Objets connectés : confort individuel ou encadrement collectif ?

 

1900 milliards de dollars. 1 400 milliards d’euros. 1 599 326 599 fois le SMIC, à peu de chose près. 329 861 111 ans de stage rémunéré, si vous tombez sur les bons employeurs. Bref, cette somme, c’est ce que devrait représenter le marché des objets connectés d’ici 2020. Le cabinet d’étude responsable de la prédiction affirme que 30 milliards de ces objets, intelligents ou pas, seront connectés à Internet à cette date, avec chacun une adresse IP, quand ils n’étaient que 2,5 milliards en 2009. Mais attendez, des objets connectés ? Vous voulez dire, des smartphones, des ordinateurs des tablettes ? C’est plus compliqué que cela.

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Définition complexe

Comme avec chaque concept un brin novateur, on peine d’abord pendant plusieurs années à trouver une définition valable universellement. En 2011, il y a donc presque trois ans maintenant, Google a présenté lors de sa conférence annuelle Google I/O un projet nommé sobrement Android@Home, qui devait lancer le géant sur le secteur de l’Internet des objets. Attendez, attendez, « Internet des objets » ? Ça voudrait dire qu’il y a plusieurs internets ? Voilà un autre souci qu’il faut éclairer. Prenons donc alors une définition large qui peut être complexifiée à loisir : l’internet des objets définit l’ensemble des objets connectés à Internet. Pourquoi en parle-t-on simplement aujourd’hui alors qu’a priori, tous les appareils numériques que nous utilisons depuis 10 ans sont des objets connectés à Internet ? Eh bien voilà toute la subtilité : l’Internet des objets, c’est tout ce qui se connecte à internet alors que, traditionnellement, cela ne devrait pas s’y connecter.

La définition très large prend donc en compte tous vos appareils actuels. Une définition plus resserré exclut tout ce qui entre dans le monde de l’informatique traditionnelle et mobile : un ultrabook ? Non. Une cuillère qui reconnaît ce qui va se trouver dans votre bouche incessamment sous peu et va vous envoyer un relevé calorique, à vous et à votre médecin d’ailleurs, directement en fichier joint dans votre boîte mail ? Check ! Voilà où nous en sommes côté définition, il y a comme souvent les neutres qui considèrent que tout objet connecté à Internet fait partie d’un « Internet des objets », au sens littéral,  et ceux, plus tâtillons, qui préfèrent que l’on ne parle de l’Internet des objets (insistez sur le déterminant pour bien passer en soirée) que lorsqu’ils s’agit d’innovations ayant trait à la domotique, la réalité augmentée, la virtualité augmentée ou encore, la robotique ou l’automatisation géolocalisée d’événements. Bien. Reprenons.

Confort individuel et maison connectée

En 2011 donc, Google, qui n’est pas le dernier des myopes quand il s’agit de flairer des choses qui vont fonctionner sur le marché, a dévoilé son projet Android@Home. L’idée était simple : Android étant un système ouvert et modulable à merci par à peu près n’importe qui sachant un minimum mettre les mains dans le cambouis virtuel du code, le géant a proposé des outils pour faciliter son intégration dans tout et n’importe quoi. L’idée, bien entendu, reste d’arriver à terme à avoir une synergie maximale entre les smartphones et tablettes sous Android et les appareils créés avec le kit de développement. Et au vu du poids du marché à venir, c’est ingénieux de prendre les devants : comme souvent avec ses produits, Google pratique la politique de l’acclimatation forcée de l’utilisateur.

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Il s’agit pour le développeur d’atteindre une masse critique d’usages utiles et d’objets possibles pour que l’utilisateur, in fine, n’ait plus vraiment le choix. Cela s’est très bien vu avec Google +, par exemple, qui est passé en quelques années du statut de produit flop à service incontournable pour utiliser pleinement les applications et sites Google, comme Hangouts, les commentaires du Play Store, les recommandations sur Maps ou encore, ce bon vieux YouTube. Projetez-vous donc en 2020, vous achetez votre nouvelle brosse à dents connectée et bam ! Pour interpréter le fichier qui compare votre temps de brossage à ceux de vos amis, il vous faut le Nexus 12 et un compte Google +. Comme le marché est à construire et qu’il est censé avoir une croissance exponentielle, les premiers seront les mieux servis, surtout s’ils imposent petit à petit des frontières infranchissables.

Mais alors, ça voudrait dire que Google est seul aujourd’hui sur le secteur avec son Android@Home, ses Glass et, dans une mesure plus futuriste, ses Google Cars qui roulent sans conducteur ? Non, pas exactement.

Il n’est même pas besoin de creuser pour trouver qui tente aussi une percée sur le marché de l’Internet des objets : Apple, bien entendu. Et comme souvent avec Apple, ce sont les accessoiristes qui se lancent sur le secteur en exploitant les possibilités d’iOS, du kit de développement, et d’un parc de smartphones et de tablettes compatible plutôt colossal. Ce n’est pas pour rien que lors de la dernière World Wide Developer Conference, grand messe annuelle du géant pommesque qui avait été choisie pour dévoiler iOS 7, une bonne partie du temps de parole de Cook s’était concentrée sur une toute petite start-up américaine : Anki. Mais si, vous vous souvenez, les gars qui faisaient tourner des voitures intelligentes sur un circuit, la rouge étant pas mal buguée d’ailleurs. « Pourquoi insister sur une start-up qui fait des jouets ? » pourriez-vous vous demander, et ce serait légitime. Eh bien il faut savoir que chacune de ces petites voitures calculait plusieurs centaines de décisions par seconde et qu’il s’agissait donc de petites merveilles d’ingénierie, de robotique et d’intelligence artificielle.

Et c’est là qu’on met le doigt sur quelque chose : cette société inconnue du grand public et spécialiste de la robotique et de l’intelligence artificielle a par ailleurs confié à Gizmodo US que la plupart des concepts et algorithmes qu’elle mettait au point étaient vendus au gouvernement américain et plus précisément à la DARPA. Les mecs en avaient marre de la guerre, ils se sont donc dit qu’ils pourraient adapter leurs connaissance à l’électronique grand public. Et Palatucci, l’un des fondateurs de la firme de s’empresser d’ajouter que « chaque voiture a sa personnalité ». Achetez-en plusieurs et vous n’aurez pas les mêmes comportements. Bien entendu, ce n’est que la face visible de l’iceberg dressé sur le chemin du marché des objets connectés : inciter des compagnies à la pointe de la recherche à utiliser les kits de développement qui ne fonctionnent que sur les produits Apple permet de conquérir, comme Google après tout, le marché par le haut. Et il suffit de voir le succès des Philips Hue, vendues presque exclusivement sur l’Apple Store, pour se convaincre que l’assaut a bel et bien commencé.

On retrouve alors les deux faces des concurrents : le locataire de Mountain View s’ouvre à la bidouille, espère que n’importe qui pourra trouver une idée de génie et laisse la masse des développeurs s’intéresser à son produit – il y aura forcément, à terme, une petite merveille dans le lot. De l’autre côté, chez Cupertino, on préfère les produits finis et les solutions clefs en main, et même si Philips a proposé toute une interface paramétrables pour bidouiller jusqu’à plus soif ses ampoules intelligentes, ce que vend Apple, c’est un émetteur Wi-Fi, 3 ampoules qui se logent simplement à la place de celles que vous avez déjà et une application sur l’App Store pour contrôler tout cela. En somme, en 2 branchements et en un téléchargement, vous avez les rudiments de la domotique installés chez vous, le tout, commandé depuis un iPad ou un iPhone. Pas besoin de péter vos murs ou de refaire votre installation électrique : ces produits visent le marché des logements déjà construits — et celui des locataires qui n’ont pas envie de s’embêter avec un procès du proprio’ sur le dos pour avoir transformé le salon en scène de strip-club branchouille dans un immeuble de Blade Runner.

Encadrer la technologie

Cela dit, 1900 milliards de dollars, c’est une grosse somme, et 2020, c’est dans 7 ans. Difficile à imaginer dans une période de crise où la croissance est en berne et où le consumérisme tend à montrer ses limites que cette pile de billets verts sera déboursée par des particuliers. Non, bien entendu, il faut ajouter dans le calcul les investissements massifs des entreprises privées et des États. Si l’on regarde les plans toujours utopiques et souvent farfelus pour l’industrie de notre Montebourg national, et que l’on s’arrête à la page 61 du rapport, on lit que la France dans son esprit aura une grande place sur le marché des objets connectés. Si l’on ajoute cette proposition à d’autres idées que l’on trouve dans le rapport, réalité augmentée, robotique, Big Data ou réseaux électriques intelligents, on peut imaginer, en fait, à quel point les objets connectés peuvent dessiner la ville du futur. Et c’est peut-être là, au fond, que réside leur véritable intérêt pour la collectivité, bien au-delà du confort individuel. L’Internet des objets, c’est surtout la possibilité d’utiliser une technologie globale et maîtrisée, Internet, et de l’adapter à la gestion de la technologie de manière plus générale.

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Nous sommes arrivés depuis quelques années déjà à la conscience pourtant évidente que les ressources du monde étaient finies et qu’une croissance technologique non maîtrisée allait nous plonger dans un futur que l’on n’imagine plus très heureux. Dès lors, au lieu de « couper Internet », détruire les poteaux électriques et brûler toutes les voitures, il peut être utile d’encadrer ces usages pour mieux les maîtriser. Prenez les réseaux électriques intelligents par exemple : grâce à des bornes-relais connectées à Internet et donnant des informations précieuses sur la consommation réelle des habitants et la disponibilité de la ressource, on pourrait faire en sorte que l’électricité soit mieux répartie, plus efficacement acheminée, et finalement, moins gaspillée. Mettez des capteurs mesurant les émissions de CO2, jaugeant la qualité de l’air, estimant la chaleur et comptabilisant le nombre d’accidents sur un réseau routier dans une ville et vous pourrez ajuster en temps réel la signalisation, par exemple, pour déboucher intelligemment les artères les plus embouteillées. Jusqu’à, pourquoi pas, utiliser de simples capteurs de passage, la nuit, qui signaleront à un serveur centralisé d’allumer ou d’éteindre les rues d’un quartier.

Ce réseau d’objets que l’on souhaite intelligent, appelé parfois par les plus déficients en vocabulaire « Web 3.0 », est donc une évolution logique des technologies connectées. Comme souvent dans la course au progrès, nous avons cherché à avancer toujours plus sans bien savoir où les choses allaient nous mener, alternant entre de belles inventions et des gadgets inutiles et dommageables, entrant dans le grand cycle du consumérisme débridé. On fait naître Internet entre les années 1970 et 1980 et le web en 1990, dans les laboratoires du CERN : qu’il ait la trentaine ou la quarantaine en 2020, cela n’a pas d’importance. Non, ce qui compte, c’est d’éviter une crise qui globale qui remettrait en cause toutes nos capacités à utiliser la technologie et les sciences en général de manière saine. Les objets connectés, à l’échelle des collectivités, sont peut-être l’ajout de plus sur le réseau qui manque aujourd’hui à l’appel pour rationaliser notre occupation de l’espace et assainir la manière dont nous habitons le monde. A côté de cela, le confort individuel que pourrait apporter cette nouvelle vague d’objets n’est qu’un flocon dans l’avalanche.

 

 

Quelques exemples

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Philips Hue : un générateur d’ambiance lumineuse avec contrôle total des ampoules depuis un appareil iOS. Réglages précis, facilité d’installation déconcertante.

Parrot Flower Power : pas la main verte ? Surveiller l’état de ses plantes avec un capteur à planter dans la terre, fournissant des relevés quotidiens sur la santé des petites bêtes, c’est possible.

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Whistle : un capteur d’activité pour chiens capable de suivre de près votre meilleur ami en collectant tout en tas de données et en les analysant.

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Goji : une serrure connectée qui remplace vos clés traditionnelles.

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Solepower : une semelle connectée qui recharge votre smartphone tout en collectant des données sur votre activité.

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Fundawear : des sous-vêtements connectés, conçus par Durex, il peut être actionné à distance pour… vibrer.

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Nymi : un bracelet connecté qui utilise votre rythme cardiaque comme signature unique pour vous identifier en lieu et place d’un mot de passe.

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Netatmo : un thermostat connecté pour gérer à distance sa consommation d’énergie. Ce dernier a été designé par le célèbre Starck.

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Sigmo : un assistant de traduction capable de traduire 25 langues à la volée. Le projet est en cours de financement sur IndieGoGo.
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Power Up Toys : has been, les avions en papier ? Pas si vous leur ajoutez une hélice contrôlable avec un smartphone !
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Lockcitron : vous sentiriez-vous plus protégés si à la place de votre clef, vous entriez chez vous grâce à votre smartphone ? Pas sûr, en tout cas c’est possible.

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Cisco, boulevard connecté : expérience intéressante de « rue connectée » à Nice, on attend les résultats à long terme pour voir comment cela influera sur la qualité de la vie.

WeAreData : objets connectés + serveur + Big Data = Big brother. Flippant ? A vous de voir.


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