Ce qui change pour Instagram, Facebook, WhatsApp et Messenger en Europe

 
Comme Apple et Google, Meta doit s’adapter aux nouvelles règles du Digital Markets Act, récemment entré en application dans l’Union européenne. Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp : plusieurs changements arrivent sur les réseaux sociaux et messageries de Meta, les voici.
Les applications Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger de Meta // Source : Montage Frandroid

Ce 6 mars 2024, le Digital Markets Act, ou DMA, est entré en application au sein des 27 pays membres de l’Union européenne. Visant à réguler le marché numérique, il vient imposer beaucoup de nouvelles règles aux Gamam, dont fait partie Meta. Les services dits « contrôleurs d’accès » retenus par la Commission européenne sont Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger. Threads n’est pas concerné puisque l’application n’est pas assez utilisée en Europe.

Les deux réseaux sociaux et les deux applications de messagerie instantanée doivent donc répondre à des exigences plus strictes. Tous les changements de Meta pour se mettre en conformité sont inscrits dans un document consultable en ligne. Meta n’est d’ailleurs pas la seule entreprise à devoir effectuer des changements à cause du DMA :

WhatsApp et Messenger « interopérables » : qu’est-ce que ça veut dire ?

Du côté de Meta, il y a un changement majeur : WhatsApp et Messenger vont devenir « interopérables ». Cela signifie que les deux applications de messagerie instantanée devront pouvoir communiquer entre elles, mais pas que. Pour un certain nombre de fonctionnalités, elles devront être entièrement compatibles avec les messageries utilisant le protocole Signal (dont Signal naturellement).

Cela signifie que l’on pourra envoyer un message depuis Signal et le recevoir sur Messenger, ou bien envoyer un message depuis WhatsApp et le recevoir sur Telegram. Pour le moment, cette possibilité n’est pas activée, mais on sait que Meta y travaille : de toute manière, l’entreprise n’en a pas le choix. Les messages issus des messageries tierces seront affichés dans un onglet distinct de la boîte de réception.

Le service interopérable de WhatsApp // Source : Meta

Pour l’instant, les fonctionnalités qui font partie des exigences du Digital Markets Act portent « sur la messagerie texte 1:1 entre utilisateurs individuels et sur le partage d’images, de messages vocaux, de vidéos et d’autres fichiers joints entre utilisateurs finaux individuels », écrit Meta. On sait qu’à l’avenir, la loi sera étendue aux groupes et aux appels audio/vidéo. Pour être interopérables avec WhatsApp et Messenger, les messageries devront répondre à un certain nombre d’exigences techniques et de sécurité, ainsi que signer un accord avec Messenger et/ou WhatsApp.

Pour le moment, Meta n’a publié que les détails pour l’interopérabilité de WhatsApp, mais prévoit de publier ceux pour Messenger. L’entreprise dit qu’elle est obligée de « permettre l’interopérabilité avec d’autres services dans les trois mois suivant la réception d’une demande ». Néanmoins, il peut quand même s’écouler un certain temps entre l’acceptation de la demande et la mise en application de l’interopérabilité.

L’architecture technique de WhatsApp // Source : Meta

Le protocole de chiffrement E2EE de Messenger et de WhatsApp est basé sur le protocole Signal. Les autres messageries qui veulent être interopérables doivent donc utiliser ce même protocole. Meta laissera des fournisseurs de service tiers utiliser un autre protocole compatible « s’ils sont en mesure de démontrer qu’il offre les mêmes garanties de sécurité que Signal. » Les serveurs chargés de transmettre les messages des utilisateurs seront connectés entre eux en permanence. Meta indique que ce sera aux serveurs tiers « d’héberger les fichiers multimédias que leurs applications clientes envoient aux clients Meta ».

Par ailleurs, Meta gardera un certain contrôle sur les utilisateurs expéditeurs et destinataires, afin de garantir « que personne ne peut écouter votre conversation sans que les deux parties le sachent. » La promesse ne peut cependant pas être faite pour les messages envoyés et reçus via un service tiers, puisque ce sont ces derniers qui en auront la responsabilité.

En fait, les messageries auront l’obligation de se connecter à l’infrastructure de Meta déjà existante. L’idée de cette obligation est, selon la société de Mark Zuckerberg, de garantir un certain niveau de sécurité, réduire les barrières financières à l’entrée pour ses concurrents et d’améliorer la fiabilité du service. WhatsApp et Messenger permettent l’envoi (et la réception) de 100 milliards de messages chaque jour.

Source : WABetaInfo

Dans son explication, Meta précise être en discussion avec d’autres messageries instantanées. Peut-être qu’à l’avenir, un serveur proxy « intermédiaire » entre le client et les serveurs de Meta sera mis en place, qui « pourrait potentiellement donner aux fournisseurs tiers plus de flexibilité et de contrôle sur ce que leur client peut recevoir du serveur WhatsApp ».

Il reste néanmoins des défis techniques à relever selon Meta, principalement pour prévenir les spams et autres messages d’escroqueries.

La séparation des comptes Facebook et Messenger

Les comptes Instagram connectés aux comptes Facebook pourront désormais voir leurs informations séparées. Sur Messenger, Meta va faire machine arrière. À l’origine, il était possible de créer un compte Messenger à côté d’un compte Facebook. Par la suite, la possibilité avait été supprimée. Meta doit revenir là-dessus et permettre de créer un compte Messenger indépendant, y compris pour les comptes Facebook déjà existants.

Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Toutes les fonctionnalités ne sont pas disponibles pour ces comptes « indépendants », mais il y a tout de même les fonctions de base : « la possibilité d’envoyer et de recevoir des demandes de messages, d’appeler et d’envoyer des messages aux utilisateurs finaux en privé et via des chats de groupe (avec la possibilité d’envoyer et de recevoir des photos, des vidéos et des messages audio) », écrit Meta. Parmi les fonctionnalités absentes, on peut imaginer que les suggestions de contacts à ajouter à Messenger ne seront pas basés sur vos amis sur Facebook.

La combinaison des données, ce n’est plus obligatoire

Pour mieux personnaliser ses publicités, Meta combine les données qu’il collecte sur ses différents services. Avec le DMA, l’entreprise se voit dans l’obligation de demander le consentement de la combinaison des données pour Facebook, Instagram, Messenger, Facebook Marketplace, Facebook Gaming Play et Facebook Dating.

Même Facebook Marketplace, Facebook Gaming et Facebook Dating sont concernés par le DMA

Facebook Marketplace aussi subit des changements. Pour rappel, il s’agit du « Leboncoin » de Facebook, directement intégré au réseau social. Les utilisateurs peuvent décider d’y utiliser les informations de leur compte Facebook ou non. S’ils choisissent de ne pas le faire, ils ne pourront plus communiquer avec les acheteurs/vendeurs via Messenger : cela se fera obligatoirement par courriel. C’est la seule différence : les utilisateurs concernés pourront toujours acheter et vendre des produits. Facebook Marketplace devient également accessible sans compte Facebook sur navigateur.

Même chose pour les jeux Facebook : ils pourront ne plus utiliser vos informations de votre compte Facebook si vous en faites le choix. Un choix déconseillé car lourd de conséquences : seuls les joueurs qui gardent leur compte connecté pourront garder des « fonctionnalités telles que les jeux multijoueurs, les achats en jeu, et les suggestions de jeu personnalisées », précise Meta dans un communiqué. En fait, les joueurs qui dissocient leur compte de jeu de leur compte Facebook ne pourront plus jouer qu’à des jeux solo : fini FarmVille donc. Meta annonce toutefois devant la Commission européenne travailler avec des développeurs de jeux afin de proposer davantage de titres.

Quant à Facebook Dating, ce n’est pas exactement la même chose : Meta indique ne pas pouvoir proposer le service de rencontres aux utilisateurs qui refusent la combinaison des données Facebook, « car Meta ne peut pas respecter les engagements fondamentaux en matière de protection de la vie privée ». En effet, si Meta ne combinait pas les données de Facebook (le réseau social) avec Facebook Dating (le service de rencontres), alors les utilisateurs pourraient voir leurs amis Facebook sur Facebook Dating. Cependant, il est à noter que Facebook Dating pose certaines questions que le réseau social n’a pas forcément : enfants, taille, les rencontres que l’on souhaite faire, etc.

La publicité chez Meta change : payez pour ne plus avoir de pubs

Dans un billet de blog, Meta sous-entendait un certain mécontentement : sa publicité rapporte, surtout si elle est personnalisée. Selon l’entreprise, un euro dépensé en Europe pour de la publicité génère en moyenne 3,37 euros de revenus : cela représenterait 84 milliards d’euros de revenus pour les annonceurs chaque année. Pourtant, avec l’arrivée du Digital Markets Act, la firme est obligée de lâcher du lest sur le traçage à des fins publicitaires. Heureusement, elle a plus d’un tour dans son sac et a trouvé une solution.

Meta affiche un message pour prévenir qu’il faudra payer 12,99 euros par mois pour ne plus avoir de publicités sur les applications mobiles de Facebook et Instagram // Source : Capture d’écran Frandroid

Meta déclare que « Les habitants de l’UE, de l’EEE et de la Suisse ont également la possibilité d’utiliser Instagram et Facebook gratuitement avec des publicités, ou de s’abonner pour ne plus voir de publicités. » Si les utilisateurs s’abonnent, leurs informations ne seront plus utilisées pour les publicités. Un abonnement à 9,99 euros par mois pour Facebook et Instagram (12,99 si l’on souscrit depuis un smartphone iOS ou Android).

Pour chaque compte ajouté ensuite, comptez 6 euros de plus chaque mois. Il s’agit en fait d’une solution de consentement qui vise à se conformer avec le DMA et avec d’autres lois européennes, comme le Digital Services Act, dont les délais de mise en conformité sont différents. Si 10 euros par mois pour ne pas consentir à se faire suivre et à éviter les publicités peuvent paraître un tarif abusif, Meta est dans son droit selon Meta. Pour cela, l’entreprise s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), la plus haute juridiction du Vieux Continent. Elle reconnaît que le fait de ne pas payer un abonnement est un consentement des utilisateurs au traitement de leurs données personnelles à des fins de publicité ciblée.


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