Pour augmenter l’autonomie d’une voiture électrique (sujet sensible s’il en est), il y a deux solutions : augmenter la taille de la batterie ou diminuer la consommation. La première n’a pas que des avantages : une grosse batterie, c’est lourd, c’est cher, et ça demande une quantité déraisonnable de matériaux à extraire et raffiner.
Bref, il est plus raisonnable de travailler sur la consommation de nos voitures électriques. Un des plus grands leviers concerne l’aérodynamisme de la carrosserie. Mais concrètement, comment les designers arrivent à proposer des voitures à la fois belles et frugales ? Direction le centre de design de Citroën, basé à Vélizy (78), pour échanger avec des experts sur le sujet.
Un rappel des bases
Avant d’entrer dans le vif du sujet, reprenons depuis le début. L’aérodynamique désigne l’étude des écoulements d’air, une branche de la mécanique des fluides ; dans le cas de l’automobile, il s’agit d’analyser comment se comporte l’air autour d’une carrosserie en mouvement.
Pour quantifier la performance de cette dernière, on utilise le coefficient de traînée (le fameux Cx), qui indique la résistance d’une forme à un vent de face. Il oscille entre 0,05, pour la forme la plus aérodynamique, et 1,4. Pour une voiture, le Cx est considéré comme excellent s’il passe sous les 0,20 (la voiture la plus aérodynamique, la Mercedes-Benz EQXX, affiche même un Cx de 0,17 – mais ce n’est qu’un concept).
Pour aller plus loin
Les secrets de l’aérodynamisme : pourquoi le Cx est si crucial pour les voitures électriques
Un autre coefficient peut également être utilisé : le SCx. Il s’agit, tout simplement, du Cx multiplié par la surface frontale d’une voiture en m². Un coefficient bien peu favorable aux SUV, pénalisés par leur importante hauteur.
Terminons par préciser que le Cx inclut différent types de traînées aérodynamiques :
- Trainée de forme : l’air qui rentre en contact frontal avec une forme ;
- Trainée de surface : le frottement de l’air contre la carrosserie – et qui dit frottement dit résistance ;
- Trainée de turbulence : les remous qui se créent notamment à l’arrière de la voiture, créant une forme de résistance au roulement ;
- Trainée interne : la résistance liée à l’air qui circule dans la voiture, pour des besoins liés au refroidissement du moteur, de la batterie ou de l’habitacle.
Évidemment, plus une voiture est aérodynamique, moins l’air opposera de résistance à son mouvement, baissant la demande des moteurs pour accélérer ou se maintenir à une vitesse donnée. C’est donc moins de consommation, et plus d’autonomie.
Citroën : une nouvelle façon d’aborder le design
Les bases sont posées. Vous l’aurez compris : l’aérodynamisme est une notion complexe, qui intègre énormément de paramètres. Comment les designers arrivent à dessiner des voitures électriques qui arrivent à cumuler ce besoin de sobriété, le respect des (draconiennes) normes de sécurité, une habitabilité décente, des contraintes budgétaires et un style respectant les chartes de chaque marque ?
Justement, Citroën est en pleine mutation stylistique. Menée par Pierre Leclercq (l’ancien directeur du style de Kia), l’équipe design veut donner une nouvelle identité aux voitures de la marque. Objectif assumé : « un design non dynamique, qui s’éloigne des canons automobiles pour s’approcher d’une approche ‘produit' », rappelle Pierre Leclercq. En d’autres termes : des surfaces simples, des faces avant verticales, des détails tranchés, bref, du contraste.
Outre le langage stylistique en lui-même, la façon de créer les voitures évolue également. Pierre Leclercq est ainsi fier d’annoncer que Citroën est la première marque du groupe Stellantis (auquel appartiennent, par exemple, Peugeot, DS, Fiat ou Jeep) à se passer de maquettes de style en argile synthétique (ce qu’on appelle la clay) pour se focaliser sur la conception assistée par ordinateur (CAO) et la réalité virtuelle.
Pas question, pour autant, de laisser tomber les maquettes physiques pour aller tester leurs performances aérodynamiques en soufflerie. Kate Mouilleron, Design Project Manager du futur C5 Aircross, nous l’assure : « si le numérique aide à anticiper les choix, le passage au physique et à la soufflerie reste nécessaire pour les valider ».
Dans le vif du sujet
ë-C3, ë-C3 Aircross : les coûts avant tout
Les premières voitures de série à bénéficier de cette nouvelle approche sont la petite ë-C3 et son dérivé familial, l’ë-C3 Aircross. Prochaine étape : second semestre 2025, avec la présentation du C5 Aircross, un SUV familial. Il est donc temps d’échanger avec les responsables sur les partis pris aérodynamiques de leurs bébés.
Passons rapidement sur les C3 & C3 Aircross. Il faut bien le dire, l’aérodynamisme de la C3 n’a franchement rien d’exceptionnel, avec un Cx de 0,32 (un Tesla Model Y, c’est 0,23 !).
Une des raisons principales : sur ces deux projets, le moindre centime d’euro a été soupesé pour afficher des tarifs canons (à partir de 23 300 euros pour la C3 électrique et 27 400 euros pour le C3 Aircross électrique, le tout hors bonus écologique), obligeant donc à se contraindre au niveau des choix techniques.
Par exemple, le pare-choc est strictement identique entre les versions électriques et thermiques, malgré un besoin en refroidissement bien moindre sur l’électrique. Le fermer en partie (ce qu’on appelle « étanchéifier » dans le jargon technique) aurait permis de limiter les traînées interne et de forme, mais un sou est un sou.
Pour autant, Boris Reinmöller, le Design Project Manager des deux modèles, nous fait le tour de la voiture pour nous montrer les quelques atouts aérodynamiques de la C3. À l’arrière, un aileron en prolongation du toit et des arêtes franches sur les côtés sont là pour faire emmener l’air le plus loin possible de la voiture et ainsi abaisser la traînée de turbulence dont on parlait plus haut.
À l’avant, un trou à chaque extrémité du pare-choc permet de canaliser l’air sur les flancs – ce qu’on appelle un « air curtain ». Un artifice refusé au C3 Aircross : « on a fait des tests, on a conclu qu’ils n’étaient pas utiles », explique tout simplement Boris Reinmöller.
Une foule d’astuces sur le ë-C5 Aircross
En revanche, le C5 Aircross Concept trônait à côté. Ce concept, présenté au Mondial de l’Auto en octobre dernier, préfigure le C5 Aircross de série – à ce propos, Kate Mouilleron et Pierre Leclercq préfèrent le terme « teaser ». La raison est simple : le C5 Aircross qui arrivera dans nos rues sera à « 95 % identique à cette maquette ».
De quoi s’offrir un bel aperçu du travail aérodynamique de la voiture de série. Un travail bien plus fourni que pour ses petites sœurs : le C5 Aircross coûtera plus cher que les C3, donnant plus de latitude aux choix techniques, tandis que sa plateforme STLA Medium, bien plus moderne (et partagée avec les Peugeot 3008, 5008 et Opel Grandand), permet aux ingénieurs, aérodynamiciens et designers d’aller plus loin qu’avec la plateforme Smart Car low cost des C3.
Une plus grande latitude qui se voit à l’avant, où K. Mouilleron nous apprend que les boucliers des versions hybrides et thermiques auront une prise d’air supplémentaire, absente sur la maquette (et la version électrique de série). Un bon point, même si l’aérodynamisme actif, via des volets motorisés dans la prise d’air inférieure, a été refusé pour des questions de coûts.
L’arrière est également très intéressant. Les aérodynamiciens étaient formels : pour un Cx optimal, la voiture devait être large à la base et étroite au sommet. Ce à quoi les designers ont répondu : c’est moche. Ces derniers se sont cependant gratté la tête et ont créé ces « Light Wings », ces feux arrière dépassant de la carrosserie.
Double avantage : d’un point de vue design, ils élargissent visuellement la partie haute de la voiture ; d’un point de vue aéro, ils canalisent l’air. Et ils arrivent en série, même si Pierre Leclercq nous confie : « Je ne pensais pas que ça passerait si facilement. On a travaillé avec l’UTAC (organisme en charge de l’homologation, NDLR), et on a trouvé une solution ». Ils devraient être un peu plus épais, mais toujours présents.
Le toit est également intéressant. Au niveau des passagers arrière, il est très haut, garant visuel d’une bonne habitabilité, avant de redescendre jusqu’au coffre. Là aussi, la courbure a été soigneusement dimensionnée, de quoi limiter la taille du spoiler – même si Kate Mouilleron nous glisse : « sur la version de série, la vitre arrière sera un peu plus inclinée, de quoi agrandir le spoiler ».
L’idée reste d’emmener l’air le plus loin possible, et tant pis pour les quelques litres perdus sur le volume du coffre. Une idée qu’on retrouve sur les bas de caisse, avec des éléments prolongeant les flancs – le Renault Scénic E-Tech utilise également cet artifice, dans un traitement bien plus visible.
Concernant les flancs, les élargisseurs d’aile servent certes à bien poser visuellement la voiture, mais sont aussi utiles pour cette histoire de largeur à la base de la voiture réclamée par les aérodynamiciens. À l’image du C3 Aircross, pas d’air curtain, même si le concept en est équipé. Ah, et il faudra aussi oublier les poignées affleurantes, jugées trop chères ; il faudra se contenter des poignées du 3008.
C5 Aircross de série : encore peu de détails techniques
Bref, la carrosserie semble recevoir toute une armada aéro, certes pas forcément très technologiques, mais a priori efficaces pour atteindre, d’après Pierre Leclercq, « le meilleur aérodynamisme de sa catégorie ».
Reste que Citroën reste bien plus discret sur les caractéristiques techniques du C5 Aircross de série. Comme il repose sur la plateforme STLA Medium, il devrait au moins recevoir une batterie de 73 kWh, offrant 527 km d’autonomie WLTP sur le 3008 électrique. La batterie de 98 kWh, capable d’atteindre les 700 km d’autonomie, sera-t-elle retenue pour une marque occupant l’entrée de gamme de la galaxie Stellantis ? Moins sûr.
L’habitacle reste également bien secret, même si ce C5 Aircross Concept laisse apparaître un début d’écran vertical au centre de la planche de bord. À voir ce qui arrivera en série. Une chose est sûre : la couleur du concept, baptisée Lime Light, ne verra pas le jour. Trop chère, trop compliquée à industrialiser.
Ce C5 Aircross arrivera donc dans le segment bien compliqué des SUV électriques familiaux, trusté en Europe par le Tesla Model Y, sans oublier l’armada de concurrents : Ford Explorer, Volkswagen ID.4, Renault Scénic E-Tech, sans oublier les Peugeot 3008/5008, Opel Grandland et même le Leapmotor C10, qui seront vendus dans les mêmes concessions.
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