Ces entreprises qui travaillent avec Donald J. Trump : Le côté obscur de la Silicon Valley

 
Ces derniers jours, on a beaucoup parlé de la réaction de la Silicon Valley face aux mesures anti-immigration de Trump. Des réactions salutaires de la part de Google, Facebook ou AirBnB ont ainsi montré que les géants du web avaient un rôle politique à jouer. Mais on a moins parlé des entreprises qui ne rechignent pas à travailler avec un président très controversé. Que ce soit par opportunisme ou par conviction dans le système Trump, petit tour du côté obscur, dans la galaxie de ces entreprises qui travaillent avec le gouvernement du 45e président des États-Unis

Jour après jour, les actions de Donald Trump divisent et choquent un certain nombre de personnes, dans la Silicon Valley comme ailleurs. Mais une certaine frange des géants du web prend parti. Nous avons décidé de nous arrêter sur quelques cas plutôt emblématiques. Ce n’est bien sûr pas exhaustif et c’est (forcément) très subjectif.

Les convaincus

Dans ce camp, on trouve les entreprises qui sont de longues dates affiliées au parti républicain, ou dont les dirigeants partagent les valeurs de dérégulation des marchés. Cela tombe bien, Trump sait récompenser ses fidèles. On pourrait donc s’attendre à les voir dans les mois prochains prendre une place importante dans la politique numérique de Trump…

 

Dell

L’entreprise de Michael Dell est depuis longtemps une entreprise habituée à concourir dans les contrats fédéraux du gouvernement américain. Premier constructeur mondial au début des années 2000, il avait alors décroché des contrats importants avec différentes institutions fédérales américaines lorsque George W. Bush avait été élu.

L’entreprise était même un temps présentée par le vénérable New York Times comme « la meilleure chance de conserver des emplois industriels aux États-Unis ». Pourtant l’entreprise multipliera les controverses.

On citera la plus importante : Michael Dell avait participé au financement de la campagne de George W. Bush, ce qui ne pose pas de problème. En revanche, l’entreprise sera épinglée dans un rapport du DOI, le Department Of Interior en charge de la surveillance des finances américaines. Selon l’institution, l’entreprise aurait bénéficié de contrats fédéraux remportés en lieu et place de plus petites entreprises. Une piste également évoquée dans des contrats visant à la vente d’équipements pour la reconstruction de l’Irak comme évoquée à l’époque par le New York Times.

Plus récemment, Michael Dell était l’un des premiers PDG reçus par le nouveau président Trump. Au sujet des discussions avec les dirigeants, une mesure qui pourrait fortement intéresser Michael Dell. En effet, Trump envisagerait de tailler dans les régulations (ou protections sociales, c’est selon…) et fournir aux grandes entreprises des réductions d’impôts majeures.

Oracle

Si vous suivez l’actualité de l’entreprise, ou l’actualité Tech en général, vous savez peut-être qu’Oracle n’a pas une très bonne réputation. On se rappellera notamment que l’entreprise, qui a racheté Sun Microsystems, créateur du langage Java à la base d’Android, essaie de récupérer des milliards de dollars auprès de Google au travers de multiples procès depuis plusieurs années.

Ainsi l’entreprise a attaqué Google sur plusieurs motifs, une première fois en 2010, puis une seconde après avoir payé des dommages et intérêts. Devant un nouveau tribunal, Oracle retentera sa chance pour réclamer près de 10 milliards de dollars. Un procès que la firme perdra encore. Elle se verra finalement refuser un 3e procès portant sur Chrome OS, et est maintenant accusée d’avoir maquillé ses comptes.

Ce n’est donc pas un hasard de voir que la firme est surnommée par certains « Le Donald Trump des entreprises » dans les géants du web. De plus, la présidente d’Oracle, Safra Catz a rejoint l’équipe de transition de Trump il y a plusieurs semaines.

Palantir

Le nom de cette entreprise ne vous dit probablement rien. Pourtant, si on évoque Peter Thiel, et plus encore PayPal dont il est le cofondateur, les choses s’éclaircissent rapidement. Peter Thiel est un personnage particulièrement controversé. Après avoir ouvertement fait campagne pour Trump dès l’année dernière, il est récemment devenu le conseiller officiel de Trump dédié à la Silicon Valley.

Mais peut-être que le plus inquiétant réside dans les produits et services de Palantir. Surtout quand on a en tête les récentes mesures de Trump sur l’immigration. Palantir se présente comme un spécialiste du big data. C’est, comme Snapchat, une licorne, une startup valorisée à plusieurs milliards.

La spécialité de Palantir, c’est l’analyse des données. Son premier investisseur, In-Q-Tel, n’est autre que la CIA. Et comme l’explique le journaliste français Olivier Tesquet dans un article dédié, le savoir-faire de l’entreprise pourrait s’avérer crucial pour un futur fichier permettant de répertorier toutes les personnes de confession musulmane. Quelque chose qui a déjà été évoqué, par différents membres de l’administration Trump au cours des dernières semaines.

On ne peut donc que mettre dans la lumière Peter Thiel et Palantir, pour mieux exposer ce qui pourrait être bras droit numérique de Donald Trump, chargé de la sale besogne.

Il est d’ailleurs à noter que Palantir a très récemment passé un juteux contrat avec les services de renseignement français, la DGSI. Cela dit, les grandes institutions publiques françaises ont l’air d’avoir l’habitude des prestataires sans scrupules. On pense notamment à Qosmos, qui a fait la Une il y a quelques mois.

Les opportunistes

Dans ce camp, on trouve les entreprises qui pensent pouvoir trouver un profit à collaborer avec les différentes parties de l’administration Trump. Alors que de plus en plus d’entreprises, notamment de la Silicon Valley, affichent leur dégoût du nouveau gouvernement, certaines entreprises pourraient bénéficier d’une écoute attentive. Afin d’obtenir une régulation qui leur serait favorable par exemple ?

Uber

L’entreprise est habituée à faire la polémique pour son modèle économique, mais pas pour ses positions politiques. Durant la grève des taxis ayant eu lieu à New York ce week-end afin de protester contre le Travel Ban (et donc empêcher l’accès à l’aéroport JFK) l’application affichait des tarifs nettement inférieurs. Une incitation à prendre les Uber qui a été prise comme une insulte et a mené à une campagne autour du hashtag #DeleteUber pour désinstaller l’application.

Une réaction sans doute amplifiée par le fait que le PDG d’Uber a accepté d’être un des conseils de Donald Trump. L’entreprise a eu beau réagir et condamner finalement la mesure du président, les dommages à son image de marque étaient déjà faits. Peut-être que la marche-arrière opérée par Travis Kalanick aidera la population à fermer les yeux sur cette erreur de parcours…

Tesla

Il s’agit ici peut-être de l’entreprise la plus surprenante à voir ici. Mais on peut se poser des questions puisqu’Elon Musk a annoncé le mois dernier qu’il acceptait de conseiller Trump. S’agit-il, comme nos collègues de Numerama l’écrivent, de jouer les pragmatiques ? Musk a en tout cas beaucoup à gagner.

Elon Musk par David Mcnew/AFP/Getty

À l’heure où la bataille sur les véhicules autonomes est toujours plus féroce, la question de la régulation se pose. Pour le moment, la réglementation est en plein débat. Les autorités prennent d’ailleurs les participations de tous les acteurs du domaine très au sérieux. Certains constructeurs décident de ne pas attendre et d’engager leur responsabilité. Musk pense-t-il pouvoir bénéficier d’une réglementation qui lui serait avantageuse ? La question mérite d’être posée.

Musk est même doublement concerné par la présidence de Trump, puisque SpaceX, son autre cheval de bataille compte parmi ses plus gros clients la NASA, et d’autres institutions fédérales. Elon Musk a donc tout intérêt à adopter une position proche du président des États-Unis. Il s’est pourtant défendu sur Twitter en précisant ne pas valider certaines mesures prises par Trump, notamment en termes d’immigration.

Intel

L’air de rien, Intel est peut-être une des entreprises les plus concernées par les mesures anti-immigration de Trump. L’entreprise était, il y a quelques années, un meilleur élève dans le domaine de la diversité que Google notamment. Cependant, les choses ont changé il y a quelque temps. La nomination de Brian Kraznich à la fin de l’année 2013 a eu plusieurs conséquences. On pourrait citer le départ de cadres importants de l’entreprise ou l’abandon des puces mobiles d’Intel l’année dernière.

Mais surtout, Kraznich a fait preuve d’un double discours fortement critiqué récemment. En effet, le PDG d’Intel a soutenu Trump à titre personnel en 2016. Il avait même cherché à organiser une levée de fonds, qu’il avait dû annuler devant un tollé des différents cadres d’Intel. Le voir donc dénoncer le Travel Ban de Trump sur les réseaux sociaux à poussé certains à dénoncer l’hypocrisie de ses propos.

Et maintenant ?

Comme vous pouvez le voir, tout n’est pas rose au pays des géants du web. Loin de là. « À l’heure du choix, chacun est libre », pourrait-on avancer. Et en effet, les entreprises de la Silicon Valley, et plus largement le monde des entreprises liées au web vont devoir faire un choix. Soit rentrer en résistance contre Trump, soit décider de le servir, par idéologie, ou par opportunisme.

N’oublions cependant pas que Google a été cofondé par un immigrant, Sergey Brin, en plus de Larry Page. On peut en dire autant d’Apple, fondé d’une part par le fils d’un émigré syrien, ainsi que le fils d’un émigré polonais. De quoi faire réfléchir un peu, on l’espère.

Pour aller plus loin
« La Silicon Valley n’existerait pas sans l’immigration »


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