« Au pied du mur » : Angell (vélo électrique) est en cessation de paiement, le patron de la marque nous raconte tout

 
Angell Mobility, la marque de vélos électriques lancée par Marc Simoncini, est en cessation de paiement, une étape juridique qui devrait vraisemblablement mener à une liquidation judiciaire. Quelles en sont les causes ? Quelle suite pour les clients actuels ? Combien le rappel leur a coûté ? Frandroid s’est entretenu avec son CEO, John Mollanger, pour comprendre le pourquoi du comment.
Angell Rapide S
Source : Angell

Un coup de tonnerre dans la filière française du vélo électrique. Angell Mobility, marque de vélos électriques connectés et propulsée par Marc Simoncini – célèbre entrepreneur français derrière Meetic -, est officiellement en cessation de paiement. Une situation aussi triste que bouleversante, qui pourrait laisser 25 employés sur le carreau.

Comment Angell en est arrivée à cette situation ? Quel futur pour la marque et les clients ? Combien le rappel de novembre 2024 a coûté à la marque française ? Autant de questions auxquelles John Mollanger, CEO de l’entreprise, nous a répondu avec transparence, lors d’une entrevue en visioconférence.

« L’histoire débute avec cette casse d’un cadre vélo »

Il convient avant tout de contextualiser en quelques lignes la situation actuelle, pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette déroute. En novembre dernier, Angell Mobility procède à un important rappel de ses vélos électriques de première génération.

VAE Angell Bike
Source : Grégoire Huvelin – Frandroid

« L’histoire débute avec cette casse d’un cadre vélo, qui a créé un accident sans conséquence dramatique pour l’utilisateur. Accident qui a dû nous rapprocher de nos partenaires pour comprendre ce qui se passait sur le plan technique. Il s’agissait d’un élément du cadre. C’est un cadre collé avec des pièces de fonderie et des tubes en aluminium. Il y a eu un affaissement de ce cadre qui s’est désintégré, si on peut dire. Tout s’est désolidarisé », nous remémore John Mollanger.

Et de poursuivre : « On n’a pas été capable avec SEB [le partenaire industriel français d’Angell, ndlr], qui fabrique les cadres, d’extraire une série précise parmi les vélos de première génération. On a choisi assez rapidement de demander à l’ensemble des gens qui roulaient avec d’arrêter de rouler. On parle à peu près de 5000 utilisateurs ».

Aucun accord trouvé

La suite des processus a été évidente pour Angell : soit échanger le vélo des clients concernés, soit les rembourser. En revanche, il était impossible de réparer les modèles touchés. « C’était une pièce structurelle qu’il n’était pas possible de réparer. Nous avions une préférence sur le fait d’échanger le vélo, avec un modèle de seconde génération. Plus qu’un chèque, il leur fallait un autre vélo ».

Mini Angell Bike
Source : Grégoire Huvelin – Frandroid

Naturellement, Angell a entrepris des discussions avec son associé industriel, SEB. Avec une question en suspens : d’où vient la racine du problème ? « Des échanges ont débuté en novembre, et ça s’est intensifié autour de Noël. Mais tout ceci n’a abouti à aucun accord quelqu’il soit. Les raisons sont diverses et variées. Mai la raison principale est la suivante : ni SEB, ni Kickmaker [leur bureau d’études, ndlr] ne considèrent avoir une responsabilité sur la casse des cadres. Et dans cette optique, ils ne souhaitaient pas faire partie de la construction d’une solution ».

John Mollanger ne tourne pas autour du pot. Il nous déclare : « Pour ne rien vous cacher, c’est un tournant majeur. Ce n’était pas quelque chose que l’on avait anticipé. On se trouvait à la croisée des chemins, ou plutôt au pied du mur, et financièrement, ce n’était pas dans nos cordes de devoir gérer ses 5000 vélos rappelés ».

« Cela se chiffre en plusieurs millions d’euros, une somme à deux chiffres »

Faut-il savoir que ce rappel représentait un coût financier gargantuesque pour Angell Mobility. « Cela se chiffre en plusieurs millions d’euros, une somme à deux chiffres ». Faut-il comprendre au moins 10 millions d’euros au bas mot. « La valeur du remplacement des vélos dépassait nos moyens », explique John Mollanger.

Avant que le couperet ne tombe officiellement : « Et donc la mort dans l’âme, et selon toute vraisemblance, on va rentrer dans un calendrier judiciaire : on va à brève échéance devoir déclarer la société en régime de cessation de paiement, on ne peut plus rien vendre ».

Angell Cruiser
Source : Angell

Que signifie concrètement une cessation de paiement ? « C’est une étape vers la liquidation judiciaire, avec une déclaration au tribunal de commerce ». En cas de liquidation, c’est toute une entreprise et ses employés qui seraient licenciés. « Dans ce cas, on procède à un licenciement de l’intégralité des ressources ».

Les ressources sont forcément humaines. « C’est le plus dur, on est 25 à peu près aujourd’hui. Des gens de valeur, qui ont bossé dur, qui ont fait progresser la société. On a un obstacle face auquel on n’est pas de taille », se désole John Mollanger.

Quel sort pour les clients actuels ?

À la genèse d’Angell, se trouve un homme : Marc Simoncini. « Marc a dit qu’il serait prêt à continuer à supporter financièrement Angell, mais pas seul, et surtout pas seul devant des problèmes techniques comme le cadre dont on vient de parler ». Une situation visiblement trop complexe – et compréhensible – pour remettre des billes dans la machine.

À chaque difficulté financière profonde se pose une question légitime : quid des clients actuels ? « Les gens qui ont fait des commandes sont à jour, on va honorer les dernières commandes. Par rapport aux clients qui ont des vélos de première génération, il reste les recours assurantiels. On espère que nos partenaires feront de même. Il existe aussi des recours juridiques pour l’ensemble des consommateurs ».

Mini_Bikes_
Source : Mini et Angell Mobility

Pour les utilisateurs en possession d’un VAE Angell de seconde génération, « les vélos vont continuer de rouler ». Certes, mais pour combien de temps ? Frandroid a naturellement évoqué la problématique suivante : les vélos Angell vont-ils rapidement devenir obsolètes ?

« Si la société disparaît, il est possible que des fonctions connectées ne puissent être maintenues. Les vélos pourront encore être utilisés, car l’OS Angell n’est pas tributaire d’un smartphone. En revanche, je pense que des fonctions connectées comme le log kilométrique, la navigation et l’antivol, ne seraient pas conservés si on en arrivait là ».

Aucun rachat en prévision

Les liquidations judiciaires peuvent parfois mener à des rachats. Mais à l’heure actuelle, « aucune discussion sur un rachat » n’est au programme, nous assure-t-on. « Dans une hypothèse de liquidation, ça peut être une option pour un liquidateur, de venir vendre toutes les parties actives de la société, y compris pour une reprise. Mais on n’en est pas là ».

Et John Mollanger de conclure sur ces quelques mots : « Aujourd’hui, on a un mur devant nous ».


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