5G : Martin Bouygues envisage d’attaquer l’État si Huawei est exclu

Coup de pression

 
Martin Bouygues jette un pavé dans la mare. Si l’État exclut Huawei du marché de la 5G en France, le PDG de Bouygues Telecom envisage de porter l’affaire en justice. Pour le moment, « on discute entre gens civilisés », assure-t-il.

Alors qu’Orange et Free ont déjà choisi leur équipementier pour le déploiement de leur réseau 5G, SFR et Bouygues Telecom attendent toujours la décision de l’Anssi sur le sort qui sera réservé à Huawei. Et cette situation semble agacer Martin Bouygues.

Alors qu’il présentait les résultats annuels du groupe ce jeudi 20 février, le PDG de Bouygues Telecom a lancé un avertissement à l’État. Si l’Anssi interdit à Huawei de participer au déploiement de la 5G en France, Martin Bouygues n’exclut pas de porter l’affaire en justice. Il déclare :

Que l’État français choisisse dans son domaine régalien les décisions qui lui conviennent et nous, nous sommes là pour respecter les règles. En tant que président du groupe Bouygues, je dois veiller d’une part à ce qu’il n’y ait pas d’impact financier négatif dû à des décisions qui ne nous appartiennent pas ; d’autre part à ce que l’on ne nous crée pas de désavantage concurrentiel.

L’exclusion de Huawei n’est pas envisageable

Pour Bouygues Telecom, l’exclusion de Huawei aurait des allures de catastrophe. Comme son concurrent SFR, le réseau 4G de Bouygues repose sur des équipements Huawei. Or, si l’État décidait de boycotter le Chinois dans le déploiement de la 5G, Bouygues Telecom serait dans l’obligation de désinstaller ses antennes 4G pour les remplacer par les équipements d’un concurrent.

Cela représenterait un avantage concurrentiel pour Orange et Free qui ont choisi de travailler avec Nokia et Ericsson, chargés de leurs réseaux 4G. En effet, pour limiter les coûts, la logique voudrait que les opérateurs conservent leurs partenaires historiques. Ainsi, ils pourraient transformer les antennes 4G en antennes 5G. Martin Bouygues explique :

Vous ne pouvez pas swaper de la 4G d’un équipementier sur la 5G d’un autre équipementier ; il faut les mêmes équipements sur les mêmes zones. [Si cette situation se présentait] Cela aurait un effet de coût et de délai et les deux sont de nature à distordre la concurrence entre les opérateurs pour des raisons qui ne nous appartiennent pas…

Huawei est déjà partout sur le territoire

Martin Bouygues balaie au passage les craintes autour de Huawei. Selon lui, « on a du Huawei dans les réseaux fixes chez les quatre opérateurs français, et c’est une part majeure de leurs installations même si personne n’en parle. Il y a aussi du Huawei dans les futures voitures PSA, ainsi que chez Ericsson et Nokia, beaucoup… Le truc s’arrête où ? », s’étonne-t-il.

La décision de l’Anssi (qui dépend de Matignon) aura donc des conséquences importantes dans l’avenir de l’opérateur. « Un réseau mobile performant en France, cela coûte entre 8 et 10 milliards d’euros » estime Martin Bouygues, soit bien plus que les 2,5 milliards annoncés il y a quelques mois.

Si Huawei est exclu, Bouygues Telecom pourrait connaître la même débâcle que lors de l’arrivée de Free sur le marché mobile. « Bouygues Telecom a failli mourir de graves difficultés dues aux conditions de la quatrième licence de téléphonie mobile », rappelle-t-il. « Je ne voudrais pas que cela soit à nouveau le cas. On y veillera évidemment ».

Si l’État met Huawei hors-jeu, Martin Bouygues estime que ce serait « une bonne idée » de revoir les conditions du processus des enchères 5G. Et de renvoyer l’Anssi dans les cordes :

Si on nous donnait des fréquences que nous ne pourrions pas utiliser pour des raisons administratives, cela pose question quand même.

Si Martin Bouygues assure que les différents acteurs « discutent entre gens civilisés », Didier Casas, directeur général adjoint de Bouygues Telecom, précise que « toutes les possibilités » sont envisageables y compris des recours en justice pour « préserver ses droits ».

L’Anssi devrait fixer les conditions des enchères fin février (si elle arrête de jouer la montre) et déterminer si oui ou non Huawei fera partie des équipementiers retenus dans le déploiement de la 5G. En attendant, l’État est prévenu.


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