Sites pornographiques : l’État miserait sur une application pour bloquer l’accès aux mineurs

 
Cette semaine, la Cnil et l’Arcom vont présenter un dispositif réalisé en collaboration avec le cabinet de Jean-Noël Barrot, ministre en charge du numérique et celui de Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’Enfance. Il contraindra les sites pornographiques à vraiment contrôler l’âge des internautes dès septembre.

« Dès 12 ans, un tiers de nos enfants ont déjà été exposés aux sites pornos. C’est un scandale » : voilà les mots de Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications sur Twitter. Le Parisien rapporte que la Cnil et l’Arcom présenteront cette semaine le dispositif qui va enfin obliger les sites pornos à vérifier la majorité des utilisateurs pour une mise en place en septembre. Le journal précise qu’en moyenne, les enfants ont 11 ans lorsqu’ils accèdent pour la première fois à du contenu pornographique sur Internet.

C’est probablement le début de la fin du fameux bouton simpliste « Je suis majeur » sur les sites pornographiques. Selon les autorités publiques françaises, il ne suffit pas à vérifier la majorité d’un internaute, puisqu’on peut simplement cliquer dessus.

Une législation déjà en place, mais qui n’est pas appliquée

En octobre 2021, un décret avait été publié dans le Journal officiel : une première disposition pour bloquer les sites pornographiques par l’État via les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui ne contrôleraient pas suffisamment bien l’âge des internautes. Peu de temps après, c’était le CSA (ex-Arcom) qui menaçait cinq sites de blocage pour cause de non-vérification de la majorité.

Un site pour adultes sur smartphone

Les sites de l’industrie pornographiques s’en remettent pour l’instant à la justice afin d’obtenir au moins un sursis et au mieux une résolution. Ils se défendaient jusqu’à présent en arguant que l’État n’apportait pas de solution concrète ni d’indication pour la vérification. Cependant, le Conseil d’État avait donné en octobre dernier raison à l’Arcom concernant le litige entre les deux entités. En clair, Pornhub et ses concurrents n’ont pas mis en place une vérification assez performante.

Par rapport à la solution de vérification que l’État souhaite mettre en place, il va falloir publier un décret, qui voit être validé au préalable par la Commission européenne ainsi que le Conseil d’État. Pour l’entourage de Jean-Noël Barrot, interrogé par Le Parisien, « ces instances ne retoqueront pas le projet », bien qu’elles puissent demander des ajustements.

L’État a trouvé un dispositif obligatoire pour les sites pornographiques

Dans quelques jours, ledit dispositif sera présenté publiquement et les sites pornographiques devront s’y conformer « sous peine de voir la diffusion interdire sur le territoire national », a déclaré le ministre. Une solution travaillée depuis neuf moins, conjointement avec Bercy, la Cnil, l’Arcom, le ministère du Numérique ainsi que le secrétariat dédié à l’Enfance.

Comme Le Parisien l’écrit, il devrait s’agir d’applications sur smartphone. Le ministre explique qu’« un utilisateur d’un site pornographique, lorsqu’il souhaitera y accéder, devra certifier de sa majorité en cliquant sur cette attestation numérique. Cela fonctionnera un peu comme le contrôle demandé par votre banque lorsque vous réalisez un achat en ligne, sauf que ce certificat de majorité sera anonyme ». L’application pourrait avoir recours à FranceConnect où à l’application d’identité numérique qui arriverait prochainement.

Agnès Pannier-Runacher et Jean-Noël Barrot // Source : Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

Le journal ajoute que les opérateurs téléphoniques « pourraient par exemple être dans la boucle de ces dispositifs », bien qu’aucun accord n’ait été finalisé. Sur ce point, on peut penser qu’il est possible de modifier sa date de naissance dans un espace client, d’en mettre une lors de la souscription d’un forfait mobile ou tout simplement d’avoir mis celle des parents.

Les failles que ce système laisse entrevoir

Du côté des sites pornographiques contactés par les journalistes Aurélie Lebelle, Thomas Poupeau et Gaël Lombart, le silence est de mise pour l’instant, puisqu’ils savent que pour le moment, ils sont dans l’illégalité. C’est sans compter sur le nombre incalculable de sites pornographiques qui sont en ligne : le blocage devra être massif, voire automatique pour réellement empêcher leur accès aux mineurs.

Un site pour adultes // Source : Charles Deluvio – Unsplash

Quant au dispositif que le gouvernement souhaite mettre en place, il a ses failles. Tout d’abord, seul le recours à un smartphone a été évoqué. Pour autant, toutes les personnes résidentes en France ne possèdent pas forcément de smartphone : selon le dernier baromètre du numérique du Credoc (janvier 2023), « 87 % des Français de 12 ans et plus ont désormais un
smartphone
 ». Effectivement, on peut penser que la large majorité des internautes disposent également d’un smartphone, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Aussi, 90 % des 12-17 ans en possèdent un, ce qui fait que s’il y a des solutions de contournement de ce système via un smartphone, une très grande majorité des adolescents aura les moyens matériels de les appliquer.

Si les sites pornographiques n’appliquent pas les exigences légales de vérification de l’âge, ils pourraient être bloqués en France par les FAI. Cependant, des solutions de contournement existent, comme le changement de DNS ou l’utilisation d’un VPN.


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