De Fortnite à la Chine, Apple passe un sale été

Vivement l'hiver !

 
Entaché par diverses polémiques et inquiétudes, le mois d’août d’Apple n’a pas été des plus joyeux. Faisons le point sur l’été compliqué de la pomme.
Le mauvais été d'Apple
Le mois d’août 2020 d’Apple n’a pas été très réjouissant // Source : Frandroid

Farniente. C’est le mot assez bourgeois qu’utiliseront sans doute encore plusieurs personnes pour décrire leurs vacances d’été agréablement oisives. Vous ne trouverez toutefois pas de terme plus erroné pour décrire l’actualité d’Apple de ces dernières semaines.

La pomme a essuyé de multiples critiques sur sa politique de gestion de l’App Store dernièrement et, pour ne rien arranger à la situation, elle se retrouve engluée plus intensément dans le conflit économico-politique entre les États-Unis et la Chine. Votre mois d’août a été plombé par la crise sanitaire et la canicule ? Celui d’Apple l’a été par des polémiques qu’il aurait volontiers évitées. Récit d’un été pourri.

Embrouille avec Microsoft et Xbox

S’embrouiller avec une grosse firme n’est jamais synonyme de tranquillité. Or, Apple s’est un peu accroché avec Microsoft et sa division Xbox au sujet du service de cloud gaming Game Pass interdit de rejoindre les rangs de l’App Store.

En effet, la firme de Cupertino estime que comme elle ne peut pas vérifier un par un les contenus interactifs téléchargeables que compte proposer l’application Xbox Game Pass, celle-ci ne peut pas être autorisée dans sa boutique — alors qu’elle fonctionne sans souci sur le Play Store de Google.

Apple ne s’est jamais caché de vouloir contrôler tous les aspects de l’App Store pour en assurer la parfaite sécurité. Nous verrons juste après que cette position est contestée par certains développeurs, mais dans ce cas précis, c’est Microsoft qui s’en est vivement agacé au travers d’une critique acerbe à l’égard de la pomme. Le géant de Redmond reproche à celui de Cupertino de discriminer les applications de gaming en ne les traitant pas de manière équitable.

Microsoft sera par la suite soutenu par les responsables de Facebook Gaming qui regrettent de devoir offrir une expérience moins bonne sur iOS que sur Android. On imagine qu’Apple se serait bien passé de ces dissensions avec le F et le M de « GAFAM », mais le vrai bad buzz n’était pas encore arrivé.

Fortnite : épique guerre contre Epic Games

Dans la foulée, Apple a dû faire face à un autre ennemi de taille : Epic Games. L’éditeur de Fortnite — le jeu le plus populaire sur mobile — a en effet lancé une grosse guerre marketing contre la pomme et cette dernière ne s’est pas laissée faire.

Résumons brièvement l’affaire. Pour avoir délibérément enfreint les règles de l’App Store — en proposant un modèle de paiement in-app alternatif à celui d’Apple afin d’éviter les 30 % de commission –, Fortnite a été banni de l’App Store. En réaction, Epic Games s’est empressé de poursuivre en justice la firme de Cupertino pour abus de position dominante tout en diffusant une vaste campagne de communication anti-Apple.

D’autres entreprises ont rapidement joint leurs voix mécontentes à celle d’Epic Games pour inciter Apple à donner plus de liberté aux développeurs en lâchant du lest sur son magasin d’applications et en réduisant les 30 % de commission qu’il touche dessus sur chaque achat. Pour tout savoir, le bannissement de Fortnite de l’App Store (et du Play Store), n’hésitez pas à consulter notre dossier dédié au sujet.

Apple se retrouve ainsi sous le feu de nombreuses critiques mettant en cause un système qu’il a instauré il y a plusieurs années. Le géant ne compte toutefois pas se laisser ébranler et, plutôt que de plier devant Epic Games, il lui a infligé une sanction beaucoup plus lourde en lui retirant ses accès de développeurs à iOS et macOS.

Conséquence : même le moteur Unreal Engine, utilisé par d’autres développeurs, deviendrait inexploitable sur les plateformes d’Apple. Ce dernier demande ainsi à Epic Games de rentrer dans le rang pour que tout rentre dans l’ordre, mais le conflit ne semble que débuter, aussi bien sur le plan de la communication que sur celui des tribunaux.

L’Europe sur le dos

On l’a dit, Epic Games accuse Apple d’abuser de sa position dominante. Dans sa plainte, l’éditeur de Fortnite évoque d’ailleurs une autre affaire pour appuyer ses propos : une enquête de la Commission européenne sur des pratiques anticoncurrentielles supposées sur Apple Pay et l’App Store.

Spotify sur iOS
Spotify est l’un des détracteurs de la politique d’Apple sur l’App Store // Source : Spotify

 

Or, ladite enquête a été ouverte en juin et laissait donc déjà entrevoir un été bien complexe à gérer pour le service juridique d’Apple. La multinationale se voit ainsi attaquée sur plusieurs fronts. Précisons aussi que la Commission européenne s’est saisie de cette affaire suite à une plainte de Spotify. Spotify qui est justement l’un des premiers à avoir clamé son soutien à Epic Games. La boucle est bouclée.

La bataille sino-américaine

Avec ces polémiques sur les bras, Apple avait déjà fort à faire pour tenter de négocier avec les entreprises qui la critiquent et peut-être essayer de soigner son image auprès du grand public et des développeurs. Or, voilà que même la politique vient jeter une ombre sur son été déjà bien pénible. Plus précisément, les activités du groupe en Chine sont grandement compromises.

Dommage collatéral des États-Unis

L’embargo américain contre Huawei met déjà beaucoup de plomb dans l’aile des relations diplomatiques entre Washington et Beijing. Or, le président Donald Trump a remis de l’huile sur le feu en bannissant les applications TikTok et WeChat des États-Unis. Il leur reproche une collecte de données trop intrusive pour le compte de la Chine.

Donald Trump
Donald Trump // Source : Official White House Photo, Shealah Craighead

Quel rapport avec Apple ? L’administration Trump compte notamment interdire les deux applications d’être proposées sur le Play Store et l’App Store. Or, cela pourrait avoir de lourdes retombées sur la présence de la pomme dans l’Empire du Milieu. Les utilisateurs chinois sur Android se passent déjà du Play Store et peuvent facilement télécharger des applications sur cet OS, mais celles et ceux qui ont des iPhone ne pourront pas installer TikTok ou WeChat.

C’est problématique, surtout pour WeChat qui est une application ultra présente dans le quotidien des personnes habitant en Chine, car elle sert de messagerie, de service de paiement, de lecteur de QR code, de portail e-commerce, de réseau social, etc. Ainsi, 95 % des utilisateurs chinois préfèreraient se séparer de leur iPhone plutôt que de WeChat.

Un constat qui n’augure rien de bon pour les ventes d’Apple en Chine. En voulant frapper la Chine, les États-Unis feront donc mal à leur champion de la tech, mais les dégâts ne s’arrêteraient pas là.

Cible de la Chine

Remontée contre les velléités de bannissement affichées par les États-Unis, la Chine ne compte pas rester les bras croisés. Le régime avait promis de représailles et il a déjà commencé à mettre en pratique ses menaces.

En effet, les autorités chinoises auraient commencé à s’attaquer à certains passe-droits négociés par Apple pour pouvoir mener ses activités dans le pays. L’App Store semble particulièrement dans le collimateur. En effet, Beijing aimerait forcer la main à la firme de Cupertino pour que la version chinoise du magasin d’applications passe sous le contrôle majoritaire d’une entreprise nationale comme le prévoit la loi.

On a ici les États-Unis dans le rôle du marteau, la Chine dans celui de l’enclume et Apple entre les deux

Une initiative qui aura beaucoup de mal à être acceptée par Apple. En outre, 47 000 jeux ont déjà été supprimés de force de l’App Store — car leur disponibilité reposait aussi sur un flou juridique toléré jusqu’ici.

En d’autres termes, on a ici les États-Unis dans le rôle du marteau, la Chine dans celui de l’enclume et Apple entre les deux. Au moment où nous publions cet article, il reste encore quelques jours avant la fin du mois d’août, mais le géant de Cupertino doit déjà avoir hâte de passer à septembre.

L’arc-en-ciel dans la pluie

Un temps pluvieux n’est pas forcément synonyme de grisaille, à travers les nuages le soleil peut créer un arc-en-ciel. Cette métaphore maladroite vise à rappeler que malgré l’été peu réjouissant d’Apple, dans l’ensemble, le groupe se porte on ne peut mieux financièrement.

Tim Cook
Tim Cook, le patron d’Apple

Le géant est capitalisé à 2000 milliards de dollars, autant dire qu’il n’y a pas le feu dans le verger d’Apple. Nous avons beaucoup parlé d’affaires juridiques ici, mais dans le courant de l’été, les avocats de l’entreprise ont aussi réussi lui éviter une amende 13 milliards de dollars en Europe.

Les difficultés se sont donc un peu enchaînées pendant l’été pour Apple, mais sur le papier, la firme peut encore trouver quelques ressources pour se la jouer farniente.


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