là dans les dérives de la récolte de données statistiques ; à chacun de récolter les données qui sont à son avantage.

Dans ce cas précis de Lille, un petit tour vers les données officielles nous permet de retomber dans la réalité. Dans le centre de l’agglomération, Free Mobile a mis en service moins d’une trentaine d’antennes, contre plus de 90 pour l’opérateur historique. Cela ne permet en rien de conclure sur les débits moyens (nombre de clients non comparable), mais cela semble bien différent des images de couverture diffusées ici et là.

 

N’avoir confiance qu’en sa propre expérience

Malheureusement, la seule chose à retenir c’est que beaucoup de données, bien que biaisées, peuvent être interprétées à l’avantage de n’importe qui. En tant qu’usager des réseaux, il est important d’être prudent et de garder un certain esprit critique. Quand une situation semble trop avantageuse face à celles des concurrents, cela peut cacher quelque chose et c’est malheureusement là que les clients se font avoir.

Dans la téléphonie mobile, nous avons tous des utilisations et des exigences différentes : c’est bien facile pour quelqu’un de dire que 3 Go de données, c’est de l’escroquerie et qu’en 2014, c’est trop peu. Sauf que pour beaucoup, cette quantité de données est tout à fait confortable (on rappellera que la moyenne en France ne dépasse pas les 2 Go). Donc, pour une grande majorité des Français, la priorité sera d’abord de s’assurer d’être couvert plutôt que d’avoir une offre généreuse avec 20 Go de data… Qu’on se le dise.

Les fanboys ont tendance à oublier qu’exposer des arguments fallacieux pour justifier leur choix et inciter autrui à les suivre, c’est biaiser des choix que chacun peut faire de son côté.… En dépit des questions de concurrence.


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