La place du Trocadéro à Paris est iconique pour la vue imprenable qu’elle offre sur la Tour Eiffel dominant fièrement les toits de la capitale. Si vous arrivez à vous frayer un chemin au travers de la foule compacte qui s’amasse habituellement sur l’esplanade, vous tomberez potentiellement sur l’entrée du musée de l’Homme. N’hésitez surtout pas à vous y engouffrer pour y découvrir des trésors anthropologiques. Certaines trouvailles sont le fruit de travaux scientifiques rondement menés, d’autres viennent malheureusement de conquêtes coloniales. Toutes sont des témoignages précieux des évolutions naturelles et culturelles des êtres humains.
Une pièce du musée intrigue particulièrement : il s’agit d’une momie péruvienne. Malgré des orbites vides et des siècles d’existence, son expression figée à jamais et sa position recroquevillée débordent d’émotion. On y voit une âme en peine, qui souffre et qui appelle à l’aide. Impossible de passer devant sans être happé. D’autant plus qu’elle permet, au prix de quelques pérégrinations intellectuelles, de tisser un lien entre un peuple oublié d’Amérique du Sud, Le Cri de Munch et le célèbre émoji ?. Celui-là même que nous utilisons dans nos applications de messagerie et sur les réseaux sociaux. ATTENTION : l’article contient, ci-après, une image de la momie qui pourrait heurter certaines sensibilités.
Un peu d’histoire (de l’art)
Cette momie est connue sous le nom de «?momie chachapoya?». Le panneau explicatif préparé par le musée de l’Homme permet de comprendre qu’elle a été trouvée en 1877 dans un mausolée établi par un peuple des Andes péruviennes, les Chachapoyas. Elle est une trace de rituels funéraires datant d’avant les Incas qui ont fait perdurer cette pratique.
Sur ce même panneau, on peut également lire que cette pièce inestimable a inspiré le peintre expressionniste norvégien Edvard Munch pour son tableau le plus connu, Le Cri. Explication reprise par André Delpuech — qui a été président du musée de l’Homme jusqu’en avril 2022 — cité par France Culture. En creusant un peu, on découvre qu’il s’agit initialement d’une théorie développée par l?historien d?art américain Robert Rosenblum, comme le rappelle le magazine BeauxArts.
La momie était en effet exposée à l’Exposition universelle de Paris en 1889. Or, à cette période, Edvard Munch se trouvait dans la capitale française. Selon Robert Rosenblum, c’est à cette occasion que le peintre aurait déniché l’inspiration pour Le Cri — que vous pouvez admirer dans la Galerie nationale de Norvège à Oslo… ou dans Google Arts & Culture. On retrouve, en effet, des caractéristiques similaires entre le personnage du tableau et la momie chachapoya : les orbites vides, la bouche ouverte, la position des mains…
Une momie dans mon smartphone??
Cette histoire est bien belle, mais quel est le rapport avec l’émoji ??? La réponse paraît évidente dès lors qu’on regarde l’émoticône en question : yeux vides, bouche ouverte, mains sur les oreilles… On voit explicitement que Le Cri de Munch a servi d’inspiration et ce n’est un secret pour personne. La ressemblance est telle qu’elle est évoquée par Emoji France et qu’un article de la BBC décrit le tableau expressionniste comme étant «?l’émoji originel?».
Après tout, Le Cri de Munch peut presque être considéré comme un élément de la pop culture tant le personnage iconique a été repris maintes et maintes fois dans diverses ?uvres populaires. Et, on l’a vu, ce tableau serait lui-même inspiré d’une vieille momie plusieurs fois centenaire. De son vivant, cette personne chachapoya n’aurait jamais pu imaginer que des milliards de personnes lui rendraient quotidiennement une sorte d’hommage involontaire avec l’émoji ?.
Une momie, un tableau et un émoji entrent dans un musée
L’intertitre ci-dessus ressemble au début d’une blague loufoque. Pourtant, ces trois éléments à première vue très distincts — une momie, un tableau et un émoji — se retrouvent étroitement liés par les hasards de l’histoire. Les deux premiers ont déjà leurs places dans des musées, mais quid du troisième??
C’est un fait : les émojis sont devenus quasi incontournables dans les messages que nous écrivons au quotidien sur nos smartphones. Qu’il s’agisse d’accentuer une émotion, souligner un ton ironique, adoucir une injonction ou tout simplement embellir un texte, ils servent de ponctuation. Enrichissement de nos méthodes de communication ou atteinte à la beauté de la langue?? Ce n’est pas le débat qui nous intéresse ici.
En revanche, plusieurs experts et expertes (linguistes, anthropologues…) s’évertuent déjà à décortiquer notre passion pour les émojis. Qui sait?? Les générations futures pourraient consacrer des expositions à ces drôles de symboles que nous utilisons pour communiquer. Finalement, l’émoji ? montre bien qu’il n’est pas en rupture avec l’histoire de l’humanité. Au contraire, il s’inscrit dans sa continuité puisqu’il puise ses origines dans des rituels funéraires antiques des Andes péruviennes. Fascinant.
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