L’âge d’or du SMS est révolu

 
Le SMS a redéfini notre manière d’écrire, apprenant à toute une génération à faire tenir ses propos dans l’espace de 160 petits caractères. Il est entré dans les mœurs, a remplacé la plupart des appels et, aujourd’hui, perd de sa superbe. L’épreuve du Nouvel An 2015 sera pour lui un rite de passage.
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Décembre 1992, Neil Papworth envoyait un premier SMS – Short Message Service – souhaitant un « Merry Christmas » à un collègue. Depuis lors, au quotidien et tout particulièrement pendant les fêtes, ceux que l’on nomme également textos (nom tiré d’une marque initialement déposée par SFR), l’usage des SMS n’a cessé de croître. L’arrivée des smartphones puis des forfaits incluant les SMS illimités ont accéléré ce mouvement : les petits messages échangés discrètement mais lentement, la faute aux claviers T9 pas franchement pratiques pour battre des records de vitesse, ont bénéficié de l’arrivée des claviers complets sur les smartphones (iPhone, premiers androphones) et sur les terminaux BlackBerry à clavier AZERTY. En France, les premiers forfaits avec SMS illimités lancés autour de 2004 permettaient à ceux qui, aidés de leurs « portables » de plus en plus perfectionnés et dotés de systèmes de correction orthographique performants, de textoter sans compter. Une révolution à l’heure où il était encore monnaie courante de payer plus cher ses appels vers des opérateurs concurrents et où les cartes prépayées représentaient une part substantielle des formules mobiles.

Grandeur et décadence

Quelques chiffres en France. En 2011, 1,1 milliard de SMS était envoyé pour le nouvel an, puis 1,13 milliard en 2012 et 1,4 milliard en 2013. Au nouvel an 2014, ce chiffre s’est stabilisé, affichant même un léger recul chez Orange (-1,31 % à 537 millions de SMS) tandis que le nombre de MMS a crû chez l’ensemble des opérateurs hexagonaux. Cette tendance, on la retrouve nettement plus marquée dans l’étude publiée en novembre dernier par le CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). L’étude constate une progression de la proportion de la population envoyant des SMS, qui représente pour 2014 74 % des interrogés, contre 70 % en 2013 et 36 % dix ans plus tôt. Mais le nombre moyen de SMS envoyés, en hausse exponentielle entre 2010 et 2013, où il est passé de 53 à 101 messages envoyés en moyenne par semaine, baisse quant à lui à 101 SMS hebdomadaires.

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Et la tranche d’âge où cette diminution est la plus prégnante n’est autre que celle des 12-17 ans et, dans une moindre mesure, des 18-24 ans, dont la moyenne hebdomadaire a baissé de près de 150 messages entre 2012 et 2014. Dans le même temps, ces mêmes tranches d’âge affirment utiliser de plus en plus leur smartphone pour surfer sur Internet.

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Taux d’équipement en smartphones oblige, les jeunes, plus susceptibles de tester de nouveaux usages, peuvent désormais se tourner vers des applications présentes sur le Play Store, l’App Store ou même le Windows Phone Store. Et sur les trois plateformes, sans compter même BlackBerry World (et son BBM) se multiplient les applications de messagerie instantanée permettant aux mobinautes d’envoyer des messages textes, des images et autres contenus multimédias sans passer par leur forfait mobile. « Peut-être, pour les plus jeunes, y-a-t-il eu un transfert vers d’autres pratiques, via des services de messagerie de type Hangouts, Viber ou Whatsapp (revendiqué par un ado sur quatre, voir plus loin) ? », s’interroge le CREDOC. L’étude constate en outre que 17 % des personnes interrogées, soit 19 % des utilisateurs de mobiles, se sont déjà servi des applications « de type Hangouts, Viber, WhatsApp. (…) L’usage est déjà banal chez les plus jeunes (46 % des 18-24 ans utilisent déjà une de ces applications de communications permettant d’envoyer et recevoir des messages, des photos) ».

WhatsApp, Wechat et les autres

À l’échelle internationale, le simple cas de WhatsApp, acheté par Facebook en février 2014 et facturé, à la clôture de la transaction, 21,9 milliards de dollars, est certainement l’application la plus emblématique de cette vogue des applications de messagerie multiplateformes. Au contraire d’un iMessage, pratique pour les utilisateurs d’iPhone mais réservé à l’univers iOS, WhatsApp fonctionne sur les grands écosystèmes mobiles. Créée en 2009, elle revendiquait en août 2014 600 millions d’utilisateurs actifs chaque mois. Ces derniers bénéficient d’ailleurs d’une année d’utilisation gratuite puis doivent s’acquitter d’un abonnement d’un dollar/euro par an pour continuer à l’utiliser. En termes économiques, il lui est pour le moment difficile de trouver le chemin de la rentabilité, son chiffre d’affaires de 15,9 millions de dollars au premier trimestre 2014 étant assorti de pertes établies à 232,5 millions de dollars.

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Connectez-vous à WhatsApp et vous constaterez que la moitié de vos contacts sont eux aussi inscrits !

WhatsApp n’est pas la seule application de messagerie alternative. Si le CREDOC cite en premier Hangouts, c’est bien parce que Google la propose comme messagerie par défaut sur ses Nexus (ou les autres smartphones) depuis le déploiement de KitKat. Mais d’autres applications rencontrent elles aussi un vif succès à l’international. On peut citer Viber, Kik Messenger, Facebook Messenger ou encore BBM, feu ChatOn et surtout WeChat, estimé à près de 440 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans le courant de l’été.

Les cycles de l’innovation

À la manière des cycles de Kondratiev, qui observent la croissance des technologies, leur généralisation, les innovations qui leurs sont apportées et une phase de maturité avant laquelle on observe un déclin parallèle au déploiement de nouvelles technologies, c’est à une courte échelle – à peine plus de vingt ans – que s’observe la mutation de la messagerie écrite sur les téléphones au profit des applications de type WhatsApp. Ces dernières sont certes un peu moins universelles que les textos classiques puisque le destinataire doit lui aussi en être équipé, ce qui garantit d’ailleurs la survie du SMS, les smartphones n’étant pas généralisés. Ces applications ont l’avantage pour leurs usages de simplifier l’envoi de contenus multimédias, de mettre l’accent sur des éléments ludiques (jeux et ventes de produits chez WeChat, emojis chez WhatsApp), bref de s’adapter plus précisément aux usages de chacun.

VoLTE

C’est d’ailleurs peu ou prou l’évolution que l’on s’attend à voir dans l’univers des appels vocaux, actuellement passés sur le réseau 2G ou 3G, et qui voient actuellement s’inviter la VoIP sur les mobiles. Elle s’appuie sur le réseau 4G, prenant le nom de VoLTE (Voice over LTE), ce dernier offrant une meilleure qualité dans le transport de la voix et des communications établies plus rapidement. Toutefois, les opérateurs doivent mettre à jour leurs réseaux – au premier semestre 2015 pour l’Hexagone – et les terminaux mobiles doivent être compatibles au niveau matériel (SoC) et logiciel. C’est déjà le cas de quelques smartphones Android, dont les haut de gammes de Samsung, ou encore de l’iPhone 6, mais la technologie est encore loin d’être démocratisée.

En attendant, d’autres solutions permettant de passer des appels via des applications tierces ont tout de même le vent en poupe. On peut justement penser à WeChat, qui l’autorise (la fonctionnalité a été aperçue sous forme de fuites chez WhatsApp mais n’est pas officielle) ou encore chez le plus classique Skype et chez Libon, l’application d’Orange.

L’atout survie du SMS : le prix

Le SMS n’a pourtant pas vocation à disparaître, du moins chez qui voyage loin ou moins loin, sans compter les zones où la data reste inaccessible. À l’échelle européenne et en attendant une législation favorable aux utilisateurs de data, le plafonnement à 20 centime par Mo dans l’Union reste encore élevé, beaucoup plus que les 6 centimes par SMS imposé par les autorités européennes. D’autant plus que l’usage de la data, mal maîtrisé, peut rapidement coûter cher au néophyte. Moins utilisé, mais valeur sûre où que l’on se trouve, le SMS trouve son salut dans sa simplicité d’usage, son universalité et son petit prix de revient.


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