Rachat d’Activision Blizzard par Microsoft : 10 questions en suspens

 
Le rachat d’Activision Blizzard King par Microsoft fait l’effet d’un véritable séisme dans l’industrie du jeu vidéo. Certaines répercussions posent encore des questions. Faisons le point.
Source : Microsoft

Une annonce qui n’a été précédée par aucune fuite et à la surprise générale : Microsoft rachète Activision Blizzard King pour 68,7 milliards de dollars. Avec ce rachat, Microsoft gagne encore du poids dans l’industrie du jeu vidéo et intègre une collection de plus de 30 studios interne. Un tél événement génère forcément de nombreuses questions, dont nous n’obtiendrons parfois pas les réponses avant plusieurs années. Rappelons que la conclusion du rachat n’est pas attendue avant une période allant de juillet 2022 jusqu’au 30 juin 2023.

Le rachat va-t-il vraiment aboutir ?

Microsoft va-t-il réellement pouvoir racheter le groupe Activision Blizzard ?

La firme va devoir franchir un certain nombre d’obstacles. Notamment les différentes agences surveillant le bon état de la concurrence sur le marché à travers le monde. Depuis l’élection de Joe Biden à la Maison-Blanche, les autorités américaines sont plus vigilantes concernant la taille des grands groupes de la tech parmi lesquels on trouve Microsoft, Apple, Amazon ou encore Google. Suite à l’annonce de Microsoft, certains élus ont vite fait savoir que le rachat sera surveillé de près.

Pour autant, plusieurs raisons permettent de laisser penser que ce rachat devrait bel et bien aboutir. Une fois Activision Blizzard intégré, Microsoft ne serait que le troisième du marché en chiffres d’affaires derrière Sony et Tencent. La firme pourra arguer qu’elle n’est ni leader du monde des consoles (Nintendo et Sony vendent plus), ni des services de jeux vidéo (le PS+ a plus d’abonnés) et que cette acquisition laissera encore beaucoup de place à la concurrence.

Call of Duty va-t-il devenir une exclusivité Xbox ?

Autre question qui a son importance, notamment pour les joueurs de Call of Duty sur PlayStation. Elle est sans aucun doute la licence la plus puissante du jeu vidéo avec Fifa. Les futurs épisodes de Call of Duty vont-ils sortir sur PlayStation ? Chez Sony, on s’est aussi posé la question en rappelant que certains contrats en cours avec Activision devront être honorés. Après quelques éléments de réponses dans les communiqués, Phil Spencer, le CEO de Microsoft Gaming, a apporté une réponse plus claire.

Dans un tweet, il promet que « notre intention est d’honorer tous les accords existants au moment de l’acquisition d’Activision Blizzard et notre désir est de laisser Call of Duty sur PlayStation ». Il faudra attendre la conclusion du rachat pour que Phil Spencer soit réellement en charge de la société et puisse clarifier encore la stratégie. Il semblerait toutefois que Call of Duty restera, au moins en partie, une licence multiplateforme.

Bobby Kotick va-t-il rester le patron d’Activision ?

La société Activision Blizzard King rachetée par Microsoft est une société dans la tourmente. La presse a révélé au cours de l’année 2021 comment la société était structurellement traversée par des problèmes de harcèlement et d’agressions sexuels, jusqu’à l’ouverture d’une enquête contre Blizzard par une autorité californienne. Une enquête du Wall Street Journal mettait plus précisément en cause la gestion du groupe par Bobby Kotick, notamment accusé d’avoir menacé de mort l’une de ses subalternes.

Dès lors, on peut se demander quel est l’avenir de Bobby Kotick au sein de l’entreprise. Plusieurs pistes laissent aujourd’hui penser que le CEO d’Activision Blizzard devrait rester en poste jusqu’à la conclusion du contrat, puis être rapidement remercié après la prise de contrôle de Microsoft.

Microsoft va-t-il changer la culture d’Activision ?

Au-delà de Bobby Kotick, Microsoft va-t-il changer la culture interne d’Activision ? Dans le communiqué de presse de l’annonce du rachat, Phil Spencer promet une intégration du groupe à la culture Xbox « d’inclusivité proactive ». Dans une interview avec le Washington Post, il reconnait les défis qui s’annoncent pour l’intégration d’un si grand groupe au milieu de tels scandales. Jusque-là, il faut rappeler que Microsoft touchait le moins possible à la culture des studios rachetés pour les laisser le plus autonome possible. C’est une approche que la firme ne pourra pas prendre avec Activision Blizzard.

Interrogé sur le mouvement de création de syndicats (les travailleurs de l’industrie du jeu vidéo sont très peu syndiqués) chez Activision Blizzard King, Phil Spencer a toutefois botté en touche.

Je vais être honnête, je n’ai pas beaucoup d’expérience personnelle avec les syndicats. Je suis chez Microsoft depuis 33 ans (NDLR : Microsoft n’a aucun syndicat d’employés). Je ne vais donc pas essayer de me présenter comme un expert en la matière, mais je dirais que nous aurons des conversations sur ce qui leur permet de faire leur meilleur travail, ce qui, comme vous pouvez l’imaginer dans un secteur créatif, est la chose la plus importante pour nous.

Au delà de la culture d’entreprise, Microsoft va-t-il modifier l’organisation des studios ? Est-ce que Blizzard va devenir l’égal d’Activision au sein du groupe Microsoft Gaming, ou est-ce que le groupe sera supervisé par une seule tête comme aujourd’hui ?

Comment Sony et Nintendo peuvent-ils réagir ?

Avec ce rachat, Microsoft va devenir un géant du jeu vidéo à la tête de plus d’une trentaine de studios et en contrôle de certaines des plus grandes franchises.

La taille de Microsoft Gaming après le rachat d’Activision Blizzard King // Source : @_XboxNews

Face à un tel colosse, comment Sony et Nintendo peuvent-ils réagir ? Il faut tout d’abord rappeler que ce rachat n’a pas beaucoup d’impact sur l’activité de Nintendo : Activision Blizzard éditait peu de jeux sur la Nintendo Switch. Pour Sony, tous les regards sont tournés vers le lancement de « Spartacus », nom de code d’une nouvelle version de son abonnement PlayStation Plus qui le rapprocherait du Xbox Game Pass.

La firme va devoir trouver des solutions, malgré sa taille et sa capacité d’investissement plus faible que le géant Microsoft pour ne pas perdre en intérêt auprès des joueurs. À la suite de l’annonce du rachat, l’action du groupe japonais a perdu 12 % de sa valeur, soit une chute de la capitalisation de 20 milliards de dollars tout de même.

On pourrait imaginer des accords importants, mais tout de même moins cher que des rachats de studios, notamment la signature d’exclusivités comme l’ont été Deathloop ou Final Fantasy XVI.

Activision va-t-il renouer avec la créativité ?

Au cours des dernières années, Activision a recentré sa stratégie autour de la licence Call of Duty au point où tous les studios internes se sont retrouvés contraints de travailler sur la franchise. Avec Microsoft aux manettes, un autre pari pourrait être fait, celui de la diversité. Call of Duty pourrait quitter son cycle annuel et des studios comme Toys for Bob pourrait à nouveau travailler sur des licences comme Crash Bandicoot ou Spyro The Dragon.

Crash Bandicoot 4 // Source : Activision

Toujours dans une interview avec le Washington Post, Phil Spencer a évoqué plusieurs licences laissées à l’abandon par Activision : Guitar Hero, Starcraft, Hexen ou encore King’s Quest.

La Blizzcon va-t-elle disparaitre ?

Les fans de Blizzard avaient longtemps l’habitude de se réunir chaque année pour un événement très important en Californie : la Blizzcon. Pour parler de l’avenir de World of Warcraft, Starcraft, Diablo ou encore Overwatch, Blizzard a fait de cet événement le centre névralgique de sa communication et un moment de réunion avec ses plus grands fans. Avec la pandémie, comme beaucoup d’événements, la Blizzcon a été malmenée, parfois annulée, parfois basculée en événement en ligne.

L’événement a-t-il un avenir chez Microsoft ? Impossible d’apporter une réponse définitive pour le moment. On peut tout de même indiquer que Microsoft a conservé la Quakecon comme événement en 2021, après le rachat de Bethesda. Par ailleurs, un élément important du rachat de Microsoft est l’acquisition des 400 millions d’utilisateurs actifs des titres du groupe. Ce nouveau public, qui couvre aussi les joueurs de Candy Crush (King) et des jeux Activision, Microsoft va sans doute vouloir le choyer à travers une communication dédiée. Pour les joueurs Blizzard, la Blizzcon semble être un vecteur idéal.

Que va devenir Battle.net ? Les jeux vont-ils arriver sur Steam ?

Parmi les 400 millions d’utilisateurs actifs sur lesquels Microsoft met la main, il y a beaucoup de joueurs PC. Ces derniers passent aujourd’hui par le lanceur Battle.net pour accéder aux jeux Blizzard et Activision. Cela avait du sens pour la stratégie d’Activision, mais peut-être pas pour Microsoft. Dès lors, quel avenir peut-on imaginer pour Battle.net. D’abord, on peut indiquer que le lanceur Bethesda.net est toujours actif malgré le rachat de Bethesda par Microsoft.

Sur le long terme, on peut toutefois imaginer Microsoft vouloir pleinement intégrer le réseau Battle.net au PC Game Pass et à l’application Xbox. On espère que Microsoft pourra récupérer l’excellente technologie de distribution des jeux qui permet de télécharger très rapidement les jeux Blizzard, pour remplacer le Microsoft Store qui ne fonctionne pas aussi bien.

Les jeux pourraient aussi débarquer sur Steam. En effet, Microsoft fait le choix depuis plusieurs années de proposer tous ses titres sur Steam, ce qui lui amène une source de revenus supplémentaire non négligeable. Au côté d’un Halo Infinite ou d’un Forza Horizon 5, on peut facilement imaginer Microsoft choisira de publier Diablo 4 et Call of Duty sur la boutique de Valve.

Qui sera le prochain à se faire racheter ?

Si le rachat de Bethesda avait déjà fait l’effet d’un petit séisme, celui d’Activision Blizzard rebat les cartes. Quand une firme est prête à dépenser près de 70 milliards de dollars pour un rachat, tout devient possible. C’est simple, la plupart des éditeurs de jeux vidéo ont une valeur en bourse bien inférieure à ce montant.

Dès lors, de nombreux analystes se sont demandés : qui sera le prochain à se faire racheter ? Car l’industrie du jeu vidéo est en pleine concentration depuis plusieurs années. Rien que sur ce mois de janvier, on parle de 80 milliards de dollars investis pour racheter des firmes en intégrant l’annonce de Take Two pour Zynga.

C’est une question qui n’appelle pas vraiment de réponse, mais plutôt une interrogation : quel sera le prochain éditeur à se faire croquer. Ce mouvement de Microsoft va-t-il provoquer une réaction de la part d’un autre géant comme Apple, Meta, Amazon, Google ou encore Disney et Netflix ? La propriété des licences les plus populaires est devenue le nerf de la guerre. Dès lors, peut-on imaginer Take Two (GTA, NBA), Square Enix (Final Fantasy, Dragon Quest) ou Konami (Silent Hill, Metal Gear Solid, Castlevania) rester des firmes indépendantes. Peut-on même imaginer Sony ou Nintendo se faire racheter ?


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