Mais où est passé Realme en France ?

 
Selon nos informations, la branche française de la Realme est à l’arrêt et son directeur général France s’apprête à partir. Tout passe désormais par la Chine. Récit d’un arrêt brutal et étonnant pour une marque qui semblait lancée dans une croissance insolente.
Source : Frandroid – Anthony Wonner

1365 %. Fin 2021, c’est le taux de croissance insolent qu’affichait Realme en Europe. En mai 2022, la marque s’invitait même dans le Top 5 des plus gros vendeurs de smartphones en France. Nous pensions alors que l’entreprise était lancée dans une folle cavalcade vers les sommets, qu’elle était prête à venir batailler avec les Xiaomi, Oppo, Vivo et même pourquoi pas Samsung et Apple. Ce scénario qui pouvait paraître réaliste il y a encore quelques mois prend désormais des airs de science-fiction. Tout porte à croire que Realme traverse une mauvaise passe en France. Voici les éléments que nous avons recueillis.

NB. Article mis à jour le 9 mars à 11 h 25 pour intégrer la réponse d’une porte-parole de Realme.

Silence sur les réseaux

La première alerte vient de publications sur les réseaux sociaux. Ou plutôt de leur absence. Les derniers posts de l’antenne française de la marque remontent à décembre 2022. Le dernier sur Twitter date ainsi du 21 décembre 2022, et sur Instagram on retrouve une activité un jour plus tard, le 22 décembre 2022. De même, sur le site de Realme France, dans l’onglet dédié aux communiqués de presse, le dernier date du 16 février 2022. De quoi nous mettre la puce à l’oreille, mais aussi confirmer que l’antenne France a tout simplement arrêté de communiquer.

Comment expliquer ce brusque arrêt ? Selon nos informations, cela s’expliquerait tout simplement par la dissolution de l’antenne française de la marque. Diverses sources nous confirment l’information suivante : le directeur général de la marque en France, Frédéric Chevrier, s’apprête à quitter Realme. Étonnant, car en mai 2022, lorsque nous le rencontrions pour un article consacré aux points communs entre Realme et Xiaomi, le DG avait l’air relativement serein. Il ironisait presque sur la croissance folle du groupe, indiquant « on attend avec impatience d’avoir une croissance qui ralentit, ça voudra dire qu’on a atteint le même niveau [NDLR : sous-entendu le même niveau que Xiaomi dont la croissance ralentissait à ce moment-là] ».

Il faut aussi savoir que, comme presque tous ses concurrents, Realme passait par une agence externe pour gérer les relations quotidiennes avec les journalistes et donc Frandroid. Comme cela arrive souvent dans ce milieu, la marque a décidé de s’en séparer aux alentours de septembre 2022. Une autre agence avait alors repris le bébé, mais récemment, il apparaît qu’elle ne travaille que sporadiquement pour la marque, sans réelle continuité.

L’écran de la Realme Pad Mini // Source : Chloé Pertuis pour Frandroid

Cela peut paraître anecdotique, mais tous nos contacts habituels en France avec la marque se sont en conséquence soudainement arrêtés de parler. Là aussi, c’est assez inquiétant. Un seul nom revient désormais : une responsable presse basée en Pologne et chargée de gérer à elle seule toute l’Europe. Elle nous a d’ailleurs confirmé la chose suivante : « actuellement, notre responsable presse en France a quitté l’équipe et je m’occupe temporairement du marché français. Vous pouvez me faire part de vos questions et je vous ferai part de nos commentaires. »

Realme se porte pourtant bien en Europe

C’est loin d’être un secret, 2022 a été une année excessivement compliquée pour toute l’industrie. Les ventes au niveau mondial ont reculé de 11 %. Cela pourrait expliquer l’activation du côté de Realme d’une stratégie de repli. D’autres marques ont également ralenti la cadence l’année dernière. On pense à Xiaomi qui n’a pas sorti son modèle Ultra en France ou Huawei qui a largement réduit la voilure en Europe en rapatriant une partie de ses activités à Düsseldorf.

Mais si on y regarde plus près, Realme a plutôt eu une bonne année en Europe. Selon Counterpoint Research, Realme enregistre une belle croissance sur le Vieux continent, passant de 1,2 million de smartphones vendus au 3e trimestre 2021 à 2,2 millions à la même période en 2022. Un élément permet en partie d’expliquer cela : la marque continue en effet de vendre ses appareils en Russie, tout comme Xiaomi et profite donc de l’absence d’Apple ou Samsung qui ont quitté le pays après le début de l’invasion de l’Ukraine.

Source : Counterpoint Research

Au passage, vous remarquerez que sur la même période, Oppo, qui appartient au même groupe, enregistre pour sa part un recul important. Est-ce à dire qu’Oplus, la maison mère, a décidé de sacrifier le soldat Realme pour aider Oppo ? Nous ne pouvons que le supposer pour l’heure.

Tous ces éléments mis bout à bout nous permettent en tout état de cause d’interpréter que la marque a mis un coup d’arrêt à son antenne française. Ce ne sera pas la première ni la dernière et cela ne l’empêchera pas de continuer à vendre des téléphones dans l’Hexagone.

Beaucoup de questions en suspens

Plusieurs questions demeurent cependant. Nous avons contacté la marque pour essayer d’y voir plus clair, notamment sur des questions cruciales comme son SAV en France. A priori, le support fonctionne toujours quand nous l’appelons et nous avons bien eu une personne parlant français au bout du fil. La marque nous assure qu’en cas de panne, il est possible de contacter le centre de service agréé CEAT, mais ce dernier a été placé en redressement judiciaire le 31 janvier 2023 comme nous l’apprend France 3.

Autre question : la fermeture de la branche française est-elle temporaire ou définitive ? Et est-ce que cette fermeture annonce un futur retrait pur et simple de la marque sur le marché français ? Difficile de le déterminer, certains signaux nous amènent à penser que oui, comme le fait qu’il est impossible d’acheter le récent Realme 10 sur le site de la marque. À l’inverse, d’autres éléments nous mettent en confiance. Exemple : la marque a présenté au MWC 2023 de Barcelone son Realme GT 3 ouvrant la voie à une sortie européenne. Une chose est sûre, pour Realme en France, l’abondance, c’est terminé.

Réponse de Realme à nos questions

Après la publication de cet article, la porte-parole Europe de Realme nous a contactés. Voici un extrait de sa déclaration concernant Realme France :

Oui, Realme est toujours actif sur le marché français et se comporte bien jusqu’à présent. Il n’est pas vrai que Realme essaie de quitter le marché français. Les lancements de Realme ralentissent en raison du changement de notre stratégie. […] Nous devons admettre que nous manquons maintenant d’employés. Mais si nos coéquipiers sont partis, c’est parce qu’ils ont eu de meilleures opportunités d’emploi et nous nous efforçons de trouver les nouveaux candidats qui peuvent nous aider à traverser cette situation difficile en douceur.

Concernant le ralentissement des sorties :

En 2023, Realme s’efforce d’offrir aux utilisateurs français le meilleur produit avec des performances de pointe et un design innovant. C’est pourquoi nous passons plus de temps à développer de meilleurs produits pour les rendre plus accessibles aux consommateurs français. Vous pouvez attendre notre nouveau produit le mois prochain puisque nous travaillons dessus.

À propos de l’arrêt de leurs réseaux sociaux :

En raison de l’ajustement de la structure du personnel de l’entreprise et de la préparation du nouveau lancement dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, nos activités dans les médias sociaux ont été temporairement suspendues. Lorsque nous aurons retrouvé du personnel, nos comptes de médias sociaux seront de nouveau disponibles. […] Lorsque nous attribuons des tâches, nous donnons la priorité aux travaux les plus importants, de sorte que l’exploitation des médias sociaux n’est pas aussi importante à ce stade. C’est pourquoi nous sommes moins présents en France, mais cela ne veut pas dire que nous cessons d’exploiter le marché.

Précisons que Frandroid n’a jamais affirmé que Realme se retirait du marché français. Dans notre article, nous exposons une série d’observations suscitant des interrogations et des inquiétudes quant à la situation de la marque dans l’Hexagone.