Petits et gros réparateurs de smartphones, le business des écrans cassés

 
Cela ne vous surprendra pas, à FrAndroid, nous avons beaucoup de smartphones. Et, c’est statistique, plus ce nombre de smartphones est élevé, plus les chances de briser l’écran sont fortes. Depuis la fin de l’année dernière, nous avons donc trois smartphones inutilisables qui prennent la poussière au sein de la rédaction. Nous avons ainsi tenté d’explorer toutes les pistes possibles pour les réparer. Un parcours qui s’est révélé très intéressant, puisqu’au final les prix proposés par les différents constructeurs, réparateurs agréés et boutiques de smartphones varient parfois du simple au double. Nous avons donc voulu comprendre pourquoi de telles différences de prix existaient.
Ecrans cassés

Le SAV, la solution logique ?

Comme toute victime de chute de smartphone, nous n’avons pas vraiment choisi les smartphones aux écrans brisés. Ces malheureux appareils étaient en l’occurrence un Wiko Cink Five, un Nexus 5 et un Motorola Moto X de 2013. Trois téléphones issus de trois constructeurs différents qui ont toutefois le mérite de couvrir l’entrée et le milieu de gamme et de posséder chacun un type d’écran différent (LCD et AMOLED). Avant même de partir en vadrouille dans les rues parisiennes pour savoir combien il nous en coûterait de faire réparer leur écran, nous avons tout d’abord directement contacté le SAV de chacun des constructeurs.

Chez Wiko, la transparence avant tout

Wiko est le constructeur qui nous a le plus surpris. Le franco-chinois n’est en effet pas particulièrement reconnu pour l’efficacité de son SAV, souvent critiquée sur nos forums. Et il faut bien admettre que les 10 bonnes minutes d’attente sur fond de musique d’ascenseur ne nous ont pas particulièrement rassurés de prime abord. Le bon point dans tout cela, c’est que le SAV de Wiko n’est pas un numéro surtaxé, mais un numéro de téléphone classique tarifé au prix d’un appel local que l’on peut trouver très facilement sur son site web.

sav wiko france
Il est très facile de trouver le numéro du SAV de Wiko sur Internet

Passé 10 minutes d’attente, un homme à l’accent du sud nous demande alors ce que l’on souhaite. Il a pris le temps de nous écouter sans nous couper et ne nous a jamais forcé la main. Chez Wiko, on répond à nos questions sans avoir à justifier d’un quelconque numéro de dossier ou code-produit sorti de la boîte du téléphone. Mieux, en expliquant notre problème d’écran et en demandant combien il nous en coûterait de le remplacer, le conseiller de Wiko a pris le temps de consulter d’anciens devis et de regarder combien ont coûté une réparation d’écran sur un Cink Five. Il nous a finalement avancé un prix « compris entre 50 et 60 euros ».

Les démarches à suivre pour faire réparer le téléphone sont d’ailleurs assez claires : il est nécessaire d’envoyer le téléphone au centre de réparation de Wiko (« mettez votre téléphone dans une enveloppe en papier bulle si vous voulez, ça nous va ») mais à nos frais, d’attendre quelques jours pour recevoir un devis gratuit et, si le devis est accepté, de patienter une dizaine de jours supplémentaires pour recevoir son smartphone avec un écran neuf. Certes, il est nécessaire de se séparer de son téléphone pendant au moins deux semaines, mais le smartphone est encore garanti après son passage par les ateliers de Wiko et le constructeur utilise des pièces d’origine. Ce qui est la moindre des choses.

Au total, il n’a fallu qu’une vingtaine de minutes pour résoudre notre problème, avec, à la clé, une addition s’élevant à 60 ou 70 euros (pour un téléphone qui coûte environ 170 euros) en comprenant les frais de port. Évidemment, tout cela est de la théorie, puisque nous n’avons pas réellement envoyé le smartphone en réparation et que nous n’avons pas pu vérifier les promesses du conseiller. Il n’empêche, nous étions en confiance en raccrochant.

Nexus 5 : le renvoi vers le réparateur agréé

Pour notre Nexus 5, nous nous sommes naïvement tournés vers le SAV de Google, et plus précisément vers l’équipe d’assistance de Google Play. Le numéro n’est a priori pas surtaxé. La conseillère que nous avons eue au bout du fil était agréable mais insiste très rapidement, une fois notre problème exposé, pour nous demander notre adresse email liée au compte Google Play ainsi que l’adresse où le téléphone a été expédié lors de son achat, et ce, avant de répondre à la moindre de nos questions. Une fois ces formalités réglées (comptez cinq minutes), la téléconseillère nous annonce alors que ce problème d’écran (et, on l’imagine, pour tout autre problème lié au hardware du téléphone) n’est pas géré par Google, mais par le SAV de LG, le fabricant du smartphone. Pas question d’ailleurs pour cette conseillère de nous donner de vive voix les coordonnées du SAV de LG, elle nous enverra une grosse vingtaine de minutes plus tard un email avec le numéro standard (le 32 20, sans ligne directe, donc) du SAV de LG. En d’autres termes, pas question de passer par Google pour résoudre les problèmes du Nexus 5. Il faut le savoir.

smartphone ecran casse
Notre Nexus 5 avait rencontré « un léger » problème d’écran.

L’appel au SAV de LG n’est pas surtaxé. Et après avoir passé la messagerie automatique pour indiquer quel type de produit l’on possède, on tombe rapidement sur un véritable conseiller. Une fois notre problème exposé, ce dernier nous demande très vite où nous habitons. Et nous indique (explicitement cette fois-ci) quelques secondes après le nom et l’adresse d’une boutique de réparation agréée par LG. Il est toutefois bien possible d’envoyer son smartphone en réparation à LG, mais tout est, excepté le devis, au frais de l’utilisateur. Le conseiller téléphonique nous assure que ces réparateurs agréés ont été formés par LG, que les pièces de la boutique sont envoyées par le constructeur et que la réparation n’annulera pas la garantie du téléphone. Ce même conseiller n’était de toute façon pas capable de nous donner la moindre fourchette de prix et encore moins un quelconque délai de réparation en envoyant son téléphone directement au SAV de LG. Soit. Le réparateur agréé n’étant qu’à une dizaine de minutes à pied de la rédaction, nous avons donc opté pour cette solution, mais sans avoir la moindre idée du coût de la réparation.

Et chez Samsung alors ?

Puisqu’il est facile d’appeler les constructeurs pour savoir ce que coûte la réparation d’un smartphone, nous avons également appelé le SAV de Samsung pour savoir combien il nous en coûterait de remplacer l’écran d’un Galaxy S5. Trouver le numéro du SAV et le contacter ne nous prend que quelques secondes. Le numéro, facturé au prix d’un appel local, renvoie alors sur une messagerie automatique qui nous guide rapidement vers l’assistance technique pour les smartphones. Une fois le conseiller atteint et notre problème exposé, ce dernier nous indique rapidement que le mieux est encore d’aller chez un réparateur agréé pour effectuer la réparation. Un scénario qui a déjà un air de déjà vu quand on ressort du SAV de LG. Mais avant de nous donner l’adresse de la boutique en question, le conseiller nous demande notre nom et notre prénom — et rien de plus — afin de créer de façon inexplicable un dossier. Une fois fait — cela n’a pris que quelques secondes —, le conseiller nous donne l’adresse d’un réparateur agréé. Une adresse par ailleurs identique à celle donnée par le SAV de LG. En le questionnant un peu plus, ce conseiller nous assure que le smartphone sera encore sous garantie en sortant de la boutique agréée, qu’il ne connaît pas le prix de la réparation mais que le tarif pratiqué est identique chez tous les réparateurs agréés Samsung. Plus intéressant encore, on nous assure qu’envoyer le Galaxy S5 aux ateliers de réparation de Samsung reviendrait au même prix que d’aller faire réparer son téléphone dans une boutique agréée. Au final, il nous a fallu moins de 10 minutes pour avoir notre information. Pas mal.

Motorola : le flou total

sav motorola

Nous avons contacté Motorola, réputé pour son service client aux États-Unis, afin d’avoir des renseignements sur le remplacement de l’écran d’un Moto X (2013). Nous tombons en premier lieu sur un téléconseiller qui nous fait passer par une fastidieuse étape obligatoire de création d’un dossier puisqu’il s’agit de notre premier appel chez le constructeur. Après quelques renseignements pris (nom, prénom, date d’achat, IMEI, numéro de téléphone et adresse mail), ce premier interlocuteur nous prévient de la réception prochaine d’un mail contenant les coordonnées d’un réparateur agréé. Malgré un échange cordial et des réponses rapides, on est chagriné de devoir appeler deux fois vers des numéros surtaxés pour obtenir de simples renseignements, que notre téléconseiller nous promet à l’issue du deuxième échange. Soit.

Mauvaise surprise. Le réparateur agréé, SBE France, qui officie à Saint-Leonard, à côté de Boulogne s/ Mer, mise tout sur un serveur vocal. D’ailleurs, le mail de confirmation de Motorola propose d’envoyer directement le smartphone, sans même donner quelques indications sur les modalités, histoire de ne pas s’embarrasser de discussions. Après avoir fait croire au serveur vocal que nous avions un problème avec le suivi de notre commande, on finit par être orienté vers une conseillère qui semble un peu surprise de notre démarche. On y apprend que « le devis est fait à réception du téléphone » et que « le client peut refuser la réparation” mais que « cela coûte tout de même 27 euros ». Ah. Ça fait cher le coup d’œil de technicien sur la carlingue du mobile. L’opératrice garantit malgré tout que « les pièces proviennent toutes de Motorola », histoire de nous rassurer. Mais en attendant, impossible de savoir combien va nous coûter la réparation de l’écran AMOLED du Moto X, si ce n’est au moins 27 euros, soit le prix du devis, accepté ou non. On ne peut pas dire que cet entretien nous ait réellement rassurés. Dans ce cas, il nous a plutôt incités à nous débrouiller nous-mêmes et à nous rendre dans des boutiques de réparations spécialisées locales.

 

La solution locale : les boutiques des quartiers populaires

Armés de nos smartphones cassés, nous nous sommes donc rendus chez des réparateurs non-agréés, dans les fameuses « zones de non-droit » existant à Paris et dépeintes par le média américain Fox News, afin de voir ce qu’ils ont à nous proposer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les réponses sont diverses et variées, comme le nombre de boutiques du genre installées dans ces quartiers. Nexus 5 en poche, nous nous rendons aux abords de Gare du Nord.

Une première boutique nous donne un tarif de réparation de 150 euros. Mais, il nous faut bien avouer avoir eu très peur lors de l’élaboration du devis. La mise en confiance du client est inexistante, les explications sont baragouinées dans un français approximatif, et le pire concernait le devis en lui-même. Notre « réparateur » nous a pris le téléphone des mains, l’a observé, vérifié son modèle puis l’a donné très rapidement à un bonhomme qui traînait dans le coin afin d’emmener notre appareil « dans une autre boutique » pour voir s’il avait la pièce en stock. Nous avons attendu que le coursier de fortune de cette boutique revienne d’on ne sait où avec l’information. En attendant qu’il revienne, nous avons eu tout le loisir d’observer le préposé aux réparations travaillant sur plusieurs téléphones désossés en même temps, ne sachant plus trop bien auquel appartient la pièce qu’il tient entre les bras de sa pince à épiler, et envoyant sur les roses un client qui lui demande comment faire pour accéder au compte iCloud de l’iPhone qu’il tient dans la main (…). Après une bonne vingtaine de minutes qui nous ont paru bien longues, on nous annonce un tarif de 150 euros. C’est cher, surtout quand on sait que le téléphone vaut actuellement 330-350 euros et nous déclinons rapidement l’offre. Face à notre moue dubitative, le gérant lance même un « 140 euros ! » lorsque nous franchissons la porte. Pas sûr que ce soit suffisant pour confier notre précieux ici.

Boutique mobile
Au Nord de Paris, nombreuses sont les boutiques de téléphonie pratiquant les réparations d’écrans.

La seconde est encore plus compréhensive envers notre problème puisqu’après s’être renseignée auprès de son fournisseur (une page sur Internet que nous n’avons pas pu voir), elle nous annonce que la réparation devrait coûter de « 100 à 110 euros ». Le vendeur explique toutefois que pour un appareil comme le Nexus 5, finalement peu répandu, le prix est élevé, car « cela coûte cher de faire venir des pièces en petites quantités ». Il faut du coup attendre plusieurs jours pour que la réparation ait lieu, et autre problème : « il faut remplacer tout le bloc-écran ». En effet, on s’aperçoit que pour des téléphones modernes où la dalle est collée à la vitre, les réparateurs ne prennent pas le risque de changer simplement la vitre, et préfèrent remplacer l’ensemble de l’écran. Du coup, le client paye plus.

Certaines autres boutiques indiquent ne pas avoir les pièces à disposition, ni même chez leurs fournisseurs, preuve que ces derniers sont variés et que ce business se joue aussi à qui sera le moins cher. Si nous avons pris l’exemple du Nexus 5, c’est aussi parce que d’autres modèles, dont le Moto X, sont une plaie à faire réparer à moindre coût. Pour celui-ci, nous avons demandé dans plusieurs boutiques ce qu’ils pouvaient faire et la réponse est toujours la même : rien. Les fournisseurs ne possèdent visiblement pas ce type d’écran, l’AMOLED, et même un réparateur « spécialisé » sur Motorola, auquel nous avons demandé un devis en ligne, nous répond simplement que « la pièce n’est pas disponible ». Intervient donc le problème des différentes technologies d’écrans, et un bon vieux LCD est plus facilement réparable qu’un AMOLED.

 

La solution sûre : le réparateur agréé

Suite à notre appel au SAV de LG, nous sommes partis en direction de la boutique de réparation agréée. Il s’agit d’une boutique Samsung, propre et relativement bien rangée, située en plein milieu du quartier Indien de Paris. Derrière le comptoir dédié aux réparations, deux hommes en blouses blanches nous accueillent. Nous leur exposons alors notre problème d’écran fêlé de Nexus 5. Après avoir regardé sur Internet le prix des pièces, on nous annonce alors un tarif de remplacement de 179 euros, main d’œuvre comprise. La réparation peut d’ailleurs être réalisée très rapidement, « en 40 minutes » nous annonce le réparateur, à condition que la boutique possède les pièces nécessaires au remplacement. Dans notre cas, il restait un écran de Nexus 5 et nous aurions pu repartir avec un smartphone neuf. Reste que payer 179 euros pour remettre à neuf un Nexus 5 alors que celui-ci se trouve à un peu moins de 300 euros reste très onéreux.

Nous avons également demandé à ces mêmes réparateurs s’il était possible de changer l’écran de notre Moto X. « Oui, on peut, c’est très simple. Le tout c’est de savoir si on possède les pièces ». En l’occurrence, il n’y avait pas d’écran de Moto X et nous ne pourrons pas savoir combien il nous coûterait de remplacer cet écran détruit.

Chez AlloPSM, on rassure le client

Pourquoi de telles différences de prix d’une boutique à l’autre ? Pour répondre à cette question, nous sommes allés interroger un réparateur d’une boutique de réparation agréée Allo PSM de Paris. Nous avons rendez-vous en début d’après-midi dans une boutique du centre de Paris. Je suis reçu, là encore par un employé en blouse blanche. Vincent* est assis sur sa chaise, derrière un grand comptoir. Il trie des enveloppes à bulles contenant des smartphones fraîchement réparés. « Nous sommes en plein rush en ce moment. Les assurances nous ont fait parvenir des tonnes de smartphones à réparer et à renvoyer ». La boutique est d’une propreté irréprochable. Il n’y a pas une poussière par terre, le comptoir d’accueil ne contient qu’une poignée de prospectus et aucunes entrailles de smartphone ne traînent sur le bureau des employés. « Les blouses blanches et la boutique propre, c’est le concept d’Allo PSM » m’explique Vincent. Le message est clair, tout est fait pour que le client se sente en confiance ici : on est entouré de pros, de véritables chirurgiens de la haute technologie, capables de diagnostiquer ou de réanimer n’importe quel smartphone agonisant.

* Le nom a été modifié

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Crédit photo : AlloPSM

Vincent m’explique pourquoi les constructeurs de smartphones renvoient leur client vers AlloPSM en cas de casse d’écran : « AlloPSM est la seule entreprise de réparation de smartphones de France agréée par les constructeurs ». Et de m’expliquer que des accords de partenariat sont directement passé entre la société mère AlloPSM et différents constructeurs. Actuellement, Samsung, Sony, LG, Huawei ou ZTE renvoient systématiquement leurs utilisateurs vers AlloPSM. Mais alors, chaque constructeur forme individuellement les réparateurs ? « Pas du tout » me répond Vincent « nous suivons une formation de quelques semaines au siège de AlloPSM. La formation est dispensée par des réparateurs confirmés qui ont entre 6 et 8 ans d’expérience ». Il faut comprendre par là que les constructeurs de smartphones ne forment pas eux-mêmes les réparateurs. Vincent m’en donne d’ailleurs la confirmation quelques minutes plus tard, lorsque je lui demande si c’est risqué de réparer son smartphone soi-même. « Je vous le déconseille formellement. Vous risqueriez de casser une patte, une nappe ou de ne jamais parvenir à remonter correctement l’écran ». Mais alors, c’est si difficile que ça de réparer un smartphone ? « Ce n’est pas très compliqué, c’est surtout une question d’habitude et de technique. Le remplacement d’un écran sur un smartphone consiste plus ou moins en la même chose pour chaque téléphone. Ils se ressemblent beaucoup ».

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Crédit photo : AlloPSM

Il faut bien admettre que l’atelier de réparation des smartphones est très sommaire et ne nécessite pas franchement de blouse blanche. « La majorité des réparations se font directement sur le comptoir d’accueil. Quand il y a vraiment trop de monde, nous avons un petit bureau pour travailler tranquillement ». Ce petit bureau est le plus équipé de la société. On y trouve en tout et pour tout un pistolet à chaleur (pour décoller l’écran de la dalle tactile), une grosse boîte de tournevis de toutes tailles, quelques bols pour recevoir les vis et une lampe à loupe, afin de mieux repérer et voir les petites pièces. Très clairement, rien de vraiment salissant ou qui fasse appel à des outils de haute technologie.

Vincent m’explique que sur les smartphones récents, il n’est plus question de remplacer uniquement la plaque de verre ou la dalle LCD pour réparer un écran fissuré

Mais alors pourquoi cela coûte-t-il si cher de réparer l’écran de son smartphone ? Vincent m’explique que sur les smartphones récents, il n’est plus question de remplacer uniquement la plaque de verre ou la dalle LCD pour réparer un écran fissuré. Désormais, la majorité des smartphones utilise ce qu’on appelle un module afficheur comprenant la dalle LCD, la dalle tactile et la vitre du smartphone. Les constructeurs de smartphones ne séparent désormais plus ces pièces — le prix à payer de la récente finesse de nos téléphones — et les fournissent en un seul bloc aux SAV. Les pièces sont donc officielles, certifiées par les constructeurs et leur prix est identique partout en France. Quand je lui pose la question, Vincent m’indique que les plus chers sont généralement les modules afficheurs de Samsung, du fait de leurs écrans AMOLED. À ce titre, le module afficheur d’un Galaxy Note 3 est actuellement de 269 euros. Quant à mon Nexus 5, le prix ne bouge pas comparé à la précédente boutique, il va encore me falloir débourser 179 euros. Et le prix de la main d’œuvre alors ? « Ce n’est pas beaucoup, m’affirme Vincent, entre 15 et 25 % du prix de la réparation, pas plus ». Vincent pense également que c’est le prix de la main d’œuvre qui joue dans les tarifs inférieurs proposés par les petites boutiques non agréées de Paris. « Ce qui est certain, c’est que ces boutiques se fournissent sur Internet et ne disposent pas de pièces d’origine. Rien ne garantit que votre écran ne va pas vous lâcher en sortant de chez eux ». Il faut préciser qu’AlloPSM garantit la réparation de l’écran pendant un an.

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Crédit photo : AlloPSM

Il reste toutefois une dernière question en suspens : d’où viennent les pièces qu’utilise AlloPSM ? Lorsque j’ai demandé à Vincent de rechercher le prix d’un écran de Galaxy Note 3 celui-ci a fait une recherche dans une base de données. « C’est la base de données de SBE, notre fournisseur ». De fait, AlloPSM ne va pas demander les pièces directement aux constructeurs de téléphones, mais bien à une entreprise spécialisée dans le SAV. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous entendons parler de SBE : le service après vente téléphonique de Motorola nous avait déjà demandé de nous tourner vers cette société pour réparer l’écran de notre Moto X. Et, décidément, c’est vers elle que s’orientent la majorité des constructeurs pour fournir leurs clients en pièces détachées.

 

SBE : l’usine qui répare les smartphones

Nous avons tenté de joindre SBE pour leur poser des questions à propos de leurs partenariats passés avec les constructeurs. SBE, pour Société Boulonnaise d’Electronique, se présente comme l’un des employeurs les plus importants du Pas de Calais avec 750 employés sur son site principal, situé à Boulogne sur Mer. SBE est également l’une des entreprises les plus importantes de France lorsqu’il s’agit du SAV d’appareils électriques ou électroniques. Sur le seul marché français, SBE s’occupe, entre autres, de Huawei, de Sony, de Samsung, de Motorola, de LG, de BlackBerry et depuis peu d’Apple. C’est également SBE qui prend en charge une partie du SAV de la Fnac (lorsqu’on vous fait signer des extensions de garantie, c’est chez SBE que les produits sont envoyés en cas de problème) mais aussi d’ordinateurs ou de télévisions. La société boulonnaise est par ailleurs très discrète : les quelques articles trouvés à son sujet sont systématiquement élogieux — et pour cause, vu le nombre d’emplois générés dans cette région en difficulté — et les rares traces que l’on retrouve d’elle sur la toile proviennent bien souvent de clients mécontents de leur traitement SAV. Un classique de ce genre de service, les clients contents vont rarement sur les forums pour exprimer leur satisfaction.

sbe logo

Nous avons tenté de joindre SBE pour leur poser des questions sur leurs relations avec les constructeurs de smartphone. La société ne nous a pas apporté beaucoup de réponses :

« Depuis le lancement de la téléphonie mobile en 1993, la Société Boulonnaise d’Electronique (SBE France) est le partenaire majeur des différentes marques commercialisant des smartphones et des tablettes sur le territoire français. À ce titre, nous avons développé une solution industrielle permettant de prendre en charge la réparation des terminaux tombant en panne lors de la garantie légale ainsi que lors de pannes liées à une mauvaise utilisation par leurs propriétaires (casse, …). Cette capacité industrielle permet de traiter des volumes très importants (plusieurs milliers par mois) avec des délais très courts (délai moyen inférieur à 72h). Les différents constructeurs apportent à SBE France un soutien tout au long de notre prestation en formant nos équipes, en nous accompagnant sur les équipements de test et de contrôle et en nous fournissant les pièces d’origine nécessaires à une réparation de qualité et fiable dans le temps. »

SBE n’a pas désiré répondre à plus de questions et ne nous a pas permis de visiter ses locaux. Si l’on en croit les quelques informations recueillies ici et là sur la toile, SBE est aujourd’hui la première société de réparation de smartphone en France, mais aussi en Europe. La société affirme aujourd’hui réparer entre 5000 à 6000 smartphones par jour en France et entre 9000 et 10 000 téléphones par jour dans sa filiale britannique, qui embauche des petites mains polonaises et permet à ses employés de travailler « jusqu’à 40 ou 45 heures par semaine ». SBE affirme ainsi détenir aujourd’hui environ la moitié du marché français de la réparation de smartphones en France (« un téléphone sur deux est réparé à Boulogne sur Mer » aime répéter la société), le reste se partageant, on l’imagine, entre les différentes boutiques agréées telles que AlloPSM et les SAV centrés sur une marque, comme celui de Wiko.

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Quelques uns des services proposés par SBE.

Nous avons contacté des employés de SBE pour en apprendre un peu plus sur le processus de réparation des smartphones de l’entreprise boulonnaise. Sans surprise, il s’agit d’un véritable processus industriel de réparation. Les employés de SBE sont dans leur majorité des ouvriers non qualifiés ou, en tout cas, des employés sans formation spécifique en électronique. Selon les témoignages que nous avons recueillis, les formations prennent rarement plus de deux semaines. Durant ces deux semaines, les nouveaux employés sont formés à partir de notices fournies par les constructeurs de smartphones et de vidéos. Ce sont des documents, des schémas techniques très précis et détaillés, qui décrivent intégralement le processus de démontage et de remontage des appareils en provenance directe des constructeurs. Ces derniers fournissent tout à l’entreprise, y compris les outils à utiliser (pré-étalonnés suivant le téléphone) pour les démonter.

Ces formations d’une semaine portent sur un seul appareil d’une marque. Durant la formation d’une ou deux semaines, les ouvriers se font la main sur des téléphones de test qu’ils vont démonter et remonter jusqu’à être parfaitement à l’aise avec les procédures et les appareils. Au bout d’une semaine, ces ouvriers savent dans quel ordre il faut démonter un smartphone, quelle pression il faut exercer sur telle vis, quelles pièces sont à changer ou à vérifier, etc. Au terme de cette quinzaine de formation, le travail des réparateurs est vérifié et, s’il est bon, ils sont envoyés sur les chaînes de réparation pour prendre en charge les smartphones cassés que prend en charge SBE.

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Car il s’agit bien de travail à la chaîne. Répartis par marque et par modèle de téléphone, les ouvriers travaillent sur des « îlots », des tables de travail regroupant plusieurs employés qui réparent tous les mêmes modèles de téléphone. SBE leur demande de réparer une quinzaine de téléphones par jour, à raison de 8 heures par jour, le tout étant payé un peu plus que le SMIC. Le rythme est assez élevé selon d’anciens employés et seuls les réparateurs les plus expérimentés et les plus rapides parviennent à effectuer le quota demandé par l’entreprise. Pour un employé moyen, une réparation demande un peu plus d’une demi-heure.  Et s’il n’y a rien à gagner à réparer plus (les primes ne sont pas à l’ordre du jour), on vient régulièrement faire remarquer à ceux qui prendrait un peu trop leur temps qu’il y a des objectifs de production à tenir. Un procédé classique dans les usines de travail à la chaîne. Ces ouvriers se contentent d’ailleurs uniquement de démonter et remonter les téléphones. Lorsqu’une manipulation à risque se présente, un coup de fer à souder à passer par exemple, ils appellent un ouvrier spécialisé dans la tâche en question.

SBE a donc mis en place un processus industriel de réparation de smartphone afin d’être le plus rapide possible et de réaliser des économies d’échelle. Ce qui ne n’empêche pas la société d’être assez rigoureuse avec la qualité des réparations des appareils qui passent dans ses murs. Selon les témoignages que nous avons recueillis, un système de vérification aléatoire a été mis en place afin de contrôler régulièrement la qualité des réparations. Des téléphones fraîchement réparés sont ainsi pris au hasard (sans que l’on connaisse toutefois la proportion exacte) afin de vérifier qu’ils ont été correctement réparés. Lors de ces contrôles qualité, SBE note dans la fiche de l’employé la qualité de ses réparations quand l’un de ses appareils a été sélectionné.

Les ouvriers ont à leur disposition des armoires de composants pour changer les pièces défectueuses

Selon d’anciens employés de l’usine, tous les téléphones, quelle que soit la gravité de la panne ou de la casse, sont pris en charge et réparés à Boulogne sur Mer. Seule exception à cela, les téléphones « oxydés », ceux qui sont tombés dans l’eau et qui ne sont pas toujours pris en charge par les constructeurs. Dans ce cas, les composants oxydés sont photographiés et mis de côté. Pour le reste, les ouvriers ont à leur disposition des armoires de composants pour changer les pièces défectueuses. Seules les pièces les plus fragiles, les écrans par exemple, nécessitent d’être commandées en interne afin d’être livrées en quelques minutes sur les îlots. Des pièces qui seraient apparemment fournies par les constructeurs eux-mêmes. Détail intéressant, certains constructeurs demandent à ce que SBE leur renvoie des pièces défectueuses afin de les analyser et, très certainement, d’établir des statistiques sur les retours au SAV de leurs appareils.

De fait, le processus industriel de réparation de smartphone de SBE très solide et efficace. Les employés que nous avons interrogés ont tous insisté sur le fait que leur travail était souvent vérifié et surveillé. Une volonté qui provient certainement autant de SBE que des accords passés avec les constructeurs qui, on l’imagine, posent des conditions assez strictes à la réparation de leurs appareils. Ce qui n’empêche visiblement pas des erreurs d’être commises. Comme dans toute action humaine, il est probable que quelques appareils passent à travers les mailles du filet et ne fonctionnent pas en sortant de cette usine. Il serait toutefois intéressant de connaître le pourcentage de doubles retours au SAV de SBE pour juger de la qualité réelle de l’entreprise. Un chiffre impossible à obtenir.

 

Réparer l’écran de son téléphone coûte cher et ça n’est pas près de changer

Réparer un écran de smartphone cassé en passant par le SAV est une option coûteuse. Au final, voici les prix officiels pour faire réparer nos trois téléphones en passant par les voies officielles des SAV.

  • Wiko Cink Five : La réparation de la vitre de ce téléphone coûte entre 50 et 60 euros selon Wiko. Quand on sait que l’on peut trouver le téléphone neuf aujourd’hui entre 90 et 120 euros, ce n’est clairement pas la réparation la plus rentable du monde (50 % de son prix neuf actuel). Dans ce cas, autant réaliser une réparation soi-même, cela nous a coûté au début de l’année 2015 moins de 20 euros. Contrepartie de cette solution : ce ne sont pas des pièces d’origines.
  • Nexus 5 : La réparation du module d’affichage nous aurait coûté 179,90 euros en passant par une boutique agréée de type AlloPSM. Envoyer le téléphone aux ateliers de réparation de LG (qui n’est autre que SBE), nous aurait coûté le même prix mais avec des frais de port en plus. Le Nexus 5 est aujourd’hui vendu 350 euros, c’est donc encore la moitié du prix. Nous avons tenté de le réparer nous-mêmes et il nous en a coûté moins de 100 euros et un téléphone dans un état… discutable.
  • Motorola Moto X (2013) : on ne saura jamais combien il nous coûtera de le faire réparer. Le SAV de Motorola ne nous a donné aucune indication et nous n’avons eu aucune envie de payer un devis de 27 euros et de payer une réparation qu’on imagine assez salée du fait de l’écran AMOLED du téléphone. Nous n’avons pas réparé le téléphone par nous-mêmes non plus. Mais il faut savoir que c’est possible et que l’on peut trouver un module d’affichage aux environs de 200 euros. Le téléphone vaut entre 300 et 350 euros, on est encore au-dessus de la moitié de son prix de vente.

Qu’en conclure ? D’abord que réparer l’écran d’un smartphone cassé est cher, très cher. Un prix élevé qui s’explique en grande partie par le coût des pièces originales qu’il faut importer et par le coût de la main-d’œuvre, qui n’est pas particulièrement spécialisée. Les constructeurs ont d’ailleurs bien compris que leurs utilisateurs voulaient avant tout que les téléphones soient réparés rapidement et font désormais appel soit à des entreprises implantées localement auxquelles ils donnent leur agrément, soit à un réparateur industriel expérimenté qui sera capable de prendre en charge leurs différentes gammes d’appareils afin de les réparer rapidement mais aussi de leur donner des informations sur les casses les plus fréquentes. Le système est bien rodé, complètement industrialisé et fait l’objet d’un véritable business. Est-ce que pour autant nous payons le juste prix lorsque nous faisons réparer l’écran de notre smartphone ? Difficile à dire en l’état. L’essentiel pour les constructeurs a été mettre en place une solution de prise en charge rapide et efficace, et donc capable de contenter leurs clients, quitte à ce que ces derniers la payent. Le prix à payer, en somme, lorsque nous cassons nos joujoux bourrés de technologie.

Cela ne risque d’ailleurs pas de changer dans les mois et les années à venir. Les constructeurs ont beau intégrer des traitements d’écran et des verres de plus en plus résistants (saphir synthétique, Gorilla Glass), les écrans deviennent de plus en plus fins et intègrent de plus en plus de technologies. Avec la hausse des définitions et des résolutions d’écran, avec des téléphones qui deviennent de plus en plus fins et des téléphones que l’on peut de moins en moins réparer soi-même (allez faire un tour sur iFixit pour vous en convaincre), les constructeurs de téléphones sont amenés à faire de plus en plus appel à des prestataires pour s’occuper de la partie SAV. Seul espoir à l’horizon, que des téléphones modulaires, comme l’utopique Projet ARA de Google par exemple, remplacent peu à peu nos smartphones d’un seul bloc d’aujourd’hui. Autant dire que ce n’est pas demain qu’on changera les pièces de son téléphone comme on change les roues de sa voiture.

Dossier réalisé en collaboration avec Romain Ch.


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