Fire Phone : Amazon a-t-il mis le doigt sur l’ingrédient miracle ?

 
Il était attendu de longue date, ce Fire Phone. Entouré de rumeurs depuis de longs mois, il était initialement pressenti comme un appareil particulièrement bon marché, certains voulant voir dans le futur smartphone un produit gratuit ou presque, et financé par des services Amazon. Pourtant, c’est un autre chemin qu’a emprunté le leader de l’e-commerce, avec un Fire Phone accessible pour le moment aux USA… pour 649 dollars. Un prix équivalent à celui des haut de gamme présentés par les marques classiques du milieu. Un pari risqué ?
Fire Phone

Avant toute chose, le point sur les caractéristiques du Fire Phone d’Amazon. Les déçus de la tendance actuelle du marché, qui multiplie les terminaux de plus de cinq pouces, y trouveront leur compte : Amazon a opté pour une dalle de 4,7 pouces, en définition 720p permettant d’afficher une 3D un peu différente de celle qui avait tenté de percer sur les smartphones voilà maintenant trois ans. À l’intérieur, un SoC Snapdragon 800 couplé à 2 Go de RAM, un stockage généreux démarrant à 32 Go. Le tout pour la bagatelle de 649 dollars. Et avec un système d’exploitation Fire OS (version 3.5.0), soit un fork d’Android dont la réputation n’est plus à faire : il s’agit d’un écosystème fermé et centré autour des services Amazon. Sans accès au Play Store, donc.

ModèleAmazon Fire Phone
VersionFire OS 3.5.0
Écran4,7 pouces
TechnologieIPS LCD
Définition1280 x 720 pixels
Résolution315 ppi
Protection contre les chocs et les rayuresGorilla Glass
SoCQualcomm Snapdragon 800
Nombre de cœur4 (quadri-cœur)
Vitesse du processeur2,2 GHz
Puce graphique (GPU)Adreno 330
Mémoire vive (RAM)2 Go
Mémoire interne (ROM)32 ou 64 Go
Support micro SD-HCNon
Appareil photo– Dorsal : 13 millions de pixels avec flash LED
– Frontal : 2,1 millions de pixels
Wi-FiOui (802.11 a/b/g/n/ac)
BluetoothOui, Bluetooth 4.0
RéseauxGSM 850 / 900 / 1800 / 1900 MHz (2G/3G/)
WCDMA 850 / 900 / 1700 / 1900 / 2100 MHz
LTE 800 / 1700 / 1800 / 1900 / 2100 / 2600 MHz
GPSOui (avec Assisted-GPS)
NFC (Near Field Communication)Oui
CapteursAccéléromètre, Proximité, Luminosité, Orientation
Port micro-USB – HDMIOui (2.0) – Non
Sortie jackOui (mini-jack 3,5 mm)
Tuner FM (Radio)NC
Batterie2400 mAh
Dimensions139,2 × 66,5 × 8,9 mm
Poids160 grammes
Indice DAS/SAR (W/kg)NC
ParticularitéEcran à effet 3D
Prix conseillé649 dollars (désormais 449 dollars)

Si l’on excepte sa technologie d’écran et ses services associés, une première réflexion nous vient à l’esprit : d’un point de vue strictement hardware, le Fire Phone ne joue pas dans la même cour que les haut de gamme des fabricants habituels de téléphones. De fait, la norme actuelle, du moins pour un tarif nu fixé à 650 dollars, tourne autour d’un écran Full HD 1080p (voire QHD, comme chez le LG G3), d’une puce Snapdragon 801 de référence AB (2,3 GHz) ou AC (2,5 GHz) et de 2 à 3 Go de RAM. Sur ce dernier point, Amazon reste dans la moyenne. Mais pour ce qui concerne la puissance brute, le géant du web est loin de faire de l’esbroufe, avec spécifications plus dignes de l’année 2013 que d’un deuxième semestre 2014. Et pourtant, tout cela n’a rien d’un défaut en soi. Il est vrai qu’à l’heure où les résolutions montent jusqu’à plus de 500 pixels par pouces, les 315 ppp du Fire Phone font pâle figure, mais le parti-pris a de quoi séduire. Un peu comme dans la course aux pixels des capteurs photo mobiles, les fabricants de smartphones rivalisent de technologie pour apporter de plus en plus de finesse d’affichage à leurs terminaux. Le débat entourant la capacité de l’œil à discerner les pixels est interminable, mais qu’importe : au lieu de considérer que plus on a de pixels, meilleure est l’expérience, Amazon semble dire à ses clients que c’est plutôt l’adaptabilité de l’affichage, son naturel, et finalement son dynamisme qui en font la qualité. Cela fait penser au virage amorcé, difficilement certes, par HTC lorsqu’il a sorti un appareil photo UltraPixel avec seulement 4 millions de points au compteur. Le résultat est intéressant, et le risque pris, louable.

La 3D signe son retour

Revenons en 2011 : HTC lançait son EVO 3D, et LG proposait un Optimus 3D quelques semaines plus tôt. Des smartphones à l’écran s’appuyant sur la 3D auto-stéréoscopique, c’est-à-dire sur la superposition de deux images que le cerveau se charge de convertir, obtenant ainsi un effet 3D. Cette 3D, chez LG, se retrouvait dans l’interface du téléphone (pas chez HTC), et les appareils faisaient tourner des jeux en trois dimensions. Ils permettaient en outre de capturer photos et vidéos en 3D, à l’heure du boom des écrans de TV 3D. C’était bien avant la 4K, cela fatiguait les yeux et réduisait comme peau de chagrin l’autonomie des smartphones. La réalité des usages a eu raison de l’enthousiasme technique : les smartphones 3D n’ont été qu’un feu de paille en 2011-2012, jusqu’à entièrement disparaître du marché.

Smartphone 3D
A l’époque, Gingerbread régnait en maître…

Plus que dans le recyclage, Amazon donne dans l’adaptation de technologies déjà connues. La 3D revisitée, en langage marmiton, sans le croustillant de la 3D auto-stéréoscopique, mais avec l’effet de profondeur que l’on cherchait tout simplement. Cinq capteurs infrarouges sont situés en façade du Fire Phone, chargés de suivre les mouvements de l’utilisateur. L’idée est d’obtenir un affichage en forme de léger hologramme, par exemple pour changer de point de vue dans une application de cartographie, ou encore dans des jeux. Moins contraignante que la 3D classique, qui nécessite de rester face à l’écran, cette 3D à effet de profondeur, s’adaptera au mouvement du mobinaute, notamment s’il incline son téléphone. Moins de fatigue en vue, et comme il s’agit d’infrarouge, un fonctionnement de nuit est à prévoir.

Fire Phone

Le fonctionnement dynamique est-il réellement un argument de vente pour un tel appareil ? Utile dans des circonstances plutôt restreintes, elle est intéressante pour d’autres usages. Pour ces « one-handed shortcuts », ces gestes à une main, c’est-à-dire des gestures avancés. On peut citer le scroll automatique dans les pages web, l’inclinaison du terminal vers la droite ou la gauche pour afficher des informations contextuelles ou des raccourcis. Faire pivoter l’appareil pourra déclencher l’accès à la barre de réglages rapides et de notifications, et un coup d’œil (peek) pourra afficher des notifications sur l’écran. Plus que la 3D, c’est la combinaison de différents capteurs qui est ici intéressante.

Le commerce avant tout

Amazon ne perd pas le Nord, et ce sont aussi des services qu’il est là pour vendre. D’abord du côté applicatif, puisqu’il revendique depuis quelques jours 240 000 applications dans son propre Appstore, soit un peu moins du quart de ce que propose le Play Store (dont l’écosystème Amazon est, rappelons-le, dépourvu), mais l’ensemble reste très conséquent. L’arrivée d’un smartphone pour l’accompagner devrait d’ailleurs booster son catalogue assez rapidement, si les ventes suivent. Et les premières estimations, très optimistes (Digitimes envisage 2 à 3 millions de smartphones vendus d’ici la fin de l’année), vont dans ce sens. Vendre pour Amazon, ce n’est pas simplement vendre des applications, dont les marges restent faibles malgré les volumes générés. Avec son service Firefly, le Fire Phone sera supposé jouer les Shazam de l’extrême. Il pourra donc reconnaître, selon Jeff Bezos (CEO d’Amazon), la musique, les films et séries TV (avec un catalogue de 240 000 titres) et des produits. On parle ici de livres, de DVD, de CD, de jeux vidéos, de trucs et de machins vendus sur Amazon et vers lesquels le téléphone pourra renvoyer son propriétaire, comme s’il l’utilisait en tant que scanner de codes barres. L’idée est donc de booster autant les ventes de films et musique numériques que d’eBooks (Kindle). À ce titre, Amazon vante d’ailleurs la luminosité de son écran, qui devrait permettre au mobinaute de lire même en plein soleil.

Amazon Fire Phone

En bon commerçant, Amazon mise sur des bonus à la commande. Celui-ci se conjugue sous forme de mémoire illimitée : un accès au Cloud d’Amazon, sans espace maximum, pour toutes les photos capturées avec le Fire Phone (13 mégapixels). Un système de back-up en cloud est également assuré pour tous les contenus Amazon, afin de les retrouver sur une tablette Kindle, par exemple.

La recette du succès ?

Amazon laissera à coup sûr sur leur faim les amateurs de puissance brute. Du moins, ceux qui cherchent les technologies dernier cri puisque, côté écran, SoC ou RAM, le Fire reste dans l’esprit 2013. Toutefois, il prend un virage intéressant vers la course aux usages plus qu’aux performances, avec en bonus, un format 4,7 pouces utilisable à une main. Lorsque l’on pense à cet écran 720p couplé à un Snapdragon 800, on se prend à espérer une excellente autonomie, même si l’on peut s’interroger sur la consommation énergétique des capteurs intégrés à l’appareil et de l’affichage 3D. Sans oublier qu’avant d’avoir testé le Fire Phone en main propre, on reste dubitatif devant l’utilité de l’effet 3D au quotidien. Marchand de génie sur le web, Amazon prend le risque de ne pas jouer sur la course aux performances, mais plutôt sur celle de l’adaptation à l’utilisateur, et surtout celle de la différenciation face à la masse des androphones. De quoi masquer ses ambitions commerciales ? Et de quoi parvenir à faire vendre un smartphone qui, à 650 dollars en 32 Go, et à 750 en 64 Go, côtoie des sommets tarifaires ? Les tablettes Kindle avaient demandé un an de patience au marché international avant de franchir les frontières américaines, et c’est probablement l’année 2015 qui pourra répondre à cette question.


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