C’est par un e-mail interne que les trois députés ont prévenu leurs collègues. Dans un article du mercredi 22 mars 2023, le média en ligne américain Politico rapporte que trois membres haut placés de l’Assemblée nationale ont appelé les autres parlementaires français à « limiter » leur usage de plusieurs applications de réseaux sociaux, qu’elles soient chinoises, russes ou même américaines.
Dans ce courriel, consulté par Politico, les trois questeurs Éric Woerth (Renaissance), Marie Guévenoux (Renaissance) et Éric Ciotti (Les Républicains) agitent le spectre de possibles fuites de données personnelles ou étatiques : « Compte tenu des risques particuliers auxquels l’exercice de leur mandat expose les parlementaires utilisant ces applications, nous en appelons à votre extrême vigilance et vous recommandons d’en limiter l’utilisation », cite le média en ligne.
Pas d’alignement total sur la politique américaine
Le large choix des applications citées peut toutefois étonner. En plus de désigner la plateforme chinoise TikTok, au cœur de deux scandales d’usages illégaux des données de ses utilisateurs (relayés par les médias Forbes et The Guardian), les députés vont plus loin. Ils appellent également à ne plus utiliser la messagerie chiffrée russe Telegram ainsi que quatre services américains : Snapchat, Signal, WhatsApp et Instagram (tous deux détenus par le groupe Meta).
Fin février 2023, plusieurs gouvernements européens avaient suivi la décision des États-Unis d’interdire l’usage de l’application TikTok, et seulement celle-ci, sur les téléphones à usage professionnel de leurs fonctionnaires. Une décision évoquant un risque pour leur « sécurité nationale ».
Le gouvernement français avait lui-même relayé cet appel. Pourtant, le corps législatif refuse finalement de s’aligner, par principe, avec les États-Unis dans leur choix d’isoler seulement TikTok sur la question des données personnelles utilisées par les réseaux sociaux étrangers.
À la recherche d’une 3e voie française
« Un geste typiquement français », s’amuse Politico, qui rappelle la tendance de nos hommes et femmes politiques à chercher « une troisième voie » dans le conflit géopolitique qui oppose la Chine et les États-Unis. Une manière de « remettre la souveraineté française et la French tech sur le devant de la scène », estime Asma Mhalla, maître de conférences en géopolitique technologique à Sciences Po Paris et à l’université de Columbia, interrogée par le média américain.
Et pour cause : les parlementaires pointent du doigt dans leur email que les lois extraterritoriales chinoises comme américaines peuvent permettre d’utiliser les données récoltées par ces applications au profit de leurs services de renseignement. C’est notamment ce que permet ce que permet le « Cloud Act » aux États-Unis, vivement critiqué par la France depuis son adoption en 2018.
La France peine à trouver une alternative efficace
Paradoxalement, le gouvernement Macron a malgré tout longtemps utilisé la messagerie sécurisée russe Telegram, selon une enquête de l’hebdomadaire L’Obs en 2018, avant de tenter d’imposer en 2019 une alternative française, Tchap… victime d’une faille de sécurité le lendemain de son lancement.
Dans leur e-mail, les parlementaires préconisent ainsi l’usage d’un autre service à leurs collègues : la suite d’outils collaboratifs Wimi. Une entreprise française, certes, mais qui reste malgré tout privée.
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