Doro, les personnes âgées et la question de l’interface

 

La semaine dernière, nous étions chez Doro pour découvrir leur nouvelle gamme de produits destinés aux personnes âgées et ce qui nous intéressait particulièrement, c’était bien entendu la suite logicielle pour Android. Mais avant de poursuivre, qui est Doro ? Si vous avez moins de 70 ans, vous ne devriez pas être familiers de la marque et pourtant, elle a vendu l’an passé à peu près 3 millions d’appareils dans le monde et s’étend petit à petit vers de nouveaux marchés. Doro est une entreprise suédoise qui s’est mis en tête d’apporter sur un plateau les nouvelles technologies à ceux pour qui elles ne sont pas pensées : nos ancêtres qui écrivaient des lettres sur du papier et lisaient des livres reliés.

Mais attardons-nous un petit peu sur cette notion d’interface « pour personnes âgées », car évidemment, elle pose problème.  A-t-on, par le passé, créé des objets technologiques « pour les personnes âgées » ? Si l’on prend la télévision par exemple, le principe n’a que très peu changé depuis l’invention de l’engin et on voit souvent des écrans dernier cri chez nos grand-parents. Même chose pour la radio ou la voiture, les plus vieux d’entre nous utilisent à peu de choses près les mêmes objets que les jeunes. Du coup, pourquoi l’informatique subit-elle un traitement de faveur ? Peut-être que la réponse est plus simple qu’on ne le croit : d’un côté, les vieux de nos vieux étaient sûrement tout aussi réticents à adopter les nouvelles technologies de leur temps, de l’autre, il n’y avait peut-être pas d’offre pour les amener à changer leurs habitudes.

Un autre détour important à faire avant d’entrer dans le vif du sujet peut être traduit par la question suivante : pourquoi la technologie a-t-elle besoin de simplification pour répondre à un public particulier ? C’est déjà plus délicat. Si l’on cherchait un paradigme pour l’ergonomie, tel objet ou tel logiciel devrait répondre simplement à tel ou tel besoin. C’est ce que l’on juge quand on parle du caractère intuitif ou non d’une application ou d’un appareil. Malheureusement, la fonction « ergonomie » est inversement proportionnelle à la fonction « possibilités ». Si vous ajoutez des tas d’options, de fonctionnalités, de menus et autres personnalisations, le plus souvent, vous perdez en ergonomie.

C’est pour cela qu’un iPad par exemple peut être utilisé par un gamin de 2 ans et une personne de 80 sans qu’on lui explique ce qu’il faut faire : il suffit, en tout et pour tout, de toucher l’écran. On pourrait ne jamais se soucier des paramètres et iOS se résumerait alors en une succession de petites icônes qui ouvriraient des programmes. La réactivité du système étant sans commune mesure, le couple action à l’écran au doigt/réaction de l’application fonctionne à merveille et on a fait le tour des possibilités de l’OS en à peu près 3 minutes chrono.

Comme nous l’avons dit, cette simplification maximale a pour priorité l’expérience de l’utilisateur : le paradigme est inversé, Apple ne se soucie pas de ce que l’utilisateur voudrait faire, il lui propose des choses à faire le plus simplement possible. Cette idée de l’ergonomie a ses avantages et ses inconvénients, mais laissons-là iOS, c’est d’Android qu’il faut discuter. Et Android, au moins sur tablette, n’est pas un paradigme d’ergonomie. Au contraire, le système est tellement développé qu’il s’approche plus de l’informatique traditionnelle que d’un OS mobile : si l’on regarde Windows 8 ou Bada, on s’aperçoit que, comme sur iOS, le maître mot était aussi « simplification ».

Android : un système d’exploitation à la frontière du mobile et du bureau

Android est un système difficile à appréhender pour l’observateur novice – et a fortiori pour celui qui ne VEUT PAS apprendre. Comme ça, en y réfléchissant vite, on voit au moins une dizaine de notions à assimiler, si l’on ne prend que Android 4.0 : les bureaux, les widgets, les raccourcis, les applications, les fonds d’écran, les paramètres, les différents boutons physiques ou tactiles, le menu par « appui long », le menu par la touche menu ou encore, la synchronisation des comptes Google. Vous ne vous en apercevez peut-être pas car cela fait partie de votre quotidien, mais imaginez faire assimiler tout cela à quelqu’un qui n’a jamais eu de tablette ou de smartphone… un calvaire, surtout quand vous vous rendez compte qu’il n’y a plus de « guide d’utilisation » en papier dans les boîtes.

Comment ça pas de port RJ45 ? Archos, ce n’est plus ce que c’était.

C’est d’autant plus dérangeant que certaines enseignes grand public ont des consignes de vente avec les produits Android et ne fournissent, eux, aucune consigne à leurs clients – j’ai moi-même rencontré des petits vieux qui s’étaient mis dans l’esprit de « se connecter à internet » : ils étaient allés vous savez où, on leur avait vendu une Box Numéricable et une tablette Archos G8, sous Android 2.1. Et c’est tout. Résultat ? Il fallait connecter la box à un PC en RJ45 pour activer le Wi-Fi : ils n’avaient ni PC, ni câble RJ45 et ne savaient même pas ce qu’était le Wi-Fi. Un dépannage facturé plus tard, ils se sont retrouvés sur une tablette complexe, avec un système qui ne lui était pas adapté à l’époque, un écran peu réactif pour des doigts âgés et des menus complètement abscons pour le béotien. Une semaine plus tard, la tablette était dans un placard, l’abonnement Numéricable tournait à vide. Qui avait gagné ? Le vendeur, le FAI. Le petit vieux, lui, avait tout perdu, son argent et sa motivation.

Les mêmes expériences ont dû être faites du côté de la téléphonie et même si la plupart des smartphones du milieu de gamme au haut de gamme n’ont aujourd’hui plus rien à envier à l’iPhone en terme de réactivité, Android n’est toujours pas à la portée des plus âgés. Et pourtant, grâce à son ouverture, Android est paradoxalement aussi le système le plus adapté au troisième âge réticent – précisons, après tout, il existe bien des papis-mamies technologiques.

Doro, pourquoi, comment ?

Doro sur Android, c’est ce que l’on pourrait appeler une « surcouche », car, contrairement aux distributions proposées par les opérateurs, la suite logicielle ne remplace rien. Pour être plus précis, Doro est une « Home alternative », comme Launcher Pro, ADW ou Go Launcher, ce qui permet à l’utilisateur de ne pas avoir à lancer une application pour y accéder : attribuée comme action par défaut à la touche « Home », elle se lance automatiquement.

Du côté du smartphone ou de la tablette Android, la solution proposée par Doro se présente sous la forme de grosses icônes qui, elles, lancent des applications Android. On pousse encore plus loin le paradigme de l’ergonomie que sur iOS puisque les dossiers thématiques sont déjà organisés : l’utilisateur trouvera devant lui plusieurs grands menus, des loisirs aux réseaux sociaux, en passant par les photos ou les utilitaires. Mettez une tablette Android avec Doro dans les mains de n’importe qui, il saura l’utiliser en 2 minutes.

Contrairement à des tas de tablettes Android, tout sera traduit en français

L’idée derrière le système est simple : il faut que l’utilisateur final ne soit plus confronté au système d’exploitation mais à des actions réalisables simplement comme « regarder les photos de mes enfants », « appeler mes amis avec Skype » ou « consulter l’annuaire ». C’est pour cela que Doro a deux faces : la suite logicielle vient avec une application web qui permet de contrôler à distance toute l’interface de la tablette. C’est vous, le fils ou le neveu technophile, qui contrôlez le système de votre grand-mère. Vous ajoutez des photos, vous réglez les paramètres, vous installez des applications.

Du coup, l’objectif est bien atteint : la personne ciblée par l’offre de Doro n’a devant elle qu’un ensemble d’actions qui évoluent en passant un coup de fil à l’admin, le fiston. Un monde idéal pour les deux, puisque de votre côté, vous ne devriez avoir aucun problème pour faire la maintenance des objets technologiques à distance. Doro associé à Android, c’est aussi l’assurance d’avoir un système évolutif puisqu’après l’initiation à la technologie tactile via Doro, libre à vous d’instruire votre Grand-mère ou votre Grand-père pour lui faire faire le grand saut sur l’OS complet.

Economie d’essence garantie

Vous voulez l’acheter tout de suite maintenant ? Il faudra encore patienter, malheureusement. Les logiciels Doro seront disponibles en français dans la deuxième partie de l’année et vendues bien entendu dans les grandes enseignes. Il reste pourtant encore plusieurs choses à faire pour que Doro puisse commercialiser son produit et certains problèmes risquent d’être difficiles à régler.

Barre des tâches et diffusion, ce qu’il reste à faire

D’abord, on en parle souvent sur LesArdoises, et malgré toutes les bonnes raison que vous avez pu nous opposer dans les commentaires, la barre des tâches d’Android toujours apparente sur tablette est un véritable problème. Quand nous avons discuté avec les développeurs et responsables techniques chez Doro, c’est la première chose qu’ils ont mentionné : cette fichue barre des tâches empêche le launcher Doro de s’afficher en plein écran. Résultat, il y a 3 ou 4 petits boutons complètement en désaccord avec la philosophie du système qui font double emploi avec des actions prévues par la surcouche. Leur rêve, comme le nôtre, serait de pouvoir activer un mouvement tactile pour la masquer, dans les options par exemple – ce que proposent déjà les constructeurs chinois sur les tablettes low-cost.

Ensuite, Doro aimerait conclure des partenariats avec les opérateurs pour proposer le logiciel en bundle avec une tablette ou un smartphone et un abonnement. Cela permettrait à la clientèle des « boutiques », typiquement plus âgée, de s’équiper directement et pourquoi pas, de se renseigner auprès d’un vendeur qui aurait été formé spécialement. L’idée est bonne et pourrait éviter la malencontreuse aventure que nous vous racontions un plus tôt.

Bref, on peut conclure ces réflexions ergonomiques à propos de notre système préféré en remarquant que Doro a bien cerné le problème d’Android aujourd’hui et a, dans le même temps, trouvé la seule plateforme qui lui permettait de diffuser ses technologies adaptées aux seniors. Une firme qui pointe du doigt un problème et qui, au lieu de se plaindre de manière stérile, apporte une solution sur mesure, c’est plutôt rare, n’est-ce pas ? De notre côté, nous vous tiendrons informés de la disponibilité des produits Doro pour Android et nous pourrons éventuellement vous proposer un test complet, si bien sûr on arrive à convaincre une grand-mère cobaye !


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