Motorola et l’Empire du milieu, la conquête du trône

 
Mercredi après-midi, à Barcelone, c’est mon dernier jour sur place pour le Mobile World Congress. Septième édition, pour ma part, j’ai appris qu’il ne faut jamais compter sur la météo en cette période de l’année. D’ailleurs, il pleut des cordes, j’essaie de joindre une des responsables de Motorola, j’ai rendez-vous avec Rick Osterloh, Président de Motorola.
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Trempé jusqu’à l’os, mon smartphone Android a décidé de me lâcher, aux abords du Mobile World Congress. Une goutte d’eau a bouché le haut-parleur, je peux être entendu, mais je ne perçois qu’un bruit sourd. J’ai juste besoin d’une indication. Voilà, je l’ai. J’aperçois le bus noir de Motorola aux couleurs de Lenovo, je me dépêche de rentrer dedans, direction le centre-ville à plus d’une demi-heure du salon.

Pendant ce temps, j’avais presque oublié que j’allais rencontrer Rick Osterloh. C’est le genre de rendez-vous qui me fait monter l’adrénaline, et j’espère juste pouvoir lui poser toutes mes questions. Je connais depuis des années le bonhomme, exactement comme ce que vous imaginez d’un Américain : il est souriant, respire le succès et possède une énorme confiance en soi. Sorti de Stanford, il a évolué dans de grosses boites : Amazon, Skype et Motorola, bien entendu. Il a surtout connu vécu « Motorola Mobility, a Google Company » et maintenant « Motorola Mobility, a Lenovo Company » sans jamais trembler.

Lenovo, vous ne connaissez sans doute pas cette marque dans le domaine de la téléphonie, mais plutôt dans le monde du PC. Le groupe chinois a mis la main sur IBM PC il y a près de 10 ans, avec une grosse ambition : transformer une entreprise qui perdait de l’argent, pour devenir le numéro 1 du marché du PC.

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Après IBM, Motorola Mobility

En janvier 2014, Lenovo s’est donné un nouvel objectif : le rachat de Motorola Mobility à Google, pour 2,91 milliards de dollars. Même schéma, Motorola Mobility perdait 200 à 300 millions de dollars chaque trimestre.

Lorsque vous essayez de réunir des équipes de l’Est et l’Ouest, et de trois cultures d’entreprise comme IBM, Motorola et Lenovo, vous imaginez les problèmes de cohabitation.

Yang Yuanqing, CEO de Lenovo, a déjà connu ce problème lorsqu’il a pris le rôle de chef de la direction en 2009. La première chose qu’il a faite a été de créer un comité exécutif Lenovo, avec la moitié de ses membres Occidentaux et l’autre d’origine chinoise, avec un objectif : « apprendre à connaître l’autre ». D’ailleurs, dans ce type d’organisation, il précise sur un billet personnel : « quand quelque chose ne semble pas avoir de sens, vous devez supposer que c’est un malentendu, et non une mauvaise volonté ».

 

La Chine a besoin d’innovation

Je suis fasciné par la Chine. Ce pays a la capacité de fabrication la plus avancée dans le monde, et il affiche une croissance indécente depuis 30 ans. Cependant, force est de constater que la Chine ne sera pas en mesure de soutenir indéfiniment sa croissance de cette manière.

Les Chinois ont inventé la poudre à canon, la boussole, la roue à aubes ou la banque à distance. Jusqu’au début du 19e siècle, l’économie de la Chine était plus ouverte et axée sur le marché que les économies européennes.

Aujourd’hui, la Chine sait concevoir, mais elle ne semble pas savoir innover. Elle copie. Par exemple, les produits d’Apple ont été piratés dans le monde entier, on peut même trouver en Chine des magasins d’Apple entièrement faux et remplis de produits, les employés de ces magasins pensant parfois qu’ils travaillent par la société américaine.

L’innovation, c’est donc ce qu’il y a de plus important pour la Chine.

Comment peut-on expliquer l’absence d’innovation en Chine ? C’est une question que j’ai posée à de nombreuses reprises, une discussion qui dérape souvent en débat houleux avec mes connaissances chinoises. Les réponses varient, certains blâment les ingénieurs. Très peu d’entreprises chinoises sont créées par des designers ou des artistes, on retrouve plutôt des ingénieurs formatés. Ce qui nous conduit ensuite à critiquer le système éducatif chinois. Enfin, on peut également blâmer le gouvernement qui doit créer des règles justes et transparentes, et protéger la propriété intellectuelle. Les frais de licences commencent à coûter cher aux entreprises chinoises, le gouvernement les pousse donc, depuis quelques années, à acheter, plutôt que de louer (ou voler) de la technologie et du talent.

 

La passation à haut risque

Ce qui nous vient naturellement à cette acquisition, Motorola Mobility par Lenovo. C’est la première question que j’ai posée à Rick Osterloh. « Comment cela se passe t-il ? Motorola va t-il garder son identité ? Où sont désormais prises les décisions ? ». Il m’a tout de suite rassuré : « Motorola reste indépendant, avec ses propres équipes ». Ils souhaitent avant tout favoriser la flexibilité, tout en réalisant des économies d’échelle importantes avec une même et seule chaîne d’approvisionnement, qu’il faut voir comme un grand effet de levier.

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Rick Osterloh

Ensuite, Rick a enchaîné : « Nous allons nous concentrer sur une poignée – un petit nombre – de grands produits. Nous allons offrir aux consommateurs finaux le pouvoir de choisir. Nous allons être une entreprise qui est accessible, qui comprend les gens, qui est à portée de main. Cela va être notre orientation à long terme. ».

Nous retrouvons donc trois produits : le Moto E (entre 120 et 140 euros, le Moto G (environ 200 euros, la version 4G LTE vient d’être annoncée) et le Moto X (environ 450 euros). Sans oublier le Nexus 6, qui flirte avec les 6 pouces de diagonale d’écran.

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Le nouveau Moto E

Il en a profité pour fustiger les smartphones à plus de 600 euros, « dans une industrie très concurrentielle, leurs jours sont comptés » et a également décrié l’évolution incrémentale de certaines modèles, dont le HTC One M8. L’introduction de « changements minimes » n’est pas la bonne méthode, selon lui, il faut offrir de « vraies innovations à tous les prix ».

Motorola Mobility va donc profiter de l’expérience de Lenovo en logistique, néanmoins les équipes de R&D ne seront pas fusionnées mais elles vont travailler en coordination, « profitant chacune du savoir faire de l’autre ». En Europe, Motorola devrait être la seule marque présente sur la partie téléphonie, car elle a une image haut de gamme et une forte notoriété. En Chine à l’inverse, c’est Lenovo qui profite de son positionnement plus agressif sur les prix, néanmoins certains marchés continueront à accueillir Lenovo et Motorola. Pour information, Motorola est actuellement présent dans environ 45 pays et Lenovo, dans un nombre beaucoup plus élevé.

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Le tableau « Moto E », j’accroche pas.

Rick Osterloh était également là pour évoquer les nouveautés, dont le Moto E : « La Moto E est un produit énorme pour nous en termes de volume (…) nous offrons une grande valeur, en particulier lorsque vous comparez les produits Apple, Samsung, ou d’autres grandes marques (…) le Moto E a des options 3G et 4G, un processeur quad-core, un écran de 4,5 pouces (…). Il a aussi Lollipop, et enfin il propose la même expérience utilisateur et des fonctionnalités qui ont d’abord été introduites sur le Moto X. ».

 

Lollipop et l’expérience « pure »

Evidemment, j’ai évoqué les mises à jour Lollipop sur les produits d’ancienne génération, dont le Moto G et le Moto X. « Ça arrive », assure-t-il, se voulant rassurant. D’ailleurs, depuis hier Lollipop est poussé sur les Moto G (2013). Pour le premier Moto X, les choses « avancent vite ».

Rick Osterloh m’a confirmé que Motorola allait laisser Google « s’occuper »  du logiciel. En revanche, la marque s’assurera de pousser les mises à jour le plus vite possible en proposant une expérience « pure » d’Android.

 

La Moto 360 « seconde génération »

La discussion a rapidement tourné autour de la Moto 360, une des premières montres sous Android Wear. Depuis aujourd’hui, la Moto 360 est disponible sur Moto Maker, la plateforme maison de personnalisation de Motorola. Malheureusement, contrairement au Moto X, la Motorola Moto 360 offre peu de choix de personnalisation. Vous pouvez choisir la couleur du boitier, parmi trois, ainsi que le bracelet – parmi une dizaine. C’est finalement peu de combinaisons.

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Pourtant, l’approche de Motorola semble être la bonne : « L’accent a été mis sur ​​le style et le design (…). Les gens ne vont pas porter quelque chose qu’il n’aiment pas sur leur poignet. Les montres sont des produits de mode et les gens portent de très différentes sortes de montres. Nous commençons dans cette voie avec Moto Maker pour le Moto 360 et je pense que ce est un domaine clé pour l’avenir ». Motorola va se focaliser sur « l’autonomie et de plus en plus de choix de styles ». Une bonne chose.

Idéal pour aller avec le nouveau MacBook, non ? ;-)
Idéal pour aller avec le nouveau MacBook doré, non ?

La personnalisation reste au cœur de la stratégie de Motorola, « il y a des marques qui ont dit qu’elles n’apprécient pas la participation du client dans le processus de conception. Elles préfèrent avoir une conception de leur choix qui représente leur marque. Elles dictent le style du téléphone. Chez Motorola, nous préférons laisser ce pouvoir aux consommateurs. (…) Si c’était facile de le faire, avec toutes ces différentes fonctionnalités de personnalisation, tout le monde saurait le faire. Mais nous avons trouvé un moyen. ».

 

L’union heureuse ?

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Gartner

L’avenir semble prometteur pour Motorola Mobility, sous l’égide de Lenovo. La firme chinoise, de son côté, continue à dévoiler discrètement des produits, elle vient de lancer deux nouvelles marques en Chine : Shenqi, « plus agile » pour faire face à la croissance vertigineuse de Xiaomi, mais aussi Motorola, pour profiter de l’image « haut de gamme » de l’ancienne marque américaine. Le numéro 3 mondial du « smartphone » pourrait bien venir un jour renverser le trône de Samsung.


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