L’Apple Vision Pro a été officialisé après des années de rumeurs, mais aussi après des années d’essai de la part de la concurrence. Là où l’iPhone se lançait sur un marché du smartphone où, tout restait à inventer, on ne peut pas en dire autant de celui de la réalité mixte.
Avant l’Apple Vision Pro, il y avait Microsoft Hololens, Google Glass, Google DayDream ou encore le métavers de Mark Zuckerberg. Chacun de ces essais de la part des géants de la tech a rencontré de grandes difficultés dont on peut sans doute tirer des enseignements.
Google Glass : attention à l’appareil photo embarqué
On peut déjà remonter plus d’une dizaine d’années en arrière pour parler du lancement des Google Glass, ou Project Glass, en 2012. À cette époque, le projet est porté par le cofondateur de l’entreprise Sergey Brin qui n’hésite pas à en faire une grande démonstration à la Google I/O à grand renfort de parachutage sur le toit de la conférence. On parle alors de lunettes de réalité augmentée, bien incapables de vous immerger dans un univers virtuel.
Les Google Glass proposaient seulement la capacité d’afficher des informations sur une interface tête haute, par exemple une carte pour votre itinéraire GPS. Elles intégraient aussi un petit appareil photo permettant à tout moment de capturer un moment de vie.
C’est ce choix technologique qui condamnera immédiatement le produit en société : personne ne veut s’assoir à la table de quelqu’un qui peut vous photographier à tout moment sans vous prévenir du coin de l’œil. Les anglophones en profitent pour inventer l’insulte « glasshole » pour les porteurs des lunettes.
En quelques mois, Google diminue le budget puis abandonne son grand projet.
C’est aussi une fonction imaginée par Apple pour son casque et que la firme a même décidé de mettre en avant dans sa conférence. Est-ce qu’en 2023, la société est désormais prête à accepter des porteurs de casque qui peuvent filmer et photographier des moments ? L’idée d’un père de famille avec le casque sur la tête au moment de l’anniversaire de son enfant peut nous interroger sur notre rapport aux moments et la technologie.
Microsoft Hololens : la bonne vision, trop tôt ?
Le domaine de la réalité mixte a aussi été investi par Microsoft pendant les années 2010. En premier lieu avec son casque de réalité augmentée Hololens, lui aussi commercialisé à plus de 3000 dollars, comme l’Apple Vision Pro. Pour Apple, son produit fait du « spatial computing ». Chez Microsoft, on préfère parler d’hologrammes. La promesse dans les deux cas est vraiment très proche, mais la réalisation technologique différente.
Le casque Hololens ne vous occulte pas du monde réel, puisqu’il s’agit d’un casque de réalité augmentée. Il va projeter de la 3D sur des vitres placées devant vos yeux pour mélanger le virtuel avec le réel. Malheureusement, le produit souffre de problèmes de jeunesse comme son champ de vision trop restreint. Il trouve en revanche sa place dans le monde industriel, notamment à partir du Hololens 2 grâce à des applications métiers en temps réel.
Le projet est sans doute aussi victime d’un Microsoft qui se cherche et ne sait pas s’il doit concurrencer frontalement le reste de la tech quand il s’agit du marché grand public. Ainsi, les démonstrations de Hololens se feront avec le jeu Minecraft, même à l’E3, mais sans vraiment aller jusqu’à une commercialisation du casque à un prix plus accessible. Les contraintes de fabrication du casque Hololens semblent aussi s’être révélées être une impasse pour diminuer ce coût.
Microsoft a tenté de recycler ses idées avec une gamme de casques de réalité virtuelle construits par ses partenaires à petit prix. Ils ont été presque aussitôt abandonnés par la firme qui a depuis licencié une grande partie des équipes travaillant sur ces projets.
Apple semble avoir eu la sagesse d’attendre des améliorations techniques pour être en mesure de proposer un casque faisant réellement de la réalité mixte : c’est-à-dire une projection du monde réel dans un casque de réalité virtuelle pour pouvoir mixer les deux univers.
La firme de Cupertino parait aussi s’être inspirée des modes d’interaction mis au point par Microsoft. Le casque Vision Pro, comme Hololens, se contrôle au doigt et au pincement, avec une interface virtuelle qui tombe sous le regard.
Meta : changer le nom de l’entreprise ne suffit pas
Meta est, comme son nom l’indique, l’entreprise parmi les géants de la tech qui a sans doute fait le plus grand pari sur ce marché. La firme a racheté Oculus dès 2014, l’un des premiers acteurs de la réalité virtuelle moderne. Avec la crise du Covid, Facebook a transformé le nom de la société en Meta pour acter que le futur serait pour elle dans un monde virtuel.
Malgré les grands effets d’annonces, jusqu’à la présentation surprise (et en urgence ?) de son Meta Quest 3 quelques jours avant la conférence d’Apple, la vision de Mark Zuckerberg ne semble pas convaincre. Pour envahir le marché, l’homme d’affaires a axé sa stratégie sur la réalité virtuelle, avec les productions Oculus Studio, et sur l’arrivée progressive de la réalité mixte comme expérience sociale.
Dans sa présentation, Apple n’évoque à aucun moment des jeux en réalité virtuelle, en se contentant de parler d’une disponibilité d’Apple Arcade pour jouer à des jeux sur un écran virtuel en deux dimensions. La firme de Cupertino reprend en revanche l’une des bonnes idées du Meta Quest Pro : l’idée de se servir d’un casque de réalité mixte pour travailler en projetant des écrans virtuels géants, impossibles sur un petit PC portable.
Apple reprend aussi la dimension sociale voulue par Meta à travers la démonstration de FaceTime. Mais les deux entreprises font une grande différence dans leur vision. D’un côté, Meta entrevoit un futur où vous pourriez avoir un avatar en 3D dans un univers virtuel à l’instar de votre personnage dans un MMORPG. De l’autre, Apple se restreint à l’idée d’une conversation FaceTime : vos interlocuteurs sont en 2D, et vous êtes représenté sur leur écran à l’aide d’un avatar virtuel.
Contrairement à Google et Microsoft, Meta n’a pas jeté l’éponge du métavers, même si la firme semble réorienter certaines ressources vers l’intelligence artificielle. Dans les années à venir, Apple et Meta pourraient donc affronter leurs visions à travers des appareils à la pointe de la technologie.
C’est aussi là une difficulté pour Apple. Lorsqu’elle est entrée sur d’autres marchés, Apple pouvait profiter des errements de la concurrence, notamment quand cette dernière était en situation dominante et peu dynamique. Dans le cas de la réalité mixte, on ne peut pas dire que l’entreprise de Mark Zuckerberg se tourne les pouces. Les laboratoires de Meta travaillent d’arrache-pied à relever les défis techniques pour toujours diminuer la taille de ces casques et créer des environnements virtuels de plus en plus réalistes.
Un marché déjà éprouvé
Contrairement aux marchés du smartphone, de la tablette ou de la montre connectée, Apple rentre ici sur un marché déjà éprouvé par les géants de la tech. C’est ce qui peut interloquer un grand nombre d’observateurs : la firme de Cupertino peut-elle réussir avec un casque à 3500 dollars là où tous ses concurrents directs se sont cassé les dents ?
Apple a pour elle la puissance de son image de marque qui force l’intégralité de l’industrie à s’arrêter pour regarder ses conférences et noter la vision du fabricant. Reste désormais à concrétiser cette vision avec le lancement d’un produit, convaincre les développeurs de s’en emparer et tracer la route pour un futur à côté du Mac et de l’iPhone.
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