Pour s’épanouir, les smartphones gamers ont besoin de la technologie qui les tuera

 
Cette année 2018 aura été marquée par la tendance des smartphones gamer, ces appareils qui s’attachent à maximiser le potentiel des jeux vidéo sur mobile. Mais en vérité, il leur manque à tous l’allié qui est aussi leur plus grand ennemi : le cloud gaming.

En 2018, on note surtout la tendance globale de l’encoche sur les smartphones. Pourtant, une autre s’est aussi démarquée, bien qu’elle a vraiment été lancée fin 2017 : celle du smartphone pour gamer.

Une fois le premier Razer Phone sorti, de nombreuses marques ont tenté — et tentent toujours — d’imposer leur smartphone fait pour les joueurs. Nubia Red Magic, Xiaomi Black Shark, Asus ROG Phone, voilà quelques exemples pour ne citer qu’eux. Mais cette tendance a en vérité besoin d’un allié de taille qui n’est pas encore tout à fait prêt… et qui signera leur mort.

Les smartphones gamer sont… de bons smartphones

J’ai fait ma spécialité des smartphones gamers cette année, et ai pu tous les avoir en main. Si certains comme le Nubia Red Magic traînent un peu la patte, il faut avouer une chose simple : du Black Shark à l’Asus ROG Phone en passant par le Razer Phone 2, il s’agit de très bons smartphones.

Tous ont droit à un SoC haut de gamme de Qualcomm, reconnu comme le meilleur sur la partie GPU. Tous y couplent de nombreux gigas de RAM, de 6 à 8, voire 10 Go pour le futur Black Shark Helo, nécessaires pour faire tourner les titres les plus gourmands en parallèle du système d’exploitation et des autres applications.

Et tous font bien attention à ce que le smartphone puisse encaisser tout cela sur la durée, avec des systèmes de refroidissement optimisés et de larges batteries. En somme, excepté sur l’expérience photo, les smartphones gamers sont tous… de bons smartphones, in fine.

Le problème est le jeu

Certains même se sont acoquinés avec de nombreux accessoires pour parfaire le tout. Le Xiaomi Black Shark fut le premier avec sa petite manette Bluetooth à clipser sur le côté du smartphone pour lui adjoindre un joystick et des gâchettes, et l’Asus ROG Phone est très certainement celui poussant le concept le plus loin avec un refroidissement actif, une manette et même une coque le transformant en simili-Nintendo DS.

Ils ont cependant tous le même problème : les jeux mobiles. Qu’on croie au potentiel de la plateforme ou non, les jeux mobiles sont limités par le simple fait qu’il n’existe que l’écran tactile comme moyen d’interagir avec eux. Ajouter une manette Bluetooth ne fait que le souligner, puisque la plupart des titres n’ont soit pas un gameplay adapté à ces manettes, soit font tout simplement l’impasse sur la compatibilité puisque trop peu de gens l’utilisent.

Les constructeurs tentent d’outrepasser ce fait en proposant des optimisations logicielles permettant de simuler, par le biais des manettes, une pression tactile, mais ce schéma a énormément de limites. Sur PUBG Mobile par exemple, un joystick fonctionnera à la perfection de la sorte… jusqu’à ce que l’on monte dans un véhicule, où l’interface de contrôle change du tout au tout.

Encore une fois donc, il semble que la limite du jeu sur mobile soit tout simplement… les jeux disponibles sur mobile. Cette année aura marqué le meilleur effort en date pour réussir à outrepasser ces limites, et cet effort fonctionne… en demi-teinte, devenant source d’espoir ou de frustration selon les personnes.

Le cloud-gaming se pose en solution

La solution est presque trop simple : le cloud-gaming. La technologie permettant de lancer un jeu sur un serveur distant et d’interagir avec celui-ci à partir de n’importe quel appareil, comme une console qui n’existerait que sur internet et se brancherait sur n’importe quel écran, est la terre promise dès lors que l’on parle de jeux vidéo en mobilité.

Avec un tel système, les librairies de jeu n’auraient tout simplement plus à s’adapter à la plateforme cible et n’auraient qu’à développer une plateforme commune à tous pour les contrôles des jeux… ce qui est foncièrement déjà le cas pour les titres développés sur PC, PS4, Xbox One et Nintendo Switch. Aujourd’hui, toutes les manettes des consoles ont à peu près le même nombre de touches et les mêmes moyens d’interaction, à l’exception du motion gaming propulsé par Nintendo, mais qui n’est pas adopté par tous les jeux (ou de manière très accessoire).

Les grands de la Tech le savent tout autant que les start-up. En France, on pourra par exemple citer Shadow qui propose d’accéder à une machine Windows surpuissante à partir de n’importe quel ordinateur. Sur console, Sony développe depuis le rachat de Gaikai son service PlayStation Now, disponible sur PC et PS4 actuellement et qui pourrait aller plus loin à l’avenir, quand Microsoft a présenté relativement récemment son service xCloud et Electronic Arts en a fait de même avec son Project Atlas. Même Google s’y met avec le projet Stream, que nous avons pu tester.

La technologie est déjà prête à outrepasser les limites de puissance de nos plus petits appareils…. mais elle l’est relativement trop tôt.

Un frein réseau plus qu’un problème technique

Toutes les technologies en amont sont prêtes. Les serveurs sont assez puissants pour faire tourner les plus grands jeux, et assez intelligents pour séparer leur puissance entre des centaines voire des milliers d’utilisateurs. Les technologies de compression vidéo sont prêtes à s’adapter aux aléas des connexions mobiles pour ne jamais nuire à l’expérience de jeu. La latence de la communication entre serveur distant et appareil a été drastiquement réduite…

Ne reste plus qu’un réseau capable d’encaisser tout cela. Et à ce titre, particulièrement en France, c’est loin d’être le cas. Si la 4G couvre 98 % de la population chez Bouygues et Orange, les disparités entre les zones blanches et les zones très denses sont énormes, et la qualité de la connexion en souffre. En intérieur, il est encore difficile d’avoir une connexion efficace ET stable.

Passons par nos réseaux locaux alors ! Oui, mais la fibre optique est encore loin d’être devenue monnaie courante, et l’ADSL comme la VDSL souffrent d’une grande vétusté qui nuit à la stabilité des connexions. Sans compter le débit, qui reste loin d’être satisfaisant dans la majeure partie des foyers français et ne permettrait pas une expérience satisfaisante malgré toutes les optimisations possibles.

Ce frein réseau est un frein temporaire qui nuit également à l’acceptation de la technologie de cloud-gaming par le plus grand nombre, qui ne se sent pas concerné puisque cela semble accessible uniquement à une catégorie très particulière de la population. Une niche, comme on pourrait la nommer.

Accessibilité maximale

La question du cloud-gaming n’est toutefois pas « est-ce que ? » mais « quand ? », tant la technologie est prête à tout ravager sur son sillage. Il ne lui manque plus que les réseaux, qui évoluent mois après mois, et l’attrait du grand public, intimement lié au premier point, pour devenir l’alternative puis le lieu commun des usages numériques.

Ceci dit, est-ce là un véritable allié des smartphones gamers ? En envoyant les calculs complexes vers des serveurs distants, l’outil n’a tout simplement plus vraiment besoin d’une puissance de calcul élevée sur l’appareil cible : il doit simplement se contenter d’afficher un signal vidéo et d’envoyer les commandes du joueur.

La promesse du cloud-gaming, c’est aussi l’accessibilité sur n’importe quelle plateforme, qu’importe sa puissance… ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour des smartphones vraiment dédiés aux joueurs dans ce contexte.

Smartphone pour gamer 2.0

Pour régler son plus grand problème, le smartphone gamer doit passer par le cloud-gaming quand le cloud-gaming suppose qu’il n’a pas besoin d’un appareil particulier pour fonctionner. Compliqué donc de justifier une nouvelle génération ? Pas le moins du monde, et la génération actuelle en est la preuve.

Le cloud-gaming a besoin d’une interface de contrôle, et la majorité des smartphones gamer disponibles actuellement a prouvé qu’elle pouvait intégrer naturellement une manette à un smartphone de manière optimisée et sans complications. De plus, elle offre la longévité et la qualité d’écran que l’on est en droit de demander.

Et surtout, ce ne sont pas les seules optimisations possibles dans ce contexte d’utilisation. La prochaine vague pourrait très bien s’attarder sur l’optimisation de la latence réseau, ou encore la priorisation des flux de jeu plus que n’importe quels autres. Là encore, ce sont des technologies que l’on peut voir sur certains routeurs dédiés aux joueurs que l’on pourrait tout à fait adapter à un tel cadre.

Ironiquement donc, un véritable smartphone gamer n’aura pas besoin de puissance comme ses amis du marché PC. Il aura besoin d’intelligence.


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