La Commission européenne a rendu ses premières conclusions : avec le fonctionnement de son App Store tel qu’il est aujourd’hui, Apple enfreint le Digital Markets Act. La firme peut désormais se défendre, mais se lance apparemment dans une guerre de pression avec le régulateur européen. Si les conclusions se confirme, Apple pourrait se voir infliger de très lourdes amendes.
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Trois mois après l’ouverture de son enquête, la Commission européenne en a publié les premières conclusions préliminaires. Elles sont sans appel, Apple ne respecte pas le Digital Markets Act : « Il s’agit des nombreuses façons dont leurs nouvelles conditions ne respectent pas les exigences de la DMA en ce qui concerne l’orientation des utilisateurs vers des options autres que l’Apple App Store. En l’état, nous pensons que ces nouvelles conditions ne permettent pas aux développeurs d’applications de communiquer librement avec leurs utilisateurs finaux et de conclure des contrats avec eux. » Il s’agit là, pour le régulateur, d’une infraction au paragraphe 4 de l’article 5 de la loi.
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Dans un communiqué de presse publié par la Commission européenne, cette dernière indique que les conditions commerciales actuelles ne permettent pas aux développeurs d’informer leurs clients des possibilités en dehors de l’App Store. Ils ne peuvent fournir des informations sur les prix plus intéressants en dehors de la boutique d’Apple, sauf via un lien vers une page web.
Attention toutefois : si la Commission informe Apple dans cet avis préliminaire que l’entreprise a enfreint le Digital Markets Act, cela ne signifie pas que l’enquête déterminera à terme que c’est effectivement le cas. Le régulateur européen laisse la main à Apple qui peut se défendre en examinant ces conclusions de la Commission.
La Commission met également en cause le « Core Technology Fee », une redevance que doivent payer à Apple les développeurs qui veulent proposer leurs applications ou magasins d’applications en dehors de l’App Store, et ce, pour chaque téléchargement. Là-dessus, elle estime que si Apple peut percevoir des revenus pour faciliter ces téléchargements, « les frais facturés par Apple vont au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour une telle rémunération. » La Commission doit adopter une décision finale 12 mois après l’ouverture de cette procédure : rendez-vous est pris au plus tard le 25 mars 2025.
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Rappelons par ailleurs que les régulateurs nationaux et les diverses autorités de la concurrence des pays membres de l’UE peuvent aussi ouvrir des enquêtes pour non-respect du DMA. Par ailleurs, d’autres enquêtes sont en cours par rapport au Digital Markets Act.
Quelle sanction possible contre Apple ?
Si l’infraction est finalement constatée, la Commission européenne pourrait infliger une amende pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial d’Apple. Et en cas que récidive, cela pourrait monter jusqu’à 20%.
En 2022, le chiffre d’affaires d’Apple était au total de 394,3 milliards de dollars, soit 367,7 milliards d’euros selon le cours actuel. Ainsi, Apple pourrait devoir payer jusqu’à 36,7 milliards d’euros d’amende si la Commission européenne juge que c’est nécessaire. En vérité, le montant de l’amende, si amende il y a, devrait être bien moins élevé. Autre sanction : le respect du Digital Markets Act par Apple, naturellement.
Une nouvelle enquête ouverte par l’UE contre Apple
C’est la vice-présidente de la Commission européenne Margrethe Vestager qui a annoncé lors d’une conférence ouvrir un nouveau dossier de non-conformité avec le Digital Markets Act. C’est le sixième depuis l’entrée en vigueur de la loi en mars dernier et c’est le deuxième à l’encontre d’Apple. Il se porte sur « les conditions commerciales qu’Apple impose aux développeurs d’applications qui souhaitent atteindre les utilisateurs finaux sur la plateforme iOS. »
La Commission européenne met en avant le fait que les règles dictées par Apple sont obligatoires pour les développeurs, s’ils veulent lancer leur magasin d’applications alternatif ou permettre le téléchargement depuis un site web. Elle met également en cause « le parcours complexe des utilisateurs qui souhaitent télécharger et installer » ces applications. Ce que va donc étudier la Commission, c’est le nouveau modèle commercial : elle suspecte qu’il soit conçu « de manière à décourager les développeurs d’applications et les utilisateurs finaux de tirer parti des possibilités que leur offre le DMA. »
La Commission va étudier « si Apple a démontré que la structure tarifaire qu’elle a imposée dans le cadre des nouvelles conditions commerciales, et en particulier la Core Technology Fee, est effectivement conforme au DMA. » Aussi, elle dit vouloir enquêter sur les conditions d’éligibilité des développeurs concernant la possibilité de distribuer magasins d’applications et applications sur le web sur iPhone. Enfin, en parallèle de cette enquête, la Commission va investiguer sur comment Apple vérifie et valide les applications et magasins qui ne sont pas distribués sur l’App Store et comment/pourquoi elle en invalide certains.
Comment Apple tente de faire pression sur l’UE avec… vous
Apple n’est évidemment pas d’accord avec l’Union européenne : c’est dans l’intérêt financier et réputationnel de l’entreprise que de continuer dans cette voie. D’ailleurs, Apple tenterait peut-être de faire pression sur l’Union européenne en bloquant certaines nouvelles fonctionnalités d’iOS 18 et de macOS Sequoia. En effet, Apple Intelligence, SharePlay Screen Mirroring et iPhone Mirroring ne seront pas disponibles dans l’Union européenne. Dans un communiqué envoyé à Numerama, Apple cite « des incertitudes réglementaires engendrées par le Digital Markets Act (DMA) », sans pour autant préciser lesquelles. On peut néanmoins penser qu’Apple Intelligence représente au sein de l’UE un défi technique et juridique : cet ensemble de fonctions doit se conformer au RPGD, au DSA, au DMA ainsi que prochainement à l’AI Act. En effet, Apple Intelligence doit avoir accès à beaucoup de données, doit pouvoir les traiter, qui plus est avec des prestataires extérieurs, sans que les utilisateurs puissent choisir lesquels.
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Pourtant, lors de sa WWDC 2024, Apple n’a jamais indiqué que ces fonctions n’arriveront pas au sein de l’Union européenne. Au contraire : la société disait vouloir les lancer partout dans le monde, sans jamais mentionner la contrainte que représente le DMA. D’ailleurs, du code informatique dans la bêta 1 de macOS Sequoia faisait référence à des géorestrictions.
Ce qui est possible, c’est qu’Apple tente de faire pression sur l’Union européenne en faisant croire dans un premier temps à ses clients que des nouvelles fonctionnalités arriveront sur leurs appareils… avant de leur dire qu’à cause de l’UE et du DMA, elle n’en sera pas capable. D’ailleurs, si iOS doit respecter des règles assez strictes, en étant considéré comme un gatekeeper (ou « contrôleur d’accès »), ce n’est pas le cas de macOS, qui a des restrictions plus souples. À l’entrée en vigueur du DMA, Apple avait communiqué sur des utilisateurs mécontents de cette nouvelle législation.
Quant les concurrents d’Apple, notamment spécialisés dans l’intelligence artificielle, ne mettent en place que des déploiements différés pour l’Union européenne, Apple va plus loin avec ces restrictions géographiques ciblées. Autre souci : le Japon pourrait aussi forcer Apple à autoriser les applications tierces sur les iPhone.
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