Pourquoi Deliveroo risque de payer 100 millions d’euros à l’Urssaf

Deliveroo dans la sauce

 
L’entreprise de livraison de plats Deliveroo serait en « discussions » avec l’Urssaf pour éviter de payer des cotisations et majorations liées au travail dissimulé de ses livreurs, travaillant en tant qu’autoentrepreneurs et non comme salariés.
Source : Joshua Lawrence via Unsplash

Depuis son arrivée en France, Deliveroo est accusé de salariat déguisé, en faisant travailler ses livreurs en tant qu’autoentrepreneurs indépendants alors que leurs conditions de travail nécessitaient un statut d’employés sous contrat. Selon Mediapart (article payant), l’application de livraison de courses et de repas pourrait être menacée en France, à cause d’une action de justice et des réclamations de l’Urssaf.

Le salariat déguisé pointé du doigt une fois de plus

À deux reprises cette année, Deliveroo a été condamné par la justice, entre autres pour « travail dissimulé » ; une première fois en avril 2022 au tribunal correctionnel de Paris, avec une amende de 375 000 euros. Une condamnation qui va au-delà de ce motif, puisque Deliveroo a de plus été condamné pour le « détournement planifié et généralisé » du statut d’indépendant, entre 2015 et 2017, rappelle Mediapart.

L’entreprise a fait appel de cette décision pour tenter de s’en sortir. En première instance au civil ce premier septembre, sa peine a été alourdie d’une injonction à payer 9,7 millions d’euros à l’Urssaf pour travail dissimulé sur les années 2015 et 2016. Il s’agit de la somme des cotisations sociales que Deliveroo aurait dû payer si ses livreurs à vélo étaient salariés, avec en plus de ça des majorations de retard et des pénalités « pour avoir violé la loi ».

Source : Carl Campbell via Unsplash

Au travers de différentes affaires judiciaires, Mediapart précise que « la justice a considéré à plusieurs reprises qu’ils et elles [les livreurs et livreuses] devaient en fait être traité·es comme des salarié·es classiques », ce qui donne droit à divers avantages salariaux. Ce changement de statut pourrait notamment réduire la précarité des livreurs et leur permettre de meilleures conditions de travail.

De son côté, Deliveroo s’est défendu en disant qu’« aujourd’hui, les livreurs partenaires bénéficient d’un nouveau modèle basé sur un système de « connexion libre » qui [leur] permet de bénéficier d’encore plus de liberté et de flexibilité ».

Plus de 100 millions d’euros d’amende : Deliveroo pourrait être ruiné en France

Le journal pense que d’autres procédures comme les précédentes pourraient s’ouvrir contre Deliveroo, cette fois-ci pour des périodes allant de 2018 à 2021. Cependant, elles seraient beaucoup plus importantes : entre 2015 et 2016, « seulement » 2 000 livreurs étaient actifs sur l’application de livraison à domicile ; ces trois dernières années, ils étaient 60 000 environ.

Selon les informations de Mediapart, l’Urssaf a transmis cet été un dossier au parquet de Paris, ses contrôleurs ayant constaté un délit de « travail dissimulé » à cause d’une absence de contrats de travail et de versements de cotisations sociales. Une information confirmée par le parquet qui a précisé que l’affaire était toujours en cours.

Le redressement pourrait être fatal à Deliveroo. D’après les calculs de Mediapart, « l’Urssaf pourrait réclamer à Deliveroo plus de 100 millions d’euros, voire plusieurs centaines de millions d’euros », au titre des cotisations sociales, de leur majoration pour retard et de pénalités pour violation de la loi. Toutefois, aucune notification de redressement n’a été adressée à la société. Cette dernière a précisé au journal que « Deliveroo est en contact avec l’Urssaf en France dans le cadre de discussions en cours. Aucune décision finale n’a été rendue […] Toute spéculation concernant un redressement serait infondée et trompeuse ».

Ce que Deliveroo met en place pour se sauver

Suivant les informations de Mediapart toujours, Deliveroo aurait fourni des documents à l’Urssaf pour justifier de la légalité de ses pratiques, dans l’optique de réduire (voire d’annuler) l’addition. Elle est d’ailleurs aidée par l’avocat d’affaires et ancien dirigeant de l’UMP Jean-François Copé.

La société a de plus sollicité la mise en place d’une procédure spéciale auprès du tribunal de commerce de Paris. Il s’agit de la mise en place d’un mandat dit « ad hoc », qui permet à une entreprise « de négocier ses dettes sous l’égide soit d’un mandataire ad hoc, soit d’un conciliateur, désignés par le président du tribunal de commerce », lorsqu’elle rencontre des difficultés, notamment financières. Le tribunal a précisé que cela permet « une négociation confidentielle et à l’amiable des dettes » et l’on peut penser que cela arrange Deliveroo.


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