Harcèlement dans un studio Xbox : Microsoft peut-il réellement aider Activison-Blizzard ?

 
Une enquête journalistique pointe du doigt des problèmes de harcèlement au sein du studio Undead Labs racheté par Microsoft en 2018. C’est le premier Xbox Game Studios à faire l’objet de ce type d’accusation au cours des dernières années.

Microsoft, et plus particulièrement Xbox, communique fortement sur l’inclusivité depuis plusieurs années. Chaque interview de Phil Spencer est l’occasion de rappeler que la firme de Redmond prend très au sérieux ces problèmes et veut être à l’avant-front des combats pour l’inclusivité.

Malheureusement, la communication ne semble pas s’accorder avec la réalité dans le cas du studio Undead Labs. Les développeurs de la licence State of Decay font partie des nombreux studios rachetés par Microsoft depuis 2018. Une enquête du site Kotaku révèle un environnement de travail toxique.

Harcèlement, sexisme et burnout

Si vous avez déjà lu les nombreuses enquêtes de ces dernières années sur l’industrie du jeu vidéo, que ce soit celles concernant Ubisoft, EA, Activision-Blizzard ou encore récemment Moon Studios (derrière la licence Ori), les situations vont vous paraitre familière.

Kotaku a pu interroger 12 employé·es ou anciens employé·es qui ont toutes et tous souhaité rester anonymes. On peut y lire que les femmes sont ignorées, coupées lorsqu’elles prennent la parole, mises de côté ou pointées du doigt pour les problèmes. Cela touche même les femmes situées à des positions de manager. On a aussi droit au lot de remarques déplacées telles que « tu n’es pas aussi belle que d’habitude aujourd’hui » ou « je suis surpris qu’une fille comme toi ait ce travail ». Un autre développeur du studio indique que « la culture que le studio avait jusqu’à récemment n’était pas la plus accueillante pour quiconque n’était pas un homme blanc cis hétéro ».

La gestion du studio par Philip Holt est également remise en cause par plusieurs témoignages. L’annonce du prochain jeu du studio State of Decay 3 lors d’un showcase Xbox à l’été 2020 a été jugée comme intervenant beaucoup trop tôt : « Nous ne voulions pas annoncer le jeu parce que nous ne savions même pas ce qu’il était à ce moment-là ». Faute de temps, s’en est suivie une démo interne du projet qui se « serait très mal passé » à la fin de la même année. La direction panique alors en 2021 de n’avoir aucune partie du jeu convenable à montrer à Microsoft.

State of Decay 3 était supposé avoir deux démonstrations à l’automne 2021, d’abord avec de simples images pour la première, puis avec une autre démo intégrant du gameplay pour la seconde. Holt aurait modifié tardivement ces plans, à la fin de l’été, pour que les deux démos intègrent du gameplay. La pression augmentant continuellement sur les équipes et les poussant au crunch, organisation du travail consistant à multiplier les heures supplémentaires pour atteindre des objectifs sur un projet.

Philip nous poussait parce qu’il était obsédé par le fait de prouver qu’il était un leader au sein de Xbox Game Studios. Il utilisait cela comme un levier pour faire avancer sa propre carrière et son image, au détriment des développeurs.

La relation avec Microsoft remise en cause

Ce qui transparait en fond de cette enquête est surtout les problèmes de relations du studio avec son propriétaire Microsoft. À l’origine, les développeurs craignaient un changement de culture forcée par Microsoft. En réalité, c’est plutôt le changement de taille du studio, qui a doublé en quelques années, et l’absence de contrôle par Microsoft qui posent un problème.

Depuis le rachat de Mojang (Minecraft), Microsoft a pris l’habitude de laisser une complète autonomie aux sociétés rachetées. L’enjeu était précisément de ne pas modifier la culture d’un studio qui aurait pu lui faire perdre ses talents et son organisation, ce qui était arrivé avec Lionhead (Fable) ou Rare (Sea of Thieves, Banjo-Kazooie…), précédemment rachetés par Microsoft.

Cette indépendance laissée aux studios, qui pouvait paraitre salutaire, s’est plutôt traduite par un sentiment d’abandon :

« Nous avions peur qu’ils viennent changer notre culture, mais notre effondrement est venu de l’intérieur, et nous aurions eu besoin de l’aide de Microsoft.

La réponse de Microsoft et Undead Labs

Face à cette longue enquête de Kotaku, le studio Undead Labs et Microsoft ont apporté chacun des réponses officielles. D’abord Matt Booty, le responsable des Xbox Game Studios chez Microsoft qui promet que la situation s’améliore.

Au cours des dernières années, Undead Labs a connu un certain nombre de changements positifs et nous sommes confiants dans la direction que l’équipe prend pour State of Decay 3, l’un de nos jeux en monde ouvert les plus ambitieux en développement.

La réponse d’Undead Labs formulée par Philip Holt va aussi dans le sens d’une amélioration de la situation.

Notre culture passée ne correspond pas à ce que nous sommes aujourd’hui ni à ce que nous voulons devenir. Nous avons connu de nombreux changements au cours des dernières années : nous avons une équipe de direction entièrement nouvelle, y compris un nouveau directeur et département des ressources humaines en 2021.

Microsoft peut-il réformer Activision-Blizzard ?

Les problèmes soulignés par cette enquête sont malheureusement systémiques dans l’industrie du jeu vidéo. Depuis plus d’un an, de nombreuses enquêtes ont mis en lumière d’énormes problèmes de harcèlement au sein d’Activision Blizzard. Lors de l’annonce du rachat d’Activision Blizzard par Microsoft, Phil Spencer promet « d’étendre » leur « culture d’inclusion proactive aux grandes équipes d’Activision Blizzard ».

Au-delà d’Undead Labs, l’enquête de Kotaku permet de remettre en question la capacité de Microsoft à changer en profondeur la culture au sein d’Activision Blizzard. Ce n’est pas le premier studio de Microsoft à connaitre des problèmes de développement, mais c’est la première enquête qui met en lumière aussi explicitement des problèmes d’inclusivité depuis la direction insufflée par Phil Spencer chez Xbox.

Désormais, Xbox ne pourra plus totalement apparaitre comme le bon élève de l’industrie. Pas tant que la totalité des studios sous son contrôle attestera d’un environnement de travail adéquat.


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