La fragmentation sous Android : pourquoi Apple se trompe de comparaison

 
Android souffre d’un problème de fragmentation depuis de nombreuses années. Pourtant, ce problème est bien moins grave qu’il n’y parait au premier abord. Explications.

La WWDC est la conférence d’Apple dédié aux développeurs d’application pour OS X et iOS. C’est l’occasion pour la marque de mettre en avant les avantages à travailler pour son écosystème plutôt que pour celui de Google, à savoir Android. Durant la conférence d’ouverture, Apple n’a pas hésité à appuyer là où ça fait mal en rappelant que si 86 % des appareils sous iOS bénéficiaient de la dernière version en date, seulement 7 % des appareils sous Android bénéficiaient d’Android 7.0 Nougat.

Une statistique très intéressante, mais qu’il convient de remettre en perspective de plusieurs faits, omis volontairement par Apple et qui mettent en lumière des différences de gestion entre Apple et Google.

Les fabricants sont parfois en avance sur Google

Le problème de fragmentation d’Android vient principalement du manque de suivi des mises à jour de la part des fabricants d’appareils. Si les gammes Nexus et Pixel bénéficient de 24 mois de suivi de la part de Google, les autres appareils peuvent soit avoir le droit à moins de mises à jour, soit dans le meilleur des cas attendre plusieurs mois pour y avoir droit.

Il s’agit d’un problème que Google va tenter de résoudre avec Project Treble. Android étant très ouvert, les fabricants ajoutent souvent leurs propres applications et modifient plusieurs parties d’Android, comme le design de l’interface, pour que leurs produits ne ressemblent pas à ceux de la concurrence. Cette personnalisation qui leur demande d’adapter chaque version d’Android ralentit de fait le déploiement des mises à jour.

Samsung n’a pas attendu Google pour proposer le multi fenêtre

Cette personnalisation a pourtant de bons côtés et permet aux fabricants d’implémenter des nouveautés bien avant Google. Les exemples de nouveautés apparus en premier chez les fabricants ne manquent pas. On pourrait citer l’adaptation de l’interface à la première Galaxy Tab de Samsung, la prise en charge des stylets avec le Galaxy Note, ou encore le support des applications fenêtrés dans Touchwiz. On peut également citer le Picture in Picture, l’une des principales nouveautés d’Android O, déjà intégrée par plusieurs marques.

Si un smartphone ou une tablette ne bénéficie pas de la dernière version d’Android en date, il peut toutefois profiter de certaines de ses fonctionnalités qui étaient déjà présentes dans le logiciel du fabricant.

Les développeurs peuvent facilement toucher 90 % du parc

Dans sa comparaison entre iOS et Android, Apple sous-entend que les développeurs ont la vie plus facile sous iOS, car il suffit de cibler la dernière version en date du système pour toucher une large majorité d’utilisateurs, ce qui serait impossible sous Android à cause de la fragmentation.

Bien que ce ne soit pas totalement faux, on peut tempérer fortement l’argumentation d’Apple à ce sujet. Aujourd’hui, le développement d’une application Android permet de se reposer sur les Google Play Services et les bibliothèques de support développé par Google pour proposer les mêmes fonctions sur une très large majorité du parc. Le Material Design apparu avec Android 5.0 Lollipop peut par exemple être utilisé pour des applications disponibles sous Android 4.x.

90 % du parc utilise Android 4.4 KitKat ou plus récent

Aujourd’hui, beaucoup d’applications pourtant à la pointe en termes de fonctionnalités, ne demandent qu’Android 4.4 Kitkat pour fonctionner, ce qui couvre déjà 90 % du parc installés. Ce score atteint 98,6 % si l’application supporte Android 4.1 Jelly Bean ou plus.

Pour autant, tout n’est pas rose sur Android et certaines nouveautés comme Project Butter, Project Volta ou Doze ne sont accessibles que sur les smartphones bénéficiant des dernières mises à jour. De plus la bibliothèque de support, bien que correctement suivi par Google, n’est pas exempte de bugs qui peuvent handicaper le développement de certaines applications.

 

Le manque de mise à jour est un problème de sécurité

Alors qu’iOS n’a connu aucune attaque sérieuse de malware en 10 ans, Android a fait face à de nombreux problèmes de sécurité. C’est ici, et encore aujourd’hui, que le manque de suivi des fabricants pose le plus de problèmes.

Android fait face à un nombre croissant d’attaques

Depuis quelques mois, le problème est pris très au sérieux par Google qui a lancé un programme de mise à jour de sécurité pour Android, indépendant des mises à jour système, pour justement permettre aux fabricants d’assurer un suivi sérieux tout en proposant leur logiciel personnalisé. Par le passé, le géant n’avait pas hésité à abandonner des millions d’utilisateurs avec une version compromise de la WebView, souvent source de failles de sécurité.

Le problème c’est que seulement une poignée de fabricants ont répondu présents et que cela concerne seulement quelques-uns de leurs produits. Résultat, malgré la correction de centaines de failles chaque mois par Google, Android fait régulièrement face à des attaques pouvant compromettre la vie privée des utilisateurs.

 

Moins de mises à jour, mais un meilleur vieillissement ?

Reste à mentionner un élément souvent mis en avant par les utilisateurs de produits Apple lors des dernières mises à jour de leur appareil, les performances en fin de vie.

Si Apple peut se targuer de proposer un très long suivi à ses appareils, deux problèmes surviennent rapidement pour les appareils les plus vieux. D’abord, si les appareils en fin de vie ont bien le droit à la dernière version d’iOS en date, ils n’ont pas le droit à l’ensemble des fonctionnalités. Souvent, il y a d’ailleurs très peu de différences entre deux versions majeures d’iOS pour ces appareils.

Les pics de recherche des termes « iPhone slow » à la sortie de mises à jour iOS

L’autre problème, qui est remonté chaque année par les utilisateurs de vieux appareils, c’est les performances brutes qui ont tendance à décroitre avec des mises à jour d’iOS pensées pour des produits plus véloces et bénéficiant des dernières innovations d’Apple. En cela ne vaudrait-il pas mieux parfois avoir le droit à moins de mise à jour, mais conserver des performances plus honorables ?

Contrairement à Android, Apple ne peut se permettre d’offrir ce choix à ses utilisateurs, car cela créerait une fragmentation beaucoup plus problématique que celle de Google. La marque à la pomme n’a en effet jamais eu besoin d’adapter ses outils de développement pour prendre en compte une fragmentation qui n’existe pas pour eux. L’équivalent de la bibliothèque de support d’Android ou des Google Play Services n’existent donc pas chez Apple, où la grande majorité des appareils bénéficient de la dernière version d’iOS.

 

La fragmentation d’Android est plus complexe qu’il n’y parait

On l’aura compris, derrière une comparaison très simpliste entre la popularité de la dernière version d’Android et celle d’iOS se cache une réalité plus complexe qui illustre les différences entre deux écosystèmes bien différents.

Oui, grâce à la maitrise complète du matériel et du logiciel, Apple est capable de proposer pendant longtemps des mises à jour logicielles sur ses appareils, mais cela peut se faire au prix des performances ou de certaines fonctionnalités.

À l’inverse, l’indéniable fragmentation d’Android a poussé Google à adapter les outils fournis aux développeurs pour homogénéiser les applications entre plusieurs versions du système. Le système d’exploitation au robot vert continue de souffrir d’une mauvaise volonté des fabricants à suivre convenablement les mises à jour et cela pose principalement des problèmes de sécurité.

En revanche du côté des fonctionnalités, un appareil sous Android peut ne pas être à jour, mais tout de même bénéficier des dernières nouveautés technologiques à la mode, notamment grâce à la flexibilité du système qui permet aux fabricants de prendre de l’avance sur Apple et Google.


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