Hier, nous étions invités chez RIM pour un colloque assez intéressant et original dont le sujet débattu s’énonçait peu ou prou de la manière suivante : « Le NFC en pratique, au-delà des banques ». A première vue, un tel objet de réflexion est aussi improbable qu’un CD de Glenn Gould sur lequel il n’y aurait pas de morceau de Bach : on se demande bien ce que l’on va entendre. Cela dit, après l’écoute du piano ou des conférenciers, le sentiment n’est pas le même et l’on se retrouve aussi partagé sur la question du NFC que l’on est comblé par le talent du père Glenn.
Mais cessons les comparaisons idiotes et essayons de contextualiser un petit peu l’événement d’hier. RIM, qui, avec ses Blackberry, représente plus d’un smartphone NFC vendu en France sur deux, avait convié pour une « table ronde » huit représentants de la technologie, presque tous membres de l’association formée par le gouvernement qui s’occupe de Cityzi, le « label », censé développer les usages du NFC en France en dehors des banques. L’intérêt, c’était d’avoir à la même table des intervenants qui, ensemble, étaient responsables d’à peu près toute la chaîne du NFC en France et d’éviter pour une fois le sujet tant débattu de la carte de crédit du futur.
Nous avions donc le plaisir de retrouver Orange, Inside Secure, la responsable du déploiement de la technologie dans la ville de Bordeaux, un responsable commercial de l’aéroport de Toulouse, des développeurs d’application ou de matériel compatible avec les puces NFC des téléphones… bref, il y avait de quoi prendre des notes et surtout, réfléchir sur les enjeux du NFC, quel que soit le smartphone utilisé pour le faire fonctionner – et si vous nous lisez, vous savez qu’il y en a de plus en plus sur Android.
Concluons avant même de commencer : à écouter ces messieurs et dames, s’il n’y avait qu’une chose à retenir des avantages du NFC au-delà des banques, ce serait le mot « simplicité ». Ce terme est revenu à peu près dans chaque bouche et a même poussé l’un de nos confrères a demander ce que concrètement, le NFC allait apporter en terme d’innovation. C’est vrai qu’à première vue, on se demande bien ce que la technologie pourra permettre de créer : les exemples concrets donnés par les intervenants relevaient tous de la simplification de processus existants, de la réservation d’un ticket de tramway à l’ouverture d’un parking privé dans un aéroport.
Tout ce dont on nous a parlé existe donc déjà sous une forme ou une autre et les rares cas qui sortiraient de cette « simplification » sont un peu fantaisistes ou invraisemblables : on nous a dit par exemple d’imaginer prêter notre maison à des amis en autorisant leur smartphone NFC à ouvrir notre propriété. Bien entendu, cela implique d’avoir un portail à serrure NFC et des portes ou autres alarmes également équipées – ce qui, il faut le reconnaître, n’est pas courant.
« C’est une boucherie »
Plus concrètement et dans un avenir un peu plus proche, 50 clients business qui auront un statut privilégié à l’aéroport de Toulouse pourront enregistrer leur réservation sur la puce NFC de leur portable. Ils accéderont à un parking privé en passant leur smartphone sur une borne, passeront devant la populace au check-in grâce à un tourniquet qui ne se déclenchera qu’en présentant la puce adéquate, auront quelques bornes sur leur trajet équipées d’écran qui afficheront leur porte d’embarquement et les éventuels retards sur le vol enregistré dans l’appareil, ou encore, auront accès au lounge bar privé de l’aéroport d’un geste de la main.
En fait, chers lecteurs perspicaces, en ayant lu ces quelques paragraphes introductifs, vous devez commencer à comprendre le sens du titre et la source du sentiment désagréable à la sortie de ce colloque. Oui, le NFC est une technologie qui agit différemment selon le contenu de votre porte-monnaie. Seul le citoyen qui peut disposer d’une maison NFC et d’un pass all-inclusive à l’aéroport de Toulouse comprendra très vite l’intérêt de la technologie qui lui permettra d’améliorer son confort et d’optimiser son parcours, pour être plus rentable.
Voilà, le mot est lâché et vous vous doutez que du côté de Monsieur Tout le Monde, vous et moi, ce n’est pas l’utilisateur qui est chouchouté, mais le prestataire qui s’enrichit. Quand on se retrouve avec ces pontes du NFC, qui viennent d’horizons aussi divers, c’est toujours avec la bave aux lèvres et des étincelles dans les yeux qu’ils nous parlent de leur futur bébé, encore en gestation. Difficile de se retenir : imaginez un monde où chaque déplacement, chaque achat, chaque exposition visitée ou service employé pourra être croisé dans une base de données unique afin d’afficher du contenu publicitaire ou des coupons de réduction : voilà le NFC dont ils rêvent, sous couvert de belles promesses.
Et tout ça, avec « simplicité ». Vous ne preniez jamais le temps de flasher les QR Code ? Avec le NFC, tout ce processus se fera en un geste, simple, efficace, ergonomique.
Le NFC au musée, une bonne idée, quand ça fonctionne
Mais voilà, ce n’est pas aussi facile. Que les théoriciens du complot calment donc leurs ardeurs : il existe en France des organismes chargés de veiller au respect de la vie privée – au hasard la CNIL – et il y a même des dirigeants politiques qui se battront pour la transparence et l’absence de croisement des données – c’est dire si l’espoir existe. A Bordeaux, par exemple, toutes vos cartes d’abonnement pourront être centralisées sur votre smartphone, mais la mairie a toujours cherché à respecter la vie privée du citoyen : la base de données est commune, mais différenciée, ce qui signifie que la piscine municipale ne peut pas savoir quand vous allez au musée pour vous proposer un cours de natation à la sortie.
Cette éthique existe évidemment quand les services municipaux restent aux mains de dirigeants ou dirigeantes qui sont censés oeuvrer pour le respect de la loi et le bien-être du plus grand nombre – elle s’efface complètement dès qu’on entre dans le domaine des « fournisseurs de contenu » et autres publicitaires. Par exemple, à la question de savoir si un organisme pouvait piocher des informations privées sur le profil de quelqu’un qui utiliserait le NFC dans le tramway de Nice, il nous a été répondu que non, évidemment. Non, mais avec un gros astérisque.
Non, on ne pourra pas piocher dans vos données, « sauf si vous les entrez ». Vous vous dites qu’il y a un truc, que cette phrase sent l’entourloupe, et vous n’aurez pas tort : au premier lancement de l’application, une pop-up va s’ouvrir vous demandant d’entrer vos données personnelles. Ne soyons pas dupes : 90% des gens vont penser que c’est obligatoire et vont les entrer. Mais voilà, ce n’est pas le cas : vous pouvez utiliser l’application simplement avec votre numéro de compte en passant ce premier écran – procédé mesquin que l’on retrouve par exemple sur les applications de la SNCF.
Crédit Photo Avec Ou Sans Contact
Et là, la CNIL n’est pas aveugle, mais impuissante : non, il n’y a rien à dire sur le système NFC du tramway niçois, les utilisateurs ont le choix d’entrer leurs données personnelles ou non, tout est en règle, insérez ici un point d’ironie. Vous voyez maintenant où l’on veut en venir : sans même évoquer les problèmes de bidouillage des puces et de hack des sécurités, on arrive à voir la limite éthique de la technologie quand, même avant qu’elle soit déployée, les fournisseurs de contenu usent de génie pour contourner les règles. Oui, le NFC à la française, vous allez sûrement y passer un jour, mais ce sera encore et toujours au détriment de votre vie privée, au bénéfice des publicitaires.
Ces questions ont été soulevées pendant le colloque, et on nous a répondu, parfois avec forte condescendance que de toute façon, « 80% des français acceptaient d’être géolocalisés ». En gros, on tond déjà notre laine avec d’autres services plus vieux, pourquoi en serait-il autrement avec le NFC ? Alors quoi, faut-il conclure que de toute façon, le grand public est con et asservi au Grand Capital et qu’il continuera à foncer dans le mur si on lui permet de changer sa carte Navigo pour une application NFC ? Non, évidemment.
Encore et toujours, il sera de notre devoir d’éduquer et de contester l’usage d’une technologie quand elle dépasse les limites d’une utilisation raisonnable. Comme toutes les technologies obscures – cherchez un peu autour de vous à qui le sigle « NFC » dit quelque chose -, le sans-contact, comme on dit chez nous, a trois faces : ce qu’il est objectivement pour le technicien, ce qu’il pourra faire pour améliorer notre quotidien, et ce que les entreprises qui le déploient voudront en faire pour gagner de l’argent.
Crédit Photo Le Journal du Numérique
Ces trois paramètres sont fondamentaux – aucun n’est à mettre de côté – et la conférence d’hier nous a montré les trois visages du NFC à l’heure où nous écrivons ces lignes : des municipalités cherchent à respecter leurs habitants en proposant des services pratiques et non intrusifs, des compagnies cherchent à exploiter vos moindres déplacements pour rendre votre quotidien toujours plus publicitaire et d’autres entreprises réservent ces petits plaisirs à leurs happy few. Si le NFC à la française veut avoir un avenir propre, il faudra encourager les premiers, calmer les ardeurs des seconds et diffuser massivement les services offerts aux troisièmes.
En l’état et dans la pratique, le NFC est à deux vitesses : il y a le service premium du business-man et l’outil publicitaire ciblant le tout venant. Avec la concurrence de Google Wallet et d’un service similaire chez Apple qui ne sont que des avatars américains du deuxième cas, la France a une carte éthique à jouer qui pourrait peser gros dans la balance. Reste maintenant à la sortir assez vite avant que le NFC se démocratise et sombre aux mains des annonceurs – une voie de la facilité qui semble aujourd’hui avoir été empruntée dans plus d’une grosse moitié des cas concrets d’utilisation de la technologie pour le grand public.
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La technologie NFC associée au mobiles est une technologie en train de naître et les applications concrètes font phosphorer beaucoup de monde. Cependant, si l'on met de côté les applications intrusives qui nous bombarderaient de publicités sans qu'on le veuille dès qu'on s'approche d'une borne NFC, l'application première du NFC est la sécurité associé à la carte (U)SIM NFC (Vous savez, la petite carte à puce que nous envoie l'opérateur mobile et qu'on met dans le téléphone...). Pour ne parler que des 2 premières compagnies mondiales (et Françaises!) que sont Oberthur Technologies et Gemalto: elles développent activement des carte SIM NFC qui apportent une sécurité très forte basée sur la technologie JavaCard, Global Plateform et des algorithmes de cryptographie comme le 3DES, le RSA 1024/AES. Cette sécurité est poussée par l'arrivée des applications bancaires sur les téléphones qui en faite seront installées dans la carte SIM (pour information, une carte bancaire n'est autre qu'un carte à puce sur laquelle est installée une application bancaire. une carte SIM c'est la même chose: une carte à puce sur laquelle sont installées des applications mobiles -GSM/(U)SIM- et sur laquelle on peut installer des applications JavaCard comme les applis bancaires).la Carte SIM pourra donc embarquer plusieurs applications bancaires (toutes vos cartes bancaires par exemple), des applications de transport (NAVIGO), des applications de fidélités, etc...En gros, votre portable devient votre porte feuille. Et il suffira de présenter votre téléphone portable pour payer, voyager, profiter d'offre de fidélité dans les magasins et j'en passe.Evidemment je le répète tout ceci garantis par la sécurité de la carte SIM. Certains se disent "oui mais si je perds mon téléphone, je perds tout". J'ai coutume de répondre que c'est pareil que de perdre son porte feuille (sauf évidemment pour le mobile ;-)).
Beaucoup d'affirmations erronées dans cette article qui de ma compréhension est à charge contre les éditeurs et les opérateurs. Travaillant sur le sujet depuis plus de 6 ans je vous assure que les aspects sécurités et respect delà vie pris privée sont pris en compte de manière prioritaire, en tout cas en France. Parl'utilisation de cartes sim sécurisées critères communs(comme les cartes bancaires) qui embarquent des applications certifiées afscm( selon des règles de codages), utilisation d'un identifiant technique pour les échanges interplatformes afin de ne pas identifier l'utilisateur en cas d'attaques... Tout n'est pas parfait il y a encore du travail, cela ralentie le déploiement mais la France à une avance considérable sur le sujet.
C'est bien parce qu'il est double sens que je parle de savoir ce que l'on peut envoyer depuis le téléphone par NFC. Parce que s'il s'agit de recevoir des données figées, les codes 2D le font très bien. Je sais bien que l'on peut se créer ses propres tags, mais quel intérêt face aux codes 2D plus simples à réaliser ? Le fait est que sur la pub ça rajoute un coût inutile en plus de l'impression. En plus, sur une affiche publicitaire dans le metro, le QR code te permet d'accéder à l'info même depuis l'autre quai.Je trouve tes idées pas mal, mais j'attends beaucoup plus pour me convaincre. Il faut dire que les investisseurs ne font pas grand chose pour nous séduire. En voyant la tête du site cityzi, ça ressemble à une petite startup avec un budget très serré dont la com' en fait les frais. Pour l'idée de la vcard, encore une fois le QR code le fait parfaitement, et sur les évènement un peu geeks, je vois déjà pas mal de personnes avec un QR code sur leur carte de visite. Les plus geeks en mettent même sur leur t-shirt, impossible de le louper. Reste qu'effectivement, avec un téléphone on peut transférer un de ses contacts à un collaborateurs, c'est le seul avantage.
Les tags nfc peuvent se faire sur des autocollants, ça ne coûte pas très chers. Le nfc est double sens, il est possible d'écrire sur un tag depuis un smartphone. il est possible le mettre en readonly par exemple. Je pense côté utilisation au transfert de. Vcard mars exemple ou s'inscrire rapidement à une liste lors d'un event avec un simple passage du téléphone.
Très bonne analyse et belle plume. Merci pour cet article de qualité ! La vrai question à se poser pour trouver de vraies réponses à l'utilité du NFC, c'est : que pourrait envoyer notre smartphone vers l'extérieur ? Parce que les codes 2D sont déjà très efficaces dans l'autre sens. Le NFC, je n'y ai jamais cru, et pour cause, la plupart des services qu'il offre sont facilement remplaçables par des technologies beaucoup moins chères comme les codes-barres ou codes 2D (flashcode / QR code).Ca fait maintenant 2 ans que des gens bossent activement sur les services possibles grâce au NFC, et à part 2 grandes idées, rien de réaliste n'a été pondu ; seulement les transactions monétaires et billetterie. Le premier pose des soucis de sécurité mais est potentiellement viable si l'on pallie ces quelques soucis, mais le deuxième est en demi-teinte.Au cinéma comme au musée, il faut de toute façon quelqu'un pour contrôler la fraude, autant qu'il vérifie lui-même les billets. Aux concerts, on a déjà des codes-barres qui remplissent parfaitement leur tâche et coûtent bien moins cher, sans compter qu'on me les scanne à un concert sur 2, jamais en soirée, et rarement aux autres occasions.Face au code barre, les défenseurs du NFC répondent que leur technologie permet d'économiser des impressions de code-barre, sauf que notre téléphone peut aussi les afficher, les cartes de fidélité des grandes distributions le prouvent ...On nous parle aussi des pub pour ajouter du contenu additionnel, c'est bête mais encore une fois les codes 2D n'apporte aucun surcoût puisque l'impression de la pub est faite quoi qu'il arrive là où il faudrait payer une puce en sus pour le NFC. Comme l'écrit si bien Julien, c'est un bébé encore en gestation.
Allez soyons fou ! Je rajoute ma voix au concert de louanges et je dis bravo à cet article tellement agréable à lire et instructif. Par contre, ca m'a cassé le moral avec mon beau téléphone qui fait NFC juste pour dire qu'il fait NFC :-p
Je ne vais plus sur lesardoises car je ne compte plus me prendre une tablette, mais qu'elle plaisir de lire tes articles... D'accord avec l'analyse ne plus :)
J'aurais dit Option Auto
Certains ont encore le courrage d'écrire comme ça. FrAndroid n'est pas encore mort! Une bonne nouvelle...
très bel article, constructif, et impartial. Bravo ! le NFC est un super concept mais qui me semble tellement compliqué à déployer que je n'ose y croire. quant à l'exploitation des données utilisateurs, si ce n'est pas verrouillé, ça va en faire flipper plus d'un ; moi le premier..
Effectivement, ça change des habitudes ici... On croirait un article de PCinpact !
Julien, la qualité de ton écriture est à l'aune de celle de ton analyse. Merci.
Pour ce qui concerne les utilisations possible du NFC, Il y'a cette video de presentation de la boite GEMALTO (c'est celle qui fait les puces des CB et carte SIM etc): http://www.youtube.com/watch?v=UcaLllaUG3s Elle montre toutes les technologies de la boite et NFC y est compris et on le voit a plusieur reprises :)
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