Google Stadia, Microsoft xCloud : le mobile sera un champ de bataille majeur du jeu vidéo

 
Google et son Stadia, Microsoft et le projet xCloud : le futur du jeu vidéo sera, au moins en partie, dans les data centers. Mais alors qu’on se demande si on aura une connexion fibrée assez rapide pour jouer de manière confortable, la dernière annonce de Microsoft nous rappelle qu’une bonne partie de la guerre du cloud gaming se déroulera sur mobile.

Une nouvelle rupture dans le monde du jeu vidéo

L’histoire du jeu vidéo est habituée aux grandes ruptures. Un nouveau challenger entre dans la partie et toutes les cartes sont rebattues. En 1994, Sony jetait un pavé gris dans la mare avec sa PlayStation, au milieu des deux géants Sega et Nintendo. Le premier ne s’en est jamais relevé. En 2001, Microsoft pénétrait dans l’arène avec la première Xbox, et si la firme de Redmond n’a jamais réussi à s’imposer en leader incontesté, elle a créé une présence durable et inattendue. Deux ans auparavant, qui aurait imaginé que Microsoft, l’éditeur de Windows 98 et Office, serait un des trois principaux acteurs du marché des consoles ?

Google avec son offre Stadia entrera peut-être dans l’histoire à son tour. Stadia n’est pas la première solution de jeux en streaming, loin de là. GeForce Now, PlayStation Now ou Shadow sont déjà installés. Mais Stadia est la première promesse d’une plateforme de jeu complètement dématérialisée, une nouvelle console qui ne trône pas dans le salon des joueurs, mais dans les datacenters de Google. C’est un tournant important.

Stadia : les mêmes jeux sur tous les écrans ?

Et effectivement, ça peut tout changer. Parce qu’il n’y a plus de matériel autre que celui de diffusion de l’image. Sur le papier, tout est remis en cause. Le marketing du jeu vidéo tourne encore beaucoup autour de la puissance des appareils haut de gamme. Google promet la même expérience de jeu, jusqu’à une définition 4K et 60 images par seconde, du smartphone au téléviseur en passant par un PC portable ou une tablette, sans GPU dedié. Samsung Galaxy S10 Plus ou petit smartphone Android One : même combat. Et une console ? Qui a besoin d’une console quand un Chromecast et une manette suffisent ?

Cette nouvelle façon de jouer vient remettre les choses à plat. Et après tout, le jeu vidéo demeure une aberration dans la galaxie des divertissements audiovisuels. Est-ce qu’on se soucie de savoir si son lecteur Blu-ray est assez puissant pour exécuter les effets spéciaux du dernier Marvel ? Ou si on a assez de mémoire pour écouter tous les instruments du nouvel album de son artiste préféré ? Le message de Microsoft comme de Google lors de cette GDC est clair : ils veulent aller chercher tous les joueurs. Les fameux « deux milliards ». Une bonne partie de ces joueurs sont sur mobile. Et ça tombe bien : c’est notamment sur mobile que se situe le meilleur potentiel d’évolution pour ces services.

Qui dit jeu vidéo dit interaction, et donc latence. C’est bien beau de pouvoir promettre des titres de qualité supérieure « aux deux consoles les plus puissantes réunies », il faut que la connexion suive. Pour envoyer les images avec un débit suffisant et aussi et surtout pour renvoyer les actions avec un délai minimum. Les joueurs console et PC sont très exigeants sur ce point, comme sur celui de la qualité d’image. Ce sont les audiophiles ou cinéphiles du jeu vidéo.

Mobile et 5G : la masse critique

Ce public donne sans doute raison à Phil Spencer lorsqu’il affirme qu’il y a encore un marché pour les expériences « natives ». Les joueurs les plus exigeants voudront toujours la performance brute, sans le filtre d’un datacenter et d’une compression vidéo. Je n’ai pas de boule de cristal pour prédire quand les consoles et les cartes graphiques à insérer dans son propre PC disparaîtront, mais je ne pense pas que ce soit pour tout de suite, loin de là. Il y a encore des gens (dont moi) qui achètent des CD, des Blu-ray et des vinyles !

En revanche, sur le mobile, on peut atteindre cette masse critique du « good enough ». Celle qui a fait du fichier audio compressé et du flux vidéo bourré d’imperfections la norme. Parce que ça suffit, tant que l’expérience n’est pas gâchée. Google avance ses ambitions avec sa promesse de 4K, voire de 8K, mais une part non négligeable de l’audience de son futur service affichera ses jeux sur un petit écran de 5 ou 6 pouces en Full HD, où les artefacts de compression seront moins visibles. Demandez à un joueur sur Nintendo Switch s’il peste contre la faible définition de son écran. Quand on est dans le jeu, on est dans le jeu.

Le mobile est aussi prometteur sur l’évolution de la connectivité. On parle beaucoup du fossé entre les utilisateurs urbains fibrés et les ruraux bloqués en ADSL. Et c’est important : sur une ligne fixe, la fibre optique semble être franchement recommandée, sinon indispensable. À moyen terme au moins, l’expérience haut de gamme vendue par Stadia ne sera pas pour tout le monde. Mais là où la fibre ne passera peut-être jamais, la 4G passe déjà. Et la 5G, qui promet notamment de réduire nettement la latence en plus d’offrir des débits supérieurs, a plus de chances de se déployer dans les années à venir.

Voilà qui donne du grain à moudre à Microsoft qui semble vraiment mettre l’accent sur le mobile pour son futur xCloud. Sa dernière annonce en la matière détaille les possibilités d’enrichir les jeux Xbox de contrôles tactiles personnalisés. Moins ambitieuse que Stadia, l’approche de Microsoft est assez intéressante par son pragmatisme. Là où Google a tout à faire pour développer son catalogue pour l’instant vide, Microsoft dévoile une Xbox décentralisée, avec des moyens d’ouvrir des jeux existants à un public plus large pour le prix d’un travail non négligeable, mais moins contraignant.

Les consoles ne sont pas encore mortes. Le jeu sur mobile non plus d’ailleurs. Le mobile implique aussi d’être, parfois, déconnecté. La 5G ne passera pas forcément dans tous les métros. En revanche, il est clair que c’est une nouvelle donne qui peut venir bousculer les positions établies.

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