Les ROM personnalisées sont-elles vraiment mortes ?

 
Depuis les débuts d’Android, bon nombre de développeurs indépendants ont tenté d’apporter leurs améliorations au système au travers de ROM alternatives. Quasi incontournables à une époque pas si lointaine, ces ROM pullulaient. Aujourd’hui, la plupart de celles qui étaient réputées à l’époque de KitKat ou de Jelly Bean n’existent plus et le choix semble de plus en plus limité. Serait-ce le début de la fin de ces custom ROM ? Nous avons discuté avec des développeurs de ROM afin d’approfondir le sujet. Analyse.
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Pourquoi les ROM ?

Les ROM alternatives existent depuis les premières versions commerciales d’Android et le tout premier smartphone Android à voir le jour, le HTC Dream (ou G1 selon les pays) attisait déjà l’intérêt des développeurs du monde entier, donnant naissance à plusieurs distributions différentes, dont celle qui deviendra plus tard CyanogenMod.

Au fil des mises à jour officielles, les utilisateurs trouvaient toujours plus d’intérêt à se tourner vers ces firmwares alternatifs. Dernière version en date d’Android, nouvelles fonctionnalités, liberté, stabilité, fluidité, affranchissement des interfaces opérateurs et de leurs bloatwares… Les raisons de s’intéresser à ces créations tierces étaient nombreuses, et en 2014, à l’époque d’Android 4.4 KitKat, cet écosystème parallèle a atteint son apogée avec la mise en avant de grands noms qui ont marqué les esprits des utilisateurs. CyanogenMod, Paranoïd Android, Android Open Kang Project (AOKP), SlimROM, OmniROM et d’autres encore…

Google maintient sa cadence annuelle de mises à jour majeures, mais beaucoup de ces ROM populaires ne lui ont pas emboîté le pas, laissant ce paysage underground quasi déserté des grandes équipes de programmeurs, à l’exception de CyanogenMod, depuis devenue entreprise.

 

Les ROM en perte de vitesse

Il est vrai que si les ROM alternatives devenaient rapidement obligatoires pour tirer pleinement parti de son téléphone à une certaine époque, elles sont devenues avec le temps beaucoup plus dispensables. À titre d’exemple, OmniROM a perdu près d’un tiers de son public entre les versions reposant sur Android 4.4 et les versions actuelles (pour environ 10 à 15 % de terminaux supportés en moins). De son côté, LlabTooFeR, développeur de la ROM pour terminaux HTC MaximusHD, nous avoue avoir également enregistré une baisse de son public, néanmoins plus difficile à chiffrer, puisque relative aussi bien au déclin des ROM qu’à la réduction de la clientèle du constructeur taïwanais.

L’âge de raison de Google

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La première des raisons expliquant ce déclin est la maturité acquise par Android depuis quelques versions. Avec Lollipop (Android 5.0 / 5.1), et plus encore avec Marshmallow (Android 6.0), Google a réussi à proposer un système stable, fluide et agréable à utiliser au quotidien. Outre ses optimisations, la firme de Mountain View a également pioché dans les idées des interfaces de constructeurs ou de ROM alternatives afin de proposer de nouvelles options fort à propos qui facilitent la vie des utilisateurs. Cela se ressent d’ailleurs dans les « surcouches » des constructeurs, qui se rapprochent de plus en plus de ce que propose nativement Google, que ce soit sur de petits détails, comme le menu multitâche de Sense (l’interface de HTC), désormais plus proche d’AOSP, ou alors l’ensemble du design, à l’instar de Motorola qui ne rajoute que quelques éléments ponctuels à l’ensemble.

Avec seulement quelques petites modifications, le système devient rapidement parfait, ou tout du moins « suffisant », même pour des utilisateurs confirmés. « Vu que je ne manque de rien avec ce que j’ai sur mon téléphone, je ne ressens pas forcément le besoin d’aller coder une fonction de plus », nous avoue XpLoDWilD, ancien développeur de CyanogenMod travaillant aujourd’hui sur OmniROM.

Avec seulement 30 % d’utilisateurs sur Android 5.0 ou plus, cette raison ne se suffit pas à elle-même pour expliquer ce désamour pour les custom ROM.

 

Xposed, le petit frère précoce

En interrogeant des utilisateurs férus de bidouilles, l’un des principaux coupables de la paupérisation de ces ROM se précise : il serait donc Xposed, le framework de Rovo89 qui permet de personnaliser de nombreux aspects de son terminal pour peu que l’on détienne les droits de root. Amplify pour améliorer son autonomie, XBlast Tools ou GravityBox pour personnaliser son expérience… Ce simple duo permet déjà d’obtenir une grande partie de l’effet recherché par l’installation d’une ROM tout en s’épargnant les longues phases de flash à répétition pour trouver la bonne.

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Afin de laisser aux utilisateurs le choix de la personnalisation, certains développeurs ont donc décidé d’intégrer directement Xposed à leur travail, comme c’est le cas de LlabTooFeR.

Les barrières de Google

Dans un autre registre, Google applique de plus en plus de contraintes à son système, qui obligent les utilisateurs à se plier à la volonté du géant américain. L’arrivée d’Android Pay en est un bon exemple et a déjà bouleversé cet univers, puisqu’il est actuellement impossible d’utiliser ce moyen de paiement sans contact si la partition système a été modifiée.

Cette nouvelle a provoqué des levées de boucliers et une méthode de root n’altérant pas cette partition est déjà en cours d’étude. Heureusement, « il y a toujours moyen de contourner les blocages », nous assure XpLoDWilD.

 

Chacun sa route, chacun son chemin…

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Le temps consacré au développement est également un frein naturel à ce genre de projet. Ne l’oublions pas, ces projets sont mis à disposition de tous gratuitement, et si un système de donation est souvent mis en place afin de récompenser les développeurs de leur travail, cela ne remplace pas un salaire mensuel. Ces custom ROM sont donc alimentées par des passionnés, qui offrent de leur temps libre à la communauté afin de rendre leur expérience sur Android plus agréable.

Certains projets ont ainsi vu certains de leurs piliers partir pour des raisons personnelles. ParanoidAndroid par exemple a été déclarée « morte » après l’embauche d’une partie de ses développeurs par OnePlus afin de développer OxygenOS. Y compris dans les structures plus conséquentes, il est parfois difficile de maintenir une main d’œuvre constante, et même chez CyanogenMod « il y avait beaucoup de gens qui apportaient le support d’un nouveau device et qui ne maintenaient que quelques semaines avant de disparaître », nous a confié XpLoDWilD, « d’où la perte de beaucoup de devices legacy (supportés par CyanogenMod officiellement, NDLR) dans les nouvelles versions d’Android ».

 

Résister aux géants

krexus

Malgré toutes ces raisons qui laissent à penser que les ROM alternatives sont sur le déclin et vouées à mourir, tout laisse à croire qu’elles ont encore un certain avenir devant elles, aussi discret soit-il. Tout d’abord pour la simple et bonne raison qu’il y aura toujours quelque chose à améliorer. Avec chaque nouvelle mise à jour, Google améliore son OS et ajoute de nouvelles fonctionnalités, « mais ils passeront toujours à côté de certains trucs que je voulais ajouter », explique KreAch3R, développeur de la ROM Krexus. Et il n’est pas seul à penser cela. « Il y aura toujours le petit truc que Google ne veut pas faire qu’on reprendra à chaque version », complète XpLoDWilD. Pour bon nombre d’entre eux, Android peut et pourra toujours être optimisé, ou disposer de nouvelles fonctions incontournables auxquelles Google n’aura pas pensé (ou n’aura pas pris le temps d’intégrer).

Un ticket d’entrée moins cher

Mais globalement, la meilleure nouvelle pour cet écosystème, c’est l’accès à l’informatique qui devient de plus en plus simple. Compiler une ROM prend du temps, et sans un ordinateur assez puissant, cela peut vite devenir une source de démotivation. Heureusement, un PC capable de réaliser cela devient de plus en plus accessible, et « si l’utilisateur moyen se satisfait d’Android stock, ceux qui aiment bricoler peuvent le faire bien plus facilement qu’avant », nous confesse KreAch3r. En outre, en partant du code source de CyanogenMod et des nombreuses branches déjà disponibles, il devient plus simple d’adapter certaines versions d’Android sur les appareils les plus exotiques.

La conséquence de cette ouverture est qu’il existe en fait de plus en plus de ROM. Malheureusement, beaucoup se ressemblent et n’apportent aucun intérêt concret. « Mais une fois sur dix il y aura une fonction originale qui méritera d’y prêter attention », explique KreAch3r. De quoi créer de nouveaux collectifs de développeurs émérites et plein d’idées qui donneront le coup de pied dans cette fourmilière aujourd’hui au repos.

 

Des partenaires qui traînent encore la patte

En dehors de Google, ceux qui posent le plus problème sont surtout les constructeurs tiers. Entre le temps de déploiement des mises à jour – rappelons que plus de deux mois après le lancement de Marshmallow sur les Nexus, seulement 0,5 % de la totalité des terminaux Android en circulation a été mis à jour – et les surcouches parfois très lourdes, les utilisateurs chercheront toujours à prendre le chemin alternatif qui leur permettra d’avoir la meilleure expérience sur leur téléphone.

Split screen Samsung

Il ne fait aucun doute par exemple que lors de l’arrivée du multifenêtrage sur Android, les utilisateurs de tablettes qui n’ont pas encore accès à cette option se poseront la question de savoir s’ils doivent attendre une mise à jour officielle ou bien sauter le pas et flasher eux-mêmes une version en disposant.

Et si le monde tournait le dos à Cyanogen ?

Pour beaucoup, la solution à cette problématique se trouve actuellement du côté de chez CyanogenMod, qui assure à la fois un suivi régulier et une large compatibilité d’appareils. Néanmoins, l’amour du public pour cette ROM historique pourrait diminuer avec sa professionnalisation et l’intégration de nouveautés non désirées.

Aujourd’hui davantage centré sur CyanogenOS que sur CyanogenMod, l’équipe derrière Cyanogen ajoute des fonctionnalités qui se rapprochent de ce que les utilisateurs fuient sur les interfaces de base, qu’il s’agisse des bloatwares qui pourraient naître du partenariat avec Microsoft, ou encore du manque de sécurité et de vie privée, comme l’a démontré l’application TrueCaller qui enregistre automatiquement certaines données de l’utilisateur (nom, prénom, numéro de téléphone) dans un annuaire afin d’afficher le nom des appelants qui n’apparaissent pas dans le carnet de contacts de l’utilisateur.

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La montée en puissance d’un Cyanogen toujours plus menaçant, pour l’utilisateur final comme pour Google, pourrait bien conduire certaines ROM aujourd’hui plus discrètes à se développer et mettre en avant des options alléchantes, relançant en partie l’intérêt des utilisateurs.

Affaiblies, oui, mortes, non

À l’époque de KitKat, les custom ROM régnaient en maîtres, et ont depuis perdu de leur superbe. Cet affaiblissement, aujourd’hui à peu près stabilisé, ne devrait pas s’inverser sur le long terme, sauf regain temporaire (l’espace de quelques mois, pour avoir en avant-première une option intégrée à Android), gros laxisme des constructeurs (interface à nouveau ralentie ou infestée de bloatwares), ou coup de génie d’un développeur indépendant ayant trouvé LA fonctionnalité qui révolutionnera notre usage des smartphones.

Pour autant, malgré ce ralentissement, les ROM perdurent et perdureront encore tant qu’il y aura des utilisateurs qui ne se satisferont pas de ce qu’ils ont, et des développeurs indépendants talentueux qui auront des idées avant Google. Entre le vouloir toujours plus et la prolifération des développeurs, la partie « ROM personnalisées » du forum XDA n’est pas près de fermer ses portes. D’autant que ces ROM restent quoi qu’il en soit un moyen privilégié pour offrir une seconde vie à des terminaux que les constructeurs ont cessé de supporter.


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