« Le ressenti d’une Peugeot doit rester le même » : on a discuté du volant révolutionnaire des futures Peugeot avec ses créateurs

 
Le concept Peugeot Inception, présenté au CES de Las Vegas en 2023, avait montré la voie : le « steer-by-wire », un système de direction révolutionnaire inauguré par le Tesla Cybertruck, arrive sur les prochaines voitures électriques de Peugeot. Un drôle de volant rectangulaire, l’Hypersquare, l’accompagnera, de quoi aiguiser notre curiosité. Nous en avons discuté avec Matthias Hossann et Jérôme Micheron, responsables du style et de l’innovation de Peugeot.
Hypersquare // Source : Peugeot

Peugeot au CES de Las Vegas ? L’idée peut paraître étonnante, mais c’est ce qu’il s’est passé en 2023, où la marque française a présenté un concept-car inédit : l’Inception. Un concept de voiture électrique qui annonce une révolution à venir : le « steer-by-wire », un système de direction 100 % électronique, arrive sur les prochaines Peugeot, de même qu’un drôle de volant, l’Hypersquare.

De quoi titiller notre curiosité. Nous sommes donc partis interroger Matthias Hossann et Jérôme Micheron, respectivement responsables du style et de l’innovation de Peugeot, pour en savoir plus.

Le steer-by-wire, qu’est-ce que c’est ?

Avant de commencer l’entretien en tant que tel, il est nécessaire de rappeler ce qu’est le steer-by-wire. Il s’agit d’un système de direction entièrement électronique, dans lequel le volant n’est relié par aucune pièce mécanique aux roues.

Illustration du steer-by-wire // Source : Lexus

En d’autres termes, la colonne de direction traditionnelle est remplacée par un calculateur électronique, qui va déterminer selon l’angle du volant, la vitesse du véhicule (et d’autres facteurs) le degré de braquage des roues. La législation oblige à installer de multiples redondances électroniques en cas de défaillance du circuit principal, à l’image de l’aéronautique, qui utilise le steer-by-wire depuis les années 90.

Pour aller plus loin
Tesla “steer-by-wire” : comment le Cybertruck est aussi maniable malgré son poids et sa taille

Cette direction d’un nouveau genre existe actuellement sur une seule voiture, le Tesla Cybertruck, mais on sait que Toyota et Lexus travaillent également dessus. Trois marques dorénavant rejointes, donc, par Peugeot.

Réinventer la roue

Chose capitale à savoir : le steer-by-wire est indissociable de l’Hypersquare – et inversement. Jérôme Micheron le précise : le steer-by-wire « est un sujet d’innovation qu’on travaillait au sein de la marque » avant que l’équipe du style s’en empare. Matthias Hossann nous explique « avoir fait une vraie démarche de design, en illustrant une technologie ».

La dernière génération du i-Cockipt sur le Peugeot E-5008 // Source : Peugeot

Le projet derrière cette nouvelle technologie ? Le nouveau chapitre des planches de bord des Peugeot, connues depuis plus de 12 ans pour leurs « i-Cockpit », défini par un petit volant, un combiné d’instrumentation en hauteur et un écran central tactile. Une architecture qui a connu de nombreuses réinterprétations, dont la dernière forme en date est arrivée sur le duo E-3008 / E-5008, avec une unique dalle incurvée de 21 pouces… avant cette prochaine étape, donc.

Un nouveau rapport à la conduite, des tests déjà en cours

Un nouveau chapitre pour un nouveau rapport à la conduite. Jérôme Micheron l’explique : le steer-by-wire est la réponse de Peugeot à « la transformation de la relation à la conduite » avec l’électrification galopante de la gamme. Et va même plus loin : « on réaffirme finalement un des axes forts de la marque qui est son rapport à la conduite ». Un rapport qui « évolue par rapport à celui d’il y a 20 ans », mais qui « continue à amener de l’agilité, de la réactivité et du plaisir de conduite ».

Peugeot Inception // Source : Peugeot

Le steer-by-wire va cependant modifier en profondeur le ressenti de la direction, et J. Micheron l’admet sans problème : « c’est des sensations qui sont un peu différentes dans la manière de contrôler » la voiture, même s’il n’est pas question, pour autant, de revenir sur le « toucher de route » typique de la marque : « le ressenti d’une Peugeot doit rester le même ».

Pour cela, rien de mieux que des tests grandeur nature. Des tests déjà en cours, d’après J. Micheron : « on a fait des tests avec des clients d’âge et de nationalités différents sur des routes ouvertes », et qui semblent être concluants, avec une prise en main « hyper rapide et intuitive ».

Un nouveau « device de conduite » quasi finalisé

Une technologie qui « méritait plus qu’un volant traditionnel », d’après M. Hossann, ce que J. Micheron confirme : « on s’est dit qu’il fallait absolument traduire cette technologie et ce changement par un système de commande qui soit nouveau ». Un « système de commande », que M. Hossann désigne même en indiquant « un nouveau device de conduite », qui devait « illustrer de manière très iconique » le steer-by wire.

Recherches autour de l’Hypersquare // Source : Peugeot

Le département du style est donc arrivé sur cet hypersquare : un rectangle aux bords arrondis, évidé d’un cercle à chaque coin. Une forme absolument inédite, et qui semble être assez proche de la série : « d’un point de vue formel, ça sera extrêmement proche », précise M. Hossann, avec « une phase de mise au point sur les fonctionnalités associées à chaque cercle » toujours en cours.

La bonne nouvelle, c’est que les fameux tests ont également été concluants sur la forme du volant, d’après J. Micheron : « dès qu’on fait quelques mètres, la confiance est là et on arrive à le contrôler de manière assez libre ». Même si tout ne semble pas encore figé.

Une volonté de démocratisation, une acceptabilité nécessaire

Une chose est sûre : le duo steer-by-wire / hypersquare arrivera sur « une voiture de très grande diffusion en 2026 », d’après J. Micheron, avec une « volonté stratégique de proposer cette technologie au plus grand nombre ». Une volonté qui amène à travailler l’acceptation du grand public, qui pourrait être déstabilisé par ce volant qui n’a rien à voir avec le reste de la production automobile.

M. Hossann l’admet volontiers : « on est en train de travailler le bon niveau d’acceptabilité » de ce volant, avant de préciser : « l’idée, c’est pas non plus d’arriver sur [une forme] qui perturbe trop l’utilisateur ». J. Micheron abonde : « il faut qu’on soit dans ce bon équilibre entre quelque chose qui est disruptif et quelque chose dont le bénéfice est très rapide ».

Schéma de l’Hypersquare sur le concept Inception // Source : Peugeot

Pour cela, la décision a été prise : « on ne veut pas imposer aux clients de devoir réfléchir s’il doit tourner à gauche ou à droite, s’il faut klaxonner ou déclencher des essuies-vitres », bref, tout ce qu’il appelle « les gestes héritages » seront « traités de manière normale » — comprenez via des commodos, contrairement à Tesla.

Peugeot est tout de même bien conscient du fossé entre un volant « traditionnel » et cet hypersquare. Pour rassurer le public, « on aura différents rendez-vous dans lequel on va pouvoir continuer à communiquer et informer les clients sur l’hypersquare et ses bénéfices », nous indique J. Micheron. Un marathon qui a commencé au CES 2023 avec le concept Inception, puis à VivaTech à Paris en mai 2024.

Des bénéfices pour l’architecture intérieure et le conducteur

Outre le nouveau rapport à la conduite, nous étions curieux des bénéfices architecturaux apportés aussi bien par le steer-by-wire, notamment via la disparition de la colonne de direction, que par cet hypersquare à la forme inédite.

Sur la partie technique, Jérôme Micheron sera assez laconique : la disparition de la colonne de direction « n’a pas forcément libéré d’espace spécifique », et admet qu’ils « auraient pu réaffecter l’espace libéré ». Une contrainte peut-être amenée par les plateformes sur lesquelles travaille Peugeot, qui doivent aussi bien accepter les directions « traditionnelles » que les « by wire ».

Peugeot Inception // Source : Peugeot

Matthias Hossann est cependant bien plus prolixe sur les bénéfices de l’hypersquare dans l’habitacle. Deux grands points se détachent : « l’avantage, c’est que sa forme encore plus réduite et rectangulaire va permettre de libérer de l’espace aux jambes lorsqu’on accède à bord du véhicule », nous explique-t-il, avant d’ajouter que sa forme « permet de redescendre les informations de conduite », et donc de « gagner en visibilité » au niveau du pare-brise.

Un dernier point sur les bénéfices en termes de conduite : la diminution drastique des besoins de manœuvrer le volant. « Aujourd’hui, c’est presque deux tours et demi qu’on veut braquer à fond. Avec l’hypersquare, c’est 150 degrés d’un tour à l’autre », m’explique M. Hossann. « C’est un nouveau bénéfice pour les clients dans l’agilité, avec moins de fatigue dans ces nouveaux gestes », ajoute J. Micheron.

Le « Halo Cluster », un objet prospectif

En parlant des informations de conduite, le concept Inception innovait dans le domaine avec le « Halo Cluster », un écran 360° affichant aussi bien des informations pour le conducteur que pour les piétons.

Pour le coup, Matthias Hossann préfère prendre les devants : « je ne peux pas vous le promettre en production », nous annonce-t-il, avant de développer : « c’est une réflexion un peu plus lointaine sur des mises en forme d’écran un peu différentes ». L’idée était de travailler « la mise en scène de l’écran, de sortir des dalles classiques et aussi d’avoir une communication avec l’extérieur du véhicule », mais sans réelle volonté de proposer – du moins à court terme – cette solution sur une voiture de série.

L’hypersquare, une bonne illustration des futures Peugeot

Inutile non plus d’espérer une déclinaison de série de l’Inception, qui prenait la forme d’une grande berline électrique aux caractéristiques alléchantes (architecture 800 volts, autonomie de 800 km) : « on l’a défini comme une logique de manifeste de marque », explique J. Micheron, ce à quoi ajoute M. Hossann : « Inception ne préfigure pas une future silhouette, mais plutôt un état d’esprit ».

Peugeot Inception // Source : Peugeot

Un état d’esprit dont les meilleurs porte-drapeaux sont sûrement l’hypersquare et le steer-by-wire. La volonté numéro un de ces deux responsables ? « Garder un supplément d’âme » en termes de design (« on doit pouvoir reconnaître une Peugeot, que ce soit à 100, 200 mètres, mais aussi lorsqu’on va être à côté », m’explique M. Hossann), mais aussi dans le traitement de la technologie : « chez Peugeot » ajoute-t-il, « on ne souhaite pas mettre des couches de technologie pour mettre des couches de technologie au sein de nos véhicules ».

Une différenciation nécessaire pour tirer son épingle du jeu aussi bien dans un marché global toujours plus chaotique, notamment marqué par l’arrivée des nouveaux acteurs chinois… qu’au sein de Stellantis même. Comment survivre parmi 14 autres marques, tout en se conformant aux fortes contraintes de standardisation et de normalisation voulues au sein du groupe ?

Peugeot Inception // Source : Peugeot

Pour ce dernier point, Jérôme Micheron se veut rassurant : « on a une vraie gouvernance par rapport à nos valeurs propres. Chaque marque a défini son territoire, défini son USP [« Unique Selling Proposition », une qualité exclusive à un produit/une gamme, NDLR], défini ses valeurs. On travaille sur ce que l’on veut qu’un client ressente en conduisant une Peugeot« .

Et quoi de mieux qu’un volant – pardon, un « device de conduite » – rectangulaire pour se différencier du troupeau ? Avec cet hypersquare, Peugeot prend le pari d’une technologie et d’une forme quasi inédites pour vouloir s’imposer comme la marque high-tech du groupe Stellantis. Une chose est sûre : il nous tarde de mettre la main dessus afin d’expérimenter à la première personne toutes les promesses de cette interview. Rendez-vous en 2026 !


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