Le secteur du cloud gaming est en pleine expansion. L’échec cuisant de Google Stadia a rebattu les cartes, si bien que le marché reste toujours maintenant naissant. Actuellement, Nvidia (GeForce Now) et Microsoft (Xbox Cloud Gaming) dominent largement le marché, avec des concurrents comme PlayStation assez loin derrière.
Amazon a lancé l’année dernière son service de cloud gaming Luna aux États-Unis. Un an après, c’est au tour de la France et de plusieurs autres pays européens d’avoir accès au service. Déjà bien installé en France culturellement avec son service Prime Video, Amazon va-t-il réussir à devenir l’acteur majeur du jeu vidéo tel qu’il l’a toujours voulu ?
Une offre claire, mais encore faible
Luna étant un service d’Amazon, il reprend le même fonctionnement qu’une plateforme comme Prime Video. Ainsi, vous retrouverez une offre de base intitulée Prime Gaming avec deux jeux qui resteront éternellement (Fortnite et Trackmania) ainsi qu’une poignée de jeux qui pourront varier d’un mois sur l’autre. Il fallait rester simple avec un fiasco comme Google Stadia, qui n’a pas su rendre limpide son modèle économique pour des utilisateurs encore non habitués au cloud gaming.
Au centre de l’offre, on retrouve Luna+, un abonnement à 9,99 euros par mois qui vous donnera accès à 100 jeux. En plus des titres inclus avec Prime Gaming, vous retrouverez une sélection de jeux qui vont du blockbuster triple A au jeu indépendant narratif ou multijoueur. Au lancement, vous pouvez d’ores et déjà jouer à des titres comme Batman Arkham Knight, Control, Resident Evil 2, Devil May Cry 5, mais aussi des titres comme Moving Out, Tetris Effect, Yakuza, Metal Slug X, The Forgotten City ou encore Citizen Sleeper.
Comme dans tout service par abonnement, des jeux arriveront et repartiront selon leur popularité auprès des abonnés, mais aussi selon les licences accordées par les éditeurs. Si on s’attend à ce qu’un service de cloud gaming nous permette de jouer à des jeux gourmands de n’importe où, il est aussi important de proposer d’autres expériences aux joueurs, entre pépites indépendantes et classiques indémodables qui n’auront aucun mal à tourner en cloud.
Enfin, l’offre phare de Luna réside dans l’abonnement Ubisoft+ qui, pour 17,99 euros par mois, vous permet de jouer à une grande partie du catalogue de jeux Ubisoft, à savoir les derniers titres de la saga Assassin’s Creed (dont le dernier en date, Mirage), de Far Cry ou encore Rainbow Six et The Division.
Mais la grande force de ce partenariat entre Amazon Luna et l’éditeur français réside dans la possibilité de synchroniser son compte Ubisoft afin de pouvoir accéder aux jeux de sa bibliothèque gratuitement. Il ne vous sera pas nécessaire d’être abonné Ubisoft+, Luna+ et même Amazon Prime pour jouer à vos jeux Ubisoft en cloud. Cela s’inscrit dans la stratégie globale de l’éditeur qui, comme Bethesda en son temps (Skyrim en premier), veut rendre ses jeux disponibles sur le plus de plateformes possible. On apprécie.
Un service simple d’utilisation
Une fois connecté avec votre compte Amazon Luna, le service fonctionne sur navigateur sur ordinateur et smartphone, les seules applications dédiées se trouvent sur les appareils Amazon (Fire TV, Fire Tablet) ainsi que sur les téléviseurs Samsung et LG. Le constructeur nous a confirmé qu’un navigateur comme Chrome était tout à fait suffisant pour une expérience optimale sur Luna et n’a pas pour projet immédiat de proposer des applications dédiées pour PC ou Mac, comme c’est le cas pour GeForce Now par exemple.
L’interface reste fidèle à l’expérience Amazon, avec vos jeux en cours placés en premier, ainsi que des sélections suggérées au sein de carrousels successifs. Les titres sont classés par genre (rétro, jeux de tir, aventure, etc.), mais aussi par abonnement (Luna+, Ubisoft+, Jackbox Games). Jusque là, rien d’étonnant, vous savez directement à quels jeux vous avez accès via la page Bibliothèque, qui regroupe à la fois ceux qui sont inclus dans votre abonnement ainsi que les jeux que vous possédez via Ubisoft (et bientôt d’autres éditeurs, on l’espère).
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Sur chaque page de jeu, vous retrouverez aussi les diffusions en cours sur Twitch, la plateforme de streaming chapôtée par Amazon. À l’instar de Google Stadia avec YouTube à l’époque, Luna sera un bon moyen pour Amazon de promouvoir Twitch auprès du grand public, surtout qu’il est possible de diffuser n’importe quelle partie du service en quelques clics.
Enfin, il est même possible de jouer à plusieurs à distance dans un même jeu avec la fonctionnalité Luna Couch, semblable à l’option Remote Play Together de Steam. Hyper simple d’utilisation, elle pourra vous permettre de jouer à des jeux comme Moving Out ou Overcooked avec vos amis en quelques clics. Bien pratique.
Une fois en jeu, ça donne quoi ?
Lors de la présentation du service, Amazon nous a affirmé vouloir proposer un service plug & play, sans paramétrage supplémentaire. Un simple réglage de définition est présent dans les options, entre 720p et 1080p et c’est tout. Nous sommes bien loin, encore une fois, du GeForce Now et ses nombreux réglages. Cela a ses avantages et ses inconvénients, mais cela a le mérite de proposer une expérience simplifiée pour les utilisateurs.
À noter que les serveurs d’Amazon tournent sur un GPU Nvidia, le Tesla T4 introduit en 2018. Il s’agit ici de l’équivalent des cartes graphiques RTX 2000, mais pour le calcul et l’IA. Nous sommes donc sur une architecture un brin vieillissante, mais qui est encore très utilisée dans les fermes de serveurs.
Le nerf de la guerre pour les services de cloud gaming réside dans la latence, mais cela dépend évidemment du type de jeu. Nous avons testé quatre jeux différents sur le service : Fortnite, Control, Assassin’s Creed Odyssey et Batman Arkham Knight. Pour certains, il s’agit de versions PC complètes, pour d’autres, de versions offrant moins de paramètres, à l’instar des versions console.
Les jeux se lancent plus ou moins rapidement, surtout si vous êtes abonné Luna+. On a dû quelques fois attendre une ou deux minutes pour un titre Ubisoft par exemple. Et comme il s’agit parfois de la version PC, notamment pour Assassin’s Creed : Odyssey, vous avez ainsi droit à tous les paramètres possibles pour ajuster votre expérience. Mais dans ce cas précis, aller au-delà du réglage Moyen occasionnera systématiquement des saccades.
Dans des titres comme Control ou Batman Arkham Knight, aucun réglage graphique n’est possible, on est donc plus proche de versions consoles ou versions spécialement paramétrées pour le cloud gaming.
L’expérience a été concluante, mais semble pour le moment optimisée pour le jeu solo. Dans Fortnite, chaque début de partie est criblé de chutes de framerate que nous ne retrouvons pas dans les versions natives. Ces performances en dents de scie persistent encore quelques minutes avant de disparaitre, mais restent assez handicapantes dans un jeu aussi compétitif.
Globalement, les jeux les plus gourmands tournent entre 30 et 45 images par seconde, ce qui n’est pas idéal pour une expérience fluide et stable, et surtout bien en deça de ce que peut proposer GeForce Now. Mais encore une fois, nous ne sommes pas sur la même approche du cloud gaming.
En termes de latence, nous avons été agréablement surpris. Si elle est légèrement perceptible sur un jeu comme Fortnite, on ne la ressent que très peu dans un autre comme Assassin’s Creed qui affiche une certaine inertie dans ses animations. Nous avons testé les trois configurations : au clavier et à la souris, avec la manette Luna (dont nous vous reparlerons juste après) et avec une manette DualSense connectée en Bluetooth.
Nous avons cependant été déçus par la qualité du flux sur grand écran, qui rend les textures parfois baveuses avec un certain manque de piqué, même sur une connexion fibre ultra-rapide. Si on peut justifier ce constat en invoquant la définition maximale supportée par le service (1080p), on observe quand même un déficit de qualité d’image à imputer à la compression du service et non à cette seule définition. On est pour le moment assez loin d’une image native et on imagine que la force de frappe des infrastructures Amazon peut proposer bien mieux que ça.
La manette Luna
Tout comme Google Stadia en son temps, Amazon a proposé sa propre manette directement connectée au cloud. Ainsi, la latence s’en trouve théoriquement réduite, car la manette fonctionne en Wi-Fi et ne passe pas votre ordinateur pour valider les inputs.
À noter qu’il est aussi possible d’utiliser d’autres manettes Bluetooth, de chez Sony ou Xbox par exemple. Luna les reconnaitra automatiquement, mais vous ne bénéficierez pas des avantages de latence du Cloud Connect. Nous avons testé les deux cas de figure et le bénéfice est bien là, y compris pour un jeu comme Fortnite, même si nous ne sommes pas encore tout à fait au niveau d’un rendu local.
Le processus de validation passe par l’application mobile Manette Luna. Celle-ci vous demandera tout d’abord d’appairer votre manette comme un appareil Bluetooth et de vous connecter ensuite à votre réseau Wi-Fi. Une fois connectée, la manette sera directement reconnue par Luna quand vous lancerez le service sur n’importe quel support.
En main, la manette Luna nous fait penser à un mélange entre celle de la Xbox Series et de la Nintendo Switch. Les gâchettes notamment sont assez proches de celles de Nintendo alors que les boutons principaux sont à mi-chemin entre les deux. La croix directionnelle est cependant très rigide avec un manque de répondant assez flagrant.
Il n’y a pas d’offres pour le moment, découvrez
Des débuts prometteurs, mais longue sera la route
Amazon Luna se veut un service accessible, beaucoup moins technique à utiliser que GeForce Now et tout aussi simple à appréhender que son propre Prime Video. Les nouveaux utilisateurs ne seront pas perdus, avec une offre claire et une expérience de navigation ultra abordable.
Le catalogue reste encore assez limité pour ce lancement avec une centaine de jeux, dont une poignée d’entre eux réellement intéressants. On sait qu’Amazon est en train de nouer contact avec de nombreux éditeurs pour garnir son offre, on s’attend donc à ce que le catalogue s’étoffe au fur et à mesure. Mais en l’état, il n’est pour l’instant pas compétitif. Le partenariat avec Ubisoft est cependant un vrai plus et permet aux joueurs de jouer gratuitement à leurs jeux Ubisoft dans le cloud pour peu qu’on les ait sur une autre plateforme. Une pratique qu’on aimerait voir se démocratiser.
Techniquement, Amazon Luna s’en sort relativement bien, avec une belle rapidité d’exécution et une latence souvent bonne. La qualité du flux nous a semblé décevante, bien en deçà de ce que peut là aussi proposer GeForce Now. On sent qu’Amazon en a encore sous la pédale, quand on connait la puissance de leur infrastructure AWS, donc on peut là aussi s’attendre à des évolutions dans ce domaine.
Bilan en demi-teinte donc pour ce lancement d’Amazon Luna, qui devrait cependant aider à démocratiser le marché du cloud gaming auprès du grand public grâce à l’aura d’Amazon, mais qui ne nous convainc pour l’instant pas sur l’expérience de jeu et le catalogue. On suivra en tout cas Luna de près !
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