Nous en avons déjà parlé : AMD a Intel dans le collimateur. Sur le terrain des processeurs, il est indéniable que l’équipe rouge fait tout en son pouvoir pour voler un maximum de parts de marché à l’équipe bleue, et les progrès de l’intelligence artificielle ne sont que le parfait vent qu’il fallait pour gonfler sa voile.
Sauf qu’AMD n’est pas l’histoire d’une seule rivalité. Du côté des cartes graphiques et du gaming PC, c’est évidemment contre NVIDIA qu’il se dresse depuis quelques années déjà. Mais lors de l’événement Advancing AI 2024, nous avons pu voir que le cœur n’y était plus. Pire encore : ils semblent être les meilleurs amis du monde aujourd’hui.
Quand AMD Instinct griffe, Epyc ronronne
Pourtant, les choses ont bien démarré. L’un des premiers points qu’a abordés AMD est en effet l’arrivée de deux nouveaux APU côté serveur : les MI325X et MI355X respectivement. Ces derniers nous promettent même sur le papier des performances largement supérieures aux H100 de NVIDIA, et de « rester compétitifs » face au fameux Blackwell de ce dernier.
Mais arrivés à la présentation de la nouvelle cinquième génération de CPU pour serveur AMD Epyc 9005 (aussi appelée Turin) le ton a vite changé. Si le processeur en lui-même promet d’être un monstre de puissance, son constructeur fait aussi le serment qu’il sera compatible avec un maximum de plateformes. Pire encore, les logos de NVIDIA et d’AMD trônent fièrement côte à côte alors que l’équipe rouge annonce pouvoir débloquer toujours plus les capacités des derniers monstres des verts.
Et s’il mentionne bien l’existence de nouveaux Instincts à peine annoncés, on sent dans le ton amusé du présentateur que l’entreprise est résignée : NVIDIA a déjà gagné la partie de l’accélération matérielle des calculs de l’IA par les cartes graphiques.
Le nouvel ami a même été sympa, et a fourni un listing de ses GPU les plus optimisés par chacun des nouveaux modèles d’Epyc. De quoi faciliter l’achat pour tous, et une information joyeusement relayée en pleine conférence par AMD.
Et UDNA dans tout ça ?
Qu’à cela ne tienne, nous avons donc tenu à remettre une pièce dans la machine de l’inimitié. À l’IFA de 2024, AMD a plus ou moins confirmé la future fusion de CDNA, sa partie serveur, et RDNA, sa partie consommateur (comprenez : nous les gamers) pour enfin former un tout cohérent sous le nom de UDNA.
Il ne faut pas sous-estimer la force de cette annonce. Lorsqu’en 2019, l’équipe rouge a annoncé séparer ses ingénieurs en deux équipes, elle était loin de se douter qu’il s’agirait de sa plus grande erreur. En créant deux équipes de développement distinctes, l’une dédiée aux serveurs, à l’IA et aux HPC (CDNA), et l’autre dédiée aux gaming (RDNA), l’entreprise ne s’est pas rendu compte sur le champ qu’elle se créait pour elle-même un retard technologique monstrueux.
C’est au cours des années suivantes que la place de l’intelligence artificielle dans les calculs des processeurs graphiques a pris une importance capitale. Aujourd’hui, difficile de parler de gaming sans parler du DLSS de NVIDIA ou du ray-tracing, ou encore de parler rendu 3D sans évoquer CUDA. Autant de technologies qui sont arrivées trop tard, ne sont pas assez évoluées ou sont totalement absentes sur les dernières cartes graphiques Radeon.
Pourquoi ? Parce que les ingénieurs avec ces talents sont de l’autre côté de la barrière, chez CDNA. RDNA s’est focalisé jusqu’au bout sur les calculs de rastérisation, bille en tête, laissant à NVIDIA un boulevard pour optimiser ses solutions et convertir les foules. UDNA, c’est l’espoir d’enfin voir ces deux équipes chez AMD collaborer pour le meilleur, et d’ainsi trouver une nouvelle santé sur le segment des cartes graphiques grand public.
Copains comme cochons
C’est toutefois un autre visage d’AMD que nous avons pu observer au cours de cet Advancing AI 2024. Outre l’alliance évidente avec NVIDIA dans l’annonce d’Epyc 5e génération, notre question posée sur l’arrivée prochaine de UDNA et son possible impact sur le segment Instinct nous a dévoilé le pot aux roses.
« Cette annonce a été faite bien trop tôt » nous jette laconiquement le responsable d’AMD en présence. « Il vaut mieux considérer UDNA comme un projet du labo. »
On comprend à son visage que cette fusion est loin d’être dans le collimateur de la section CDNA d’AMD, la petite chouchou actuellement. Parce que oui, le même homme disait quelques instants plus tôt, pour répondre à une question sur l’éventuelle arrivée de cartes graphiques professionnelles performantes aux côtés d’Instinct : « Vous savez, nous sommes une entreprise. Nous investissons d’abord dans ce qui fera de l’argent », un sourire complice au visage.
L’atmosphère californienne a au moins le grand intérêt de délier les langues sur les intérêts financiers des entreprises. Si le biais d’une conférence dédiée avant tout aux partenaires professionnels de la marque peut jouer sur le ton, il n’empêche que le message est clair.
Si aujourd’hui NVIDIA est le champion des GPU dédiés à l’IA, AMD n’a aucun problème à lui laisser cette part du gâteau tant qu’il lui laisse celle des processeurs. Notre voyage à San Francisco nous aura surtout dévoilé qu’AMD et NVIDIA sont désormais des alliés bien loin de vouloir se quereller.
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