Bowers & Wilkins, un nom qui sonne très bien aux oreilles des plus mélomanes. Depuis plus de 50 ans, la marque britannique fait le bonheur des puristes du son avec ses imposantes enceintes au design si particulier, avec cet élancé tweeter au-dessus, séparé du reste pour que les aigus, les médiums et les graves ne se perturbent pas.
Qu’est-ce qui fait tant la renommée de la marque haut de gamme, aux produits certes de qualité, mais loin d’être abordables pour tous ? Nous avons traversé la Manche pour aller fureter dans les coulisses du spécialiste.
U2, Beyoncé et même Star Wars lui disent merci
En pénétrant dans les lieux, on s’attend à voir des chaînes de production interminables occupant le moindre recoin de l’entrepôt. Des coques d’enceintes passant au-dessus de nos têtes, des robots assemblant les pièces ou donnant un coup de peinture déci-delà pour peaufiner l’objet avant de poser le massif appareil dans son carton, de l’emballer et de l’expédier vers son heureux (et aisé) propriétaire. Il n’en est rien ou presque.
Ici, les hommes sont encore plus nombreux que les robots et la fabrication manuelle occupe une très grande partie de la conception d’enceintes aussi pures d’un point de vue sonore qu’onéreuses sur la facture. Bienvenue à Worthing, près de Brighton dans le sud de l’Angleterre, au sein de l’usine Bowers & Wilkins où sont fabriquées les nouvelles enceintes de la série 800 Diamond 4 dévoilées en septembre, le nec plus ultra du fabricant britannique.
Des modèles ultra haut de gamme, qui chiffrent à quelques milliers d’euros la paire et que l’on retrouve notamment dans les plus prestigieux studios d’enregistrement à travers le monde comme ceux d’Abbey Road où sont passés les Beatles, U2 ou encore les Rolling Stones et Beyoncé, ceux de Sony Music ou encore de Lucas Films. De très nombreuses musiques de film qui sont arrivées à vos oreilles ont été mixées, masterisées et testées sur des modèles 801 de Bowers & Wilkins.
Des enceintes toujours made in England et à la main
Qu’ont-elles de particulier ? Une technologie acoustique inédite conçue avec la volonté « que le son sonne toujours comme l’artiste l’a voulu et pas comme une enceinte. Et ce, avec toutes les musiques et dans toutes formes de pièce », explique à Frandroid Andy Kerr, directeur produit de la marque. Pour Bowers & Wilkins, la musique s’écoute sans coloration ni distorsion. « Vous devez avoir la sensation d’écouter une performance en direct, distinguer chaque détail, en oubliant qu’il y a une enceinte. » Et c’est le même credo de l’entreprise depuis 1966 et la naissance de la marque, alors petit magasin d’électronique à Worthing.
À l’arrière du magasin, John Bowers a assemblé ses premières enceintes. « Il ne trouvait pas l’enceinte parfaite selon ses goûts. Alors il a décidé de concevoir la sienne », explique François Pheulpin, responsable marketing de B&W. Elles trouveront rapidement preneur et une riche habitante lui léguera même tout son héritage à condition qu’il continue de faire des enceintes de qualité. Une volonté honorée et l’un de piliers de l’entreprise verra ainsi le jour : un fort accent mis sur la Recherche et Développement, ainsi que sur la garantie de la qualité audio à chaque étape de la conception.
« La R&D a toujours été tenue à l’écart de l’usine, non loin pour autant. Bowers ne voulait pas que les ingénieurs soient perturbés par le bruit et la production », ajoute-t-il. « Les équipes qui travaillent sur tous les produits de la marque ont grossi au fil du temps, dans le même bâtiment qui ne pouvait accueillir qu’une trentaine d’employés et ils y étaient encore près du triple il y a peu. Là, ils vont emménager dans un bâtiment ultramoderne et équipé en matériel de pointe pour améliorer sans cesse nos enceintes. »
Sans vouloir communiquer sur le montant alloué à la R&D chaque année, B&W ne cache pas que c’est sans doute la part la plus importante du budget de l’entreprise. « Nous développons notre propre membrane Continuum pour notre haut-parleur médium (dont la conception comprenant du PVC tressé reste un mystère, NDLR), notre nouvelle suspension biomimétique pour améliorer les performances de la membrane en réduisant la pression d’air, ou encore le tweeter diamant déporté emblématique (que l’on trouve sur le haut de l’enceinte, NDLR) », rappelle François Pheulpin. « Le design de nos enceintes est en permanence étudié pour être amélioré et modifié d’une génération sur l’autre. On crée tout ici, on a investi dans du matériel de pointe, qui coûte des millions d’euros pour arriver à la perfection que l’on recherche. Cela a un coût, car on veut la meilleure qualité possible, sans compromis. »
Des prix qui grimpent jusqu’à 65 000 euros
Depuis 55 ans, l’un des fleurons britanniques du son marque les esprits par la qualité de ses produits, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur avec des designs toujours savamment étudiés. C’est à Bowers & Wilkins que l’on doit une enceinte en forme de trompette posée au sol ou bien la Nautilus (65 000 euros la paire !), une enceinte en forme de coquillage à 4 voies (graves, médiums, médiums aigus, tweeter), fruit du travail de la R&D qui voulait un appareil capable de faire mourir le son « au fond de la coquille » par retour de vibrations pour éviter de l’altérer. Cette innovation a donné naissance par la suite à toute la série 800 et ses multiples déclinaisons, toutes équipées du fameux « tweeter Nautilus », un haut-parleur optimisé acoustiquement pour être inerte et résistant aux résonances.
Il faut compter entre 3 et 4 ans de développement pour une nouvelle génération des séries 600 (les modèles les plus abordables à partir de moins de 500 euros la paire) et séries 700 (de 1150 à 4500 euros la paire) que vous optiez pour un petit modèle bibliothèque (les plus compacts avec leurs 2 voies graves/médium et le tweeter au-dessus) ou colonne (3 haut-parleurs de graves, une membrane continuum et un tweeter). « Nous distribuons nos principales innovations sur la gamme 800, qui est notre premium, et progressivement nous les redescendons sur les autres séries », souligne François Pheulpin. Pour peaufiner les innovations, entre les générations de 800 Series, il faut plutôt attendre 7-8 ans.
Le gros du travail de la R&D se focalise évidemment sur la série 800, les produits stars de la maison qui font le bonheur des studios d’enregistrement. Là, on démarre à 8000 euros la paire pour la plus petite enceinte sur pied 805 D4, avec l’emblématique tweeter à dôme Diamond de toute la série, pour grimper à 35 000 euros pour les 801 D4, les enceintes colonnes très haut de gamme de B&W avec tous leurs haut-parleurs en espace séparé pour ne pas contrarier le son. « La norme pour toutes les autres du haut de gamme et pour les années à venir », martèle-t-on fièrement au sein de l’entreprise.
La R&D, le coût au cœur de Bowers & Wilkins
Pour justifier un tel prix, il y a bien sûr l’énorme travail de R&D sur l’acoustique et la recherche du matériel très haut de gamme pour la conception, le souci du détail pour chaque élément. Mais pas seulement. Si les séries 600 et 700, les casques et écouteurs audio PI5/PI7, et autres produits de la marque sont assemblés en Chine, le Royaume-Uni garde la main sur « ses enceintes acoustiques les plus avancées au monde » en les concevant encore intégralement dans l’usine non loin de la mer.
Un choix qui se répercute sur la facture, mais qui permet aussi d’avoir l’œil sur chaque produit du début à la fin. « Il est impossible qu’une enceinte 800 D4 arrive chez un particulier avec un défaut de fabrication ou un souci audio », clame François Pheulpin.
En entrant dans l’usine, on réalise la minutie du travail réalisé par les quelque 170 employés qui sont répartis sur les différentes zones. Le travail reste encore en grande partie manuel, même si les presses géantes qui vont venir courber les multiples couches pour concevoir le coffret Matrix (une structure interne en panneaux imbriqués pour renforcer le tout et maintenir l’enceinte acoustique protégée par un panneau métallique), ou bien celles qui découpent les espaces dans la coque sont robotisées.
Les plaques sont mises par un des employés et chaque coque est pressée individuellement avant de passer dans des machines « qui valent des millions, mais apportent une technologie indispensable ». Preuve de l’importance du travail manuel, ici la tenue est réglementée : cheveux attachés, pas de bijoux ni ceinture pour certains postes, des vêtements près du corps pour être sûr que rien ne viendra rayer ou abîmer des produits qui valent cher.
Tout le parcours est fléché pour ne jamais avoir à se croiser et afin que tout soit fluide. Si certaines petites pièces sont importées de Chine ou d’ailleurs, tout le circuit électrique et les connectiques sont assemblés dans l’usine. Même les modules sont montés individuellement et collés par un technicien. On s’étonne en levant la tête de voir d’étonnantes bouches d’aération qui émettent de la vapeur. « C’est pour gérer la qualité du bois et qu’il ne sèche pas trop », glisse Andy Kerr. Tout est pensé perfection, le moindre espace est optimisé, jusqu’au classement des pièces nécessaires au fonctionnement de l’enceinte pour faciliter le montage.
Un travail minutieux encore largement manuel
Les matériaux sont soigneusement sélectionnés à chaque étape, les châssis vérifiés individuellement et le moindre produit qui ne s’avérerait pas 100 % conforme aux exigences est jeté au rebut. Et ce, jusqu’à la fin du processus s’il le faut, si jamais il venait à ne pas passer correctement l’épreuve du test en chambre acoustique une fois le produit totalement assemblé. Un expert « oreille d’or » est là pour valider ou non chaque produit. À ce prix, pas de place pour l’à peu près et le risque de faire rager les ingénieurs qui ont œuvré des années pour la recherche du son parfait sur « la meilleure enceinte du monde » (libre aux spécialistes de débattre sur le sujet).
Même le moindre défaut de peinture pas bien répartie (certains coloris sont faits au pistolet par des employés) peut être le signal de la fin du parcours. Et ce, même quand certains éléments sont peints par le même bras articulé que celui qu’on voit dans Iron Man…
Le contrôle humain réalisé à chaque étape sur l’intégrité de l’enceinte, la perfection de son châssis ou de sa qualité audio, le choix possible des revêtements (bois rosenut, noyer, noir piano, blanc ou d’autres hors catalogue), la qualité des matériaux de la conception à l’emballage, le soin apporté à chaque moment du processus de fabrication : tout ça a un coût en temps (il faut une bonne semaine pour faire un modèle « basique », plusieurs semaines pour des commandes spéciales) et en argent quand on recherche un produit très haut de gamme.
Même le transport est testé en conditions extrêmes (passage de -20 à + 40 degrés, paquet secoué, fait tomber de plusieurs hauteurs…) pour garantir que la lourde enceinte arrivera sur ses roulettes (pour éviter la résonance avec le sol quand vous branchez votre ampli dessus et faites ronfler le son) sans encombre.
Un défaut qui était en fait un symbole de perfection
Une anecdote assez marrante illustre d’ailleurs parfaitement cette quête de perfection : si depuis plus de 20 ans Bowers & Wilkins équipe le célèbre studio d’Abbey Road, le partenariat a failli pourtant ne jamais voir le jour. Fières de leur enceinte 801, les équipes du fabricant avaient envoyé un exemplaire aux ingénieurs son du studio londonien. Après avoir testé la nouvelle venue, ces derniers l’avaient renvoyée manu militari à l’expéditeur. Un bruit agaçant se faisait entendre sur leur morceau de test, un musicien jouant au piano. Comme un grossier défaut sonore.
Incompréhension chez B&W. Ils demandent alors à Abbey Road à revenir avec leur enceinte pour écouter l’échantillon et comprendre le problème, car leurs tests ne montrent rien. Sur place, en effet, le tintement se fait entendre de manière très rythmée. Un défaut sur l’un des haut-parleurs ? Impossible, disent les ingénieurs B&W. Ils demandent à écouter un autre morceau et là, rien. Le bruit a disparu. Le mystère sera levé par la suite. En fait, le bruit gênant n’était autre que les boutons de manchette du pianiste qui heurtaient l’instrument de manière très légère.
Un bruit tellement bas et insignifiant qu’aucune enceinte ne l’avait fait ressortir jusque-là. Jusqu’à ce que les haut-parleurs séparés et isolés de la 801 ne le mettent en avant, preuve du souci du détail qui accompagne chaque appareil dans sa quête « du vrai son », comme le porte fièrement en étendard l’entreprise désormais propriété du groupe Sound United (qui compte aussi Denon et Marantz notamment).
Une question de standing et d’exigence
« Notre clientèle est composée d’audiophiles qui ont des attentes élevées et sont prêts à mettre le prix pour cela. Nous avons le devoir de bien faire pour livrer la meilleure enceinte au monde, » rappelle Andy Kerr.
Une exigence de perfection qui fait la renommée de la marque et lui permet des partenariats de premier plan avec des marques comme McLaren, Volvo ou BMW dont elle conçoit les systèmes audio embarqués, les téléviseurs Philips dont elle devient la caution sonore sur le très haut de gamme. Et cela ne va qu’en se multipliant.
Reste que si vous n’avez pas des milliers d’euros à débourser pour vous offrir une enceinte B&W 800 Series, vous pouvez revoir vos exigences à la baisse sans compromis sur la qualité du son avec les séries 600 et 700. « La différence se fait avant tout sur les matériaux utilisés », admet François Pheulpin. « Vous aurez du revêtement vinyle et laqué sur l’extérieur, de l’aluminium ou du carbone pour le tweeter du haut. Mais à l’intérieur, le son est parfait ».
Si vous ne voulez pas opter pour les modèles non amplifiés de la marque, ou si vous n’êtes pas équipés, il reste la gamme Formation (enceintes petit format ou bibliothèque, caisson de basses, barre de son, etc.) sans fil et connectée, ou bien l’étrange Zeppelin en forme de ballon dirigeable qui streame de la musique en Bluetooth aptX Adaptive, via AirPlay 2 ou l’application Music B&W maison. Mais à plus de 700 euros tout de même. Ce sera l’avenir pour s’ouvrir au plus grand nombre avec des produits dans l’air du temps, confie la firme.
S’ouvrir oui, mais la qualité et le savoir-faire ont toujours un prix, n’espérez pas voir Bowers & Wilkins débarquer sur le marché de l’enceinte nomade à bas prix. C’est un non catégorique : « On a une question de standing que l’on veut tenir, c’est vrai, et une image de marque qui est la nôtre depuis plus de 50 ans. On ne peut pas et ne veut pas faire n’importe quoi, surtout ce qu’on ne saurait pas faire à ce prix-là », reconnaît-on chez B&W.
Des invités passionnants et des sujets palpitants ! Notre émission UNLOCK est à retrouver un jeudi sur deux en direct, de 17 à 19h sur Twitch. Pensez aussi aux rediffusions sur YouTube !
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Merci pour cet article très complet et très intéressant ! Malheureusement je ne retrouve pas sur mes 606 la perfection du son d’une série 800, il y a quand même des compromis à faire 😉
[…] Lire la suite […]
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