En Europe aussi on construit des smartphones, voici comment

 
Nous avons pu visiter la chaîne de fabrication très particulière du Gigaset GS185 en Allemagne. Le système adopté par la marque est très atypique et veut assurer une meilleure qualité produit en faisant en sorte que chaque employé soit impliqué dans toutes les étapes de l’assemblage. Voici comment s’organise l’entreprise pour prouver que l’Europe peut concurrencer l’Asie dans ce marché.

Les murs sont blancs, le plafond s’élève très haut et la lumière du soleil inonde la pièce. Mais ce qui frappe surtout une fois que l’on a pénétré dans ce lieu, c’est le calme qui y règne. Il n’y a ni brouhaha ni vrombissement assourdissant. Nous sommes pourtant bien dans une usine de production de smartphones, mais celle-ci profite d’un fonctionnement très atypique.

Mais commençons d’abord par une constatation générale : quand on pense à une usine de smartphones, on imagine usuellement d’interminables lignes de production, le bruit 24h/24 des machines et tous les employés de la manufacture agglutinés à la chaîne pour exécuter un travail répétitif et pénible. Dans bien des cas, cette image s’approche malheureusement de la réalité.

Made in Germany

Les marques de smartphones sont des multinationales dont l’objectif est de toujours tendre vers un rendement maximum et de réduire autant que possible les coûts de production en faisant notamment appel à une main-d’?uvre délocalisée en Asie et peu chère.

Face à cette tendance généralisée, des alternatives ont été créées, à l’instar de Fairphone dont l’objectif est de produire des appareils respectueux de l’environnement. Le cas qui nous intéresse aujourd’hui est, quant à lui, sans doute un peu moins connu. Nous avons pu visiter l’usine de Gigaset à l’ouest de l’Allemagne — dans la petite ville de Bocholt — où est fabriqué le Gigaset GS185, un smartphone made in Germany (le seul de la marque à profiter de ce label).

 

 

Drôle d’organisation !

Vous l’aurez compris, cette initiative a pour objectif de valoriser le savoir-faire allemand — mais s’inscrit aussi dans un certain engagement écologique sur lequel nous reviendrons plus tard. Pour rendre cela possible, Gigaset a revu complètement la ligne de production de son smartphone où chaque employé n’exécute pas une seule et unique tâche, mais accompagne le téléphone pendant tout le processus de sa création. Autrement dit, l’employé se déplace du point de départ au point d’arrivée de l’assemblage.

 

Imaginez donc un circuit de production en « U ». L’assemblage d’un exemplaire de GS185 commence à l’une des extrémités de cette mini-chaîne.

Tout au début de cette chaîne se trouve un bras robotisé qui se charge de positionner la carte mère dans le châssis d’un téléphone. Ce dernier est donc prêt à poursuivre sa route sur la ligne de production. L’employé passe le récupérer,  et avant d’enchaîner, il doit placer un autre châssis à l’endroit dédié — tout en appliquant les nappes qui connecteront les composants entre eux. Le robot peut ainsi poser une carte mère dessus pour qu’il soit prêt pour le prochain ouvrier.

Par la suite, l’ouvrier va visser certains éléments, placer l’écran tactile, la batterie (testée juste avant d’être ajouté) et la partie arrière, initialiser Android, tester la connectivité et scanner l’IMEI de l’appareil. Autrement dit, il chemine tout le long de la ligne de production (dix à quinze mètres environ) avec des arrêts à intervalles réguliers qui ne durent jamais plus d’une dizaine de secondes.

En effet, quand une tâche automatisée (l’initialisation de l’OS, le test de la batterie…) prend 1 ou 2 minutes, il y a toujours un autre terminal prêt à être emporté pour la suite du processus — l’ouvrier ne perd pas de temps à attendre qu’une opération s’achève. Par ailleurs, pendant son chemin, l’employé est assisté à plusieurs reprises par un bras mécanique en fonction de la tâche à réaliser. Le chef de l’équipe explique à ce sujet que la marque veut valoriser « la collaboration entre l’humain et le robot ».

« La collaboration entre l’humain et le robot »

Lorsque nous avons visité l’usine, il y avait cinq personnes en train de travailler. Elles étaient déjà toutes employées chez Gigaset et, après avoir été sélectionnées, elles ont suivi une formation de deux semaines pour pouvoir ?uvrer sur cette ligne de production et voir leurs salaires augmenter. Quand l’usine tourne à plein régime (à l’approche des fêtes de fin d’année par exemple), jusqu’à 6000 smartphones sont produits chaque semaine.

Garantir la bonne qualité du smartphone

Gigaset tient particulièrement à mettre en avant le fait que ce mode de production lui permet d’avoir un très faible taux de retour net sur ses smartphones. À titre explicatif, cette notion désigne le pourcentage d’appareils renvoyés à l’entreprise par des utilisateurs et qui souffraient réellement d’un dysfonctionnement. La marque allemande explique que son taux de retour net s’élève à seulement 0,7 % contre une moyenne de 10 % chez les autres constructeurs du marché.

Le responsable de la ligne de production explique que ce système permet à l’employé de connaître toutes les étapes de fabrication tout en se rendant immédiatement compte quand il a fait une erreur « et il ne fera plus jamais cette erreur ensuite ». D’après lui, cela garantit ainsi un meilleur suivi qualité.

60 % allemand

Pour avoir le droit d’inscrire la mention « made in Germany » sur la boîte du GS185, Gigaset doit faire en sorte que 60 % du processus de fabrication ait lieu en Allemagne. Comme on a pu le voir, c’est surtout l’assemblage qui est réalisé sur le site de Bocholt. La très grande majorité des composants du smartphone proviennent d’Asie et essentiellement de Chine.

 

Mais Gigaset ambitionne de maîtriser encore davantage le processus de fabrication et affirme avoir les ressources nécessaires pour fabriquer la carte mère en Allemagne. Néanmoins, ce projet sera mis en application uniquement lorsque les activités de la firme sur le marché des smartphones commenceront vraiment à porter leurs fruits.

Un petit geste pour la planète

Enfin, le dernier aspect intéressant à aborder concerne l’écologie. Gigaset emballe ses GS185 dans des boîtes à l’allure très simpliste (loin des emballages sophistiqués que l’on a l’habitude de croiser). Et même s’il ne pète pas à l’?il du chaland, le coffret utilisé mérite que l’on s’attarde dessus. Le constructeur s’est en effet engagé à ce que le carton utilisé provienne à 95 % du recyclage et, les 5 % restants sont issus de forêts allemandes écoresponsables.

Une initiative intéressante et qui fait écho à celle de Fairphone qui mise, quant à lui, surtout sur la réparabilité de ses smartphones.

Nous avons récemment publié notre test du Gigaset GS185 et ce dernier, malgré son tarif attrayant, ne s’est pas montré particulièrement convaincant en termes d’expérience utilisateur. D’autant plus que dans la même catégorie jouent des poids lourds comme Xiaomi ou Honor. Néanmoins, il y a tout intérêt à garder un ?il sur les prochains smartphones européens que proposera Gigaset. L’Allemand compte d’ailleurs ouvrir une deuxième ligne de production du même d’ici la fin de l’année — selon des estimations très optimistes. Une responsable de la marque m’a précisé qu’il y avait plus de chances que celle-ci voit le jour plutôt en 2019. La Deutsche Qualität a très certainement encore quelques arguments à faire valoir.

Notez également que nous avons pu découvrir le laboratoire de test de Gigaset qui observe notamment la résistance du téléphone aux poussières présentes au fond de nos poches de pantalon.

Pour aller plus loin
Test du Gigaset GS185 : l’extrême simplicité allemande pour contrer Xiaomi

 


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