Android ou iOS, il va falloir choisir !

 
Pourtant premier smartphone du marché, l’iPhone d’Apple n’a pas dominé très longtemps. Google est arrivé avec son système open source et a ravi la première place en quelques trimestres. Aujourd’hui, le monde des smartphones est dominé par ces deux géants et leurs relations ont des airs de guerre froide. Cette concurrence n’en reste pas moins passionnante et les continuelles avancées des deux systèmes sont toujours aussi intéressantes. Malheureusement, les choses sont en train de changer et nos places de spectateurs pourraient rapidement devenir des guet-apens. Android ou iOS, il va falloir choisir. Et ne vous y trompez pas, à l’avenir le changement de crèmerie pourrait vous coûter cher.
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Les téléphones mobiles et les smartphones ont pris une place importante dans notre vie. Du simple outil de communication, le téléphone est devenu un véritable compagnon dont beaucoup de personnes ne peuvent se passer aujourd’hui. Pour des grandes firmes comme Apple ou Google, contrôler ces appareils est essentiel pour leur avenir, une garantie d’un futur prospère. Pour autant, il ne faut pas se tromper sur la situation ; les gens ont tendance à vouloir trouver un bon et un méchant alors que nous sommes finalement tous pris au piège. La convergence des deux systèmes devraient faciliter notre choix, pourtant, celui-ci pourrait bien être le dernier.

 

Des débuts divergents, des besoins différents

Les deux firmes ont usé d’une stratégie différente pour la mise en place de leur écosystème. Il paraît souvent facile de mettre face à face les deux histoires et de conclure sur la bonne ou la mauvaise foi de ces deux acteurs. Cependant, un même élément clé permet de comprendre et de justifier le comportement des deux acteurs : ce sont les switching costs.

Une histoire de bénéfices

Dans un marché concurrentiel, plusieurs firmes doivent se confronter avec l’idée de s’octroyer la plus grosse part du gâteau. Pour cela, la première intuition consiste souvent à proposer les prix les plus bas. Les clients iront là où ils payeront le moins. Sauf qu’un tel marché n’est généralement pas très efficace dans la mesure où si chaque firme essaye d’être la moins chère possible, les prix finissent par tomber au niveau des coûts marginaux, c’est-à-dire le coût de production d’une unité supplémentaire – c’est l’équilibre de Bertrand. Cette configuration du marché n’est évidemment pas très rentable.

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Pour éviter cela, les firmes doivent donc jouer sur deux points : attirer de nouveaux clients avec des produits exclusifs, et éviter que les anciens ne partent chez le(s) concurrent(s). Ces deux points constituent les moteurs de l’innovation et sont essentiels sur des marchés à haute valeur ajoutée. Pour éviter les départs, le coût de sortie ou de changement pour le client doit être maximal, ce sont les fameux switching costs. Ils comprennent les coûts réels (frais de dossier, rachat d’apps ou de services, etc.), mais également les coûts « en temps » qui sont, principalement, les coûts de re-apprentissage (adaptation au nouveau produit), les coûts de transition (transfert de fichiers, de contacts) ou encore les coûts de recherche (trouver l’équivalent des services utilisés habituellement).

Certains switching costs dépendent de la nature même du produit, d’autres sont créés par les sociétés elles-mêmes, ils sont alors stratégiques. Bien souvent, des firmes comme Apple ou Google vont tenter de maximiser ces strategic switching costs afin que ceux-là soient supérieurs aux bénéfices obtenus en cas de changement de plateformes ; toute réflexion sur un éventuel changement mène alors à la même résolution qui consiste à ne rien faire. On parle alors de lock-in. Cette situation permet aux sociétés de maintenir une base de clients sans s’exposer à des risques concurrentiels trop forts. En quelque sorte, le marché devient moins sensible à la seule variable prix ; on dit qu’il est moins élastique.

La conquête du marché des smartphones répond exactement au problème de switching cost, que ce soit pour Apple ou pour Google. Les deux firmes se devaient d’accéder à ce marché, mais les raisons de l’un ou de l’autre ne sont pas identiques. Essayons de comprendre pourquoi.

 

Google et la récolte massive de données

La majorité des revenus de Google provient de la publicité, faisant de son moteur de recherche son activité de loin la plus lucrative. De ce fait, Google eut été par nature beaucoup plus vulnérable s’il n’avait pas investi d’autres marchés comme celui des smartphones. En effet, la recherche en ligne rapporte beaucoup, mais les switching costs sont quasiment nuls pour l’usager : changer de moteur de recherche revient souvent à changer l’adresse par défaut. Du coup, Google s’exposerait au danger de la concurrence s’il ne mettait pas en place des moyens de retenir les utilisateurs. Pour cela, Google a tout d’abord mis en place une pléthore de services gratuits.

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L’objectif est de créer tout un univers cohérent dans lequel les utilisateurs peuvent naviguer intuitivement et sans changer ni compte, ni fournisseur ; les incitant à ne pas aller voir ailleurs. L’élément central autour duquel s’articule l’ensemble des services personnalisés est le compte Google+ (et/ou le compte mail) qui permet de facilement retenir les utilisateurs dans la mesure où le changement requiert plus de temps et plus d’effort. Plus l’offre de services accessibles depuis le compte Google est grand et moins l’utilisateur n’a d’incitation à en changer. Google bénéficie à ce niveau d’un gigantesque effet de réseau. Grâce à cela et à l’ensemble des services gratuits qui ne sont là que pour augmenter la fréquentation (Youtube, Google Maps, etc.), cette stratégie d’investissement tout azimuts finit par payer – la base utilisateurs du géant américain se compte maintenant en milliards.

Mais, être leader sur le web ne fait pas tout. Investir le monde des smartphones était une priorité pour Google : ne pas contrôler l’OS aurait mené Google au même point que sur PC ; en deux trois mouvements l’utilisateur ou le fabricant peut choisir de changer de fournisseur de services – une dépendance qu’il eût été difficile à assumer. Le projet Android Open Source a permis de pénétrer rapidement et massivement le marché en proposant une alternative au système d’Apple, tout en démocratisant un système que Google pourrait contrôler par la suite, grâce aux Google Play Services. Aujourd’hui, Android est très majoritaire dans beaucoup de marchés, la forte dépendance des usagers et des développeurs aux Google Play Services lui octroie par ailleurs une maitrise du système similaire à celle d’Apple.

 

Apple et la vente de produits haut de gamme

Le positionnement d’Apple n’est pas exactement le même que celui de Google. Apple s’est construit une identité ciblée haut de gamme et se construit un écosystème sur lequel il garde systématiquement le contrôle. La maitrise totale de la chaine de production (du matériel au logiciel) lui permet de jouer plus facilement sur les strategic switching costs. Néanmoins, la firme de Cupertino souffre aussi des switching costs importants chez les concurrents, notamment les usagers de Windows, ce qui limite sa pénétration du marché. Sa position « de niche » le rend également plus vulnérable parce que les clients deviennent alors très exigeants et moins tolérants ; un Mac OS X bugué comme l’a été Windows Vista mènerait la firme à sa perte – la réciproque étant fausse.

Concernant son business model, la société de Cupertino engendre ses bénéfices grâce aux marges sur le matériel. Pour continuer à faire de fortes marges sur la vente de produits, la marque doit donc d’une part cibler une clientèle aisée, d’autre part proposer des produits suffisamment différenciants pour retenir ses clients (switching costs) et en attirer de nouveau – les bénéfices du changement doivent donc être supérieurs au coût, rappelons-le. Face à des sociétés comme Google qui, en contrepartie d’une utilisation des données vous concernant, proposent des prix bien plus bas et des services également gratuits, la concurrence n’est pas aisée pour la firme à la pomme (le fait de ne pas utiliser les données personnelles n’est pas une contrepartie suffisante pour beaucoup d’utilisateurs, au regard du prix).

Ce qui est certain, c’est qu’il est bien plus facile pour une telle société de conquérir un marché nouveau ou inexistant. En introduisant le premier smartphone tactile et en remettant aux goûts du jour les tablettes, Apple s’est fait une place importante qu’il n’aurait pas réussi à prendre sur un marché mature. Si Google devra miser sur la gratuité pour conquérir une base client, Apple devra compter sur sa capacité à innover et à arriver parmi les premiers.

 

Des mondes qui convergent et se séparent

Au fil des années, les deux systèmes Android et iOS ont évolué à leur manière. Paradoxalement, ils ont chacun été en avance sur l’autre, tout simplement parce que les deux systèmes évoluaient sur des points complémentaires. Google a apporté beaucoup de nouvelles fonctionnalités à ses Google Play Services lui permettant de proposer suffisamment d’éléments essentiels afin de retenir la majorité des développeurs, quand de l’autre côté Apple s’est focalisé sur les services et sur l’ergonomie de son OS afin de retenir les clients.

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Bien qu’ils se soient focalisés sur des axes différents, les deux sociétés ont dû se copier mutuellement. On l’a bien vu lors des conférences ces dernières années : certaines nouveautés sont systématiquement le sujet des critiques, le concurrent l’ayant déjà intégré depuis longtemps. Mais, des deux côtés la copie est inévitable : ne pas réagir à une avance du concurrent fait monter le bénéfice que le client obtient en changeant. Parce que l’effet lock-in tient du fait que les switching costs sont supérieurs aux bénéfices, il faut donc contrôler à la fois les switching costs et les bénéfices.

Le résultat est qu’aujourd’hui les deux systèmes sont suffisamment proches pour que l’on ait la sensation que les mises à jour portent sur les mêmes nouveautés. Nous l’avons bien vu lors des dernières keynotes du mois de juin : un des OS se ferme, l’autre s’ouvre. Le tout ne convergerait-il pas vers un même point ? Sans doute. En tout cas, le choix d’un smartphone ne dépendra donc plus, aujourd’hui, de quelconques points techniques, mais véritablement de raisons psychologiques et personnelles. Finalement, l’ouverture et la fermeture des systèmes sont devenues un faux débat. Seule la concurrence sur les terminaux Android pourra attirer les clients cherchant la meilleure position tarifaire.

 

Un contrôle sur votre vie

Si la convergence des systèmes devient trop marquée, les switching costs pourraient devenir bien faibles. Cette situation inconfortable ne fait guère envie aux deux géants. L’idée : prendre la main sur l’ensemble de vos activités et de vos loisirs. En effet, même en ayant des OS très similaires, celui qui contrôlera vos objets connectés, vos données de santé ou encore vos rendez-vous aura la garantie que vous y réfléchirez à deux fois avant de changer de système d’exploitation. Tout comme avec une carte de fidélité, vous ne chercherez pas à changer même si vous avez la même chose ailleurs.

Sur ce point, Google part avec un avantage énorme dans la mesure où il peut déjà bénéficier d’un effet de réseau gigantesque grâce notamment à la pléiade de services dont beaucoup ne peuvent déjà plus se passer. Pour s’en convaincre, l’une des meilleures expériences est encore de voyager dans des pays comme la Chine où les puissants pare-feux empêchent tout accès aux services du géant américain. On se sent tellement nu que cela en devient inquiétant.

Ecosystem lifecycle

Les objets connectés (au sens large) pourraient avoir un rôle décisif dans l’histoire : ces objets vont se multiplier et l’utilisateur va chercher à les gérer le plus simplement possible. Voitures connectées, montres connectées, balances connectées… la liste est longue et s’agrandit. Il est évident que la plupart des objets que nous utilisons aujourd’hui pourront avoir, un jour, leur touche connectée. Dans un marché qui devrait être constitué d’une multitude de marques (on espère le plus possible), il sera important de pouvoir récolter et gérer efficacement l’ensemble de ces objets. Et c’est là que les OS mobiles rentrent en jeu. Mais du coup, la simplicité aura probablement un prix.

 

Des compatibility costs qui vont peser sur nos choix

Nous ne sommes qu’au début des objets connectés, mais on commence déjà à voir deux mondes qui se séparent, entre Android et iOS. Le meilleur exemple (actuel) est celui des montres connectées. Google propose Android Wear et Apple devrait sortir sa iWatch. Du coup, la confrontation des deux mondes continue et votre choix de téléphone sera porté à votre choix de montre. Choix contraint qu’il sera difficile d’accepter si un autre modèle vous plait dans le monde d’en face. Serons-nous prêt à supporter cette captivité ?

Quand l’un des achats est lié à un autre, on parle de compatibility costs. Ce sont ces coûts là qui vont prendre tant d’importance avec les objets connectés. Pour l’instant, choisir entre Android et iOS n’implique pas autant de coût parce que les systèmes offrent les mêmes fonctionnalités et, surtout, car ce que l’on trouve chez l’un est très souvent disponible chez l’autre. Mais, en propageant le système d’exploitation aux autres objets comme la TV, la montre ou encore la voiture, on contraint le consommateur à choisir ce qui est compatible et à s’enfermer dans l’univers de la marque.

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Android Wear

À partir de là, il n’est plus question de choisir entre un système soi-disant ouvert et open source et un autre système barricadé. Dans les deux cas, les compatibility costs vont vous retenir là où vous n’auriez peut-être pas voulu aller. Les Google Play Services enfermeront les usagers tout autant que le fera Apple avec son OS. Il ne fait aucun doute que beaucoup d’objets connectés resteront compatibles avec les deux systèmes (stratégiquement plus intéressant pour le fabricant d’objets), mais certains cas pourraient s’avérer plus délicats – un point qui devient dérangeant quand ce sont des objets onéreux (voitures, télévisions) qui sont en jeu.

Le point noir dans l’histoire est que dans leur stratégie commune consistant à augmenter les switching costs, dans un sens comme dans l’autre, l’utilisateur devient le prisonnier et doit rapidement faire un choix. Les OS mobiles veulent prendre tellement de contrôle dans notre vie de tous les jours que le changement de crèmerie pourrait vous coûter cher.

 

Le moment de choisir, c’est maintenant

Ce qui paraît évident maintenant, c’est que les choix d’aujourd’hui modifieront vos choix de demain. Pourtant, au delà de cette question de l’OS mobile se cache un autre problème tout aussi important : ne dépendons-nous pas trop de ces géants ? Certains discours de Google pourraient nous laisser croire qu’ils prônent pour un monde libre et ouvert : nous n’y trompons pas. En s’accaparant 90% des recherches en ligne en Europe, la firme de Mountain view capte l’essentiel des revenus et peut développer ses services au détriment de concurrents qui peinent alors à survivre (Mappy ou Dailymotion par exemple). Tout comme dans le monde des télécommunications, il viendra bien un jour où Google devra être dégroupé.

Finalement, le plus inquiétant n’est pas de devoir choisir un OS maintenant, mais plutôt de voir l’impact que cela pourrait avoir plus tard. Ces sociétés cherchent à contrôler l’ensemble de notre vie et il est vrai qu’il peut être confortable de confier nos habitudes personnelles à la même société. Néanmoins, il existe un point à partir duquel les consommateurs devraient se demander s’il est bon de dépendre autant d’un même fournisseur. Nous commençons peut-être à atteindre ce point-là ; diversifier ces sources pourrait s’avérer le meilleur moyen de garder sa liberté… au détriment d’un certain confort.

 


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