Le vendredi 29 mars 2024 ne laissera peut-être pas beaucoup de traces dans l’histoire, mais je m’en souviendrai comme étant la date à laquelle la production de la Renault Zoé s’est définitivement arrêtée.
Après 12 ans de bons et loyaux services, la petite voiture électrique française s’est retirée en toute discrétion, sans la moindre communication officielle de la marque. Ce qui me rend triste. Voyez-vous, la Zoé est importante à mes yeux. Et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
La Zoé chez Renault : toute une histoire
Revenons en arrière. La première fois qu’on entend parler d’une Zoé chez Renault, c’est en… 2005, lorsque Patrick Le Quément (un de mes designers préférés) dévoile une mini citadine toute rouge, alors propulsée par un petit moteur essence. Est-ce une esquisse de la Twingo II, on ne le saura jamais puisque Carlos Ghosn, alors PDG de Renault, mettra le projet initial à la poubelle pour proposer à la place un truc tout fade. Fin de l’épisode 1.
Épisode 2 : bienvenue au Salon de Francfort de 2009 où Ghosn, encore, fait feu de tout bois et annonce l’arrivée prochaine de quatre voitures électriques dans la gamme Renault via quatre concept-cars : le Twizy Z.E., le Kangoo Z.E., la Fluence Z.E. et, donc, la Zoé Z.E.
En parallèle, Carlos Iᵉʳ promet monts et merveilles, notamment au travers de chiffres de ventes totalement démentiels et qui contribueront grandement au “non mais n’importe quoi mdr l’autre avec ses bagnoles électriques, et puis quoi encore” général.
Bref. Autant le Kangoo et la Fluence ressemblent plus ou moins à des voitures, autant le Twizy étonne par son gabarit, tandis que la Zoé s’apparente plus à une resucée de biodesign des 90’s. Fin de l’épisode 2.
Épisode 3 : Mondial de Paris 2010. Fini les délires de designers, voici la Zoe Preview, annonçant la version de série « à 90 % ». Les lignes sont sages, douces, accueillantes. De bon augure.
Ainsi, lors de la présentation de la Zoé de série à Genève en 2012, pas grand monde n’est surpris. Malgré les promesses de Renault de commencer les livraisons en 2012, il faudra attendre mars 2013 pour que les premiers clients reçoivent les leurs.
Une voiture électrique compétitive
Penchons-nous sur les caractéristiques de cette citadine électrique. Les dimensions sont habituelles, avec 4,08 m de long et 1,73 m de large pour 1,57 m de haut. Sous le capot, on retrouve un moteur Continental de 88 ch, capable de propulser la Zoé de 0 à 100 km/h en 13,5 s.
Quant à la batterie d’une capacité de 22 kWh, elle autorise une autonomie NEDC allant jusqu’à 210 km (un cycle d’homologation connu pour être très peu représentatif de la réalité, désormais remplacé par le bien plus réaliste cycle WLTP).
Il faut également parler de la recharge. La Zoé innove et inaugure un chargeur développé en interne, baptisé Caméléon, capable d’accepter jusqu’à 43 kW de puissance en courant alternatif (une première !) et de se recharger en 30 minutes… mais avec une contrainte de taille.
Impossible en effet de brancher sa Zoé sur une prise secteur, obligeant les propriétaires à installer une wallbox ! Un point d’échoppe qui sera réglé en mars 2014 par l’arrivée du “flexi chargeur”, au prix d’un rendement absolument catastrophique.
Autre élément sujet à frictions avec le client : la Zoé est vendue… sans batterie, qu’il faut louer entre 69 et 124 € par mois en fonction de la durée du contrat et du kilométrage parcouru.
Cela a permis à Renault de proposer une voiture électrique à un tarif intéressant (15 700 € en entrée de gamme) et de garantir un remplacement en cas de défaillance (ce qui n’est globalement jamais arrivé), mais ne pas posséder “entièrement” sa voiture a pu gêner un certain nombre de potentiels acheteurs. L’achat de la batterie sera disponible en 2018 contre un surcoût de 8 900 € à l’achat, avant que la location ne disparaisse entièrement en 2021.
Des évolutions tout au long de sa carrière
La suite ? Bond temporel jusqu’en janvier 2017, où la Zoé reçoit tout un lot de nouveautés, dont deux nouveaux moteurs. Le moteur Continental (rebaptisé Q90) est ainsi rejoint par les R75 & R90, produits et développés Renault. Ils offrent de meilleures performances en recharges à basses puissa(tu peuxnces, mais limitent la puissance de recharge à 22 kW.
L’autre grande nouveauté, c’est une nouvelle batterie de 41 kWh, portant l’autonomie à 400 km NEDC. Renault, plus prudent, préfère communiquer sur 300 km, plus facilement atteignables en conditions réelles.
Second bond temporel : nous voici en 2019, où Renault présente la phase 2 de sa Zoé. Extérieurement, les éléments annoncés par le E-Sport Concept de 2017 modernisent agréablement la petite ; oh, ce ne sont que de petits changements, mais ils la rendent plus dans l’air du temps.
En revanche, refonte totale de la planche de bord, qui reprend les canons de l’époque : tableau de bord numérique, grande tablette verticale, sélecteur de rapport by wire, inserts en tissu, la qualité perçue fait un énorme bond en avant. Certains pourront regretter l’ambiance très zen de la phase 1, mais ce nouvel agencement est, ici aussi, bien plus moderne et répond aux envies des clients.
Gros changement également sous le plancher de la petite Renault, puisqu’elle reçoit une nouvelle batterie de 52 kWh, pouvant désormais se recharger en DC avec un adaptateur Combo à 50 kW, lui ouvrant les portes des stations de charge rapide florissant un peu partout sur le territoire. L’autonomie passe donc à 390 km selon la toute nouvelle norme WLTP.
De belles évolutions, donc. Tout au long de sa carrière, la Zoé aura tout de même connu trois batteries différentes, passant de 22 à 52 kWh, soit plus du double !
Voilà, c’est la fin de la partie historique, et vous êtes désormais incollables sur les évolutions de la Zoé au long de sa (longue) carrière. Aventurons-nous à présent dans un domaine que j’adore : la surintellectualisation d’une voiture.
I ❤️ Zoé
Voyez-vous, j’aime profondément la Renault Zoé. La raison #1 est toute personnelle : si j’ai aujourd’hui ma place chez Frandroid et que j’écris des trucs sur internet depuis douze ans… c’est un peu grâce à elle.
Mon papier “test” pour écrire sur le premier site qui m’a fait confiance (BlogAutomobile) portait en effet sur l’essai d’un prototype de la Zoé. C’était sur un circuit éphémère construit par la marque sur l’Ile Seguin, alors totalement désaffectée, en marge du Mondial de l’Auto de 2012, et ça a manifestement été assez concluant.
Ce fut le point de départ d’une formidable aventure, remplie de souvenirs incroyables, de nouveaux potes, d’émotions intranscriptibles, et même aujourd’hui d’un taf stable. Rien que pour ça, merci.
La seconde raison de mes remerciements concerne mon enthousiasme pour les voitures électriques. Voyez-vous, j’ai mené une guerre ininterrompue à mes parents pour avoir un prototype de Mini E à la maison quand j’avais 16 ans (en 2010, donc) (c’était un truc incroyable, il fallait passer un casting et payer 475 €/mois pour que Mini daigne te prêter un proto de Mini électrique pendant six mois) (ils n’ont pas cédé).
J’ai ensuite mené une guerre ininterrompue à mon père chaque soir pour qu’il rentre avec une des Fluence ZE dispo en flotte à son taf en 2011 (il ne voulait jamais et je lui en ai beaucoup voulu) (pardonne-moi papa), bref, j’étais insupportable, mais j’étais fasciné par cette nouvelle technologie. Et l’arrivée de la Zoé en 2012 représentait un peu le Graal pour mon petit esprit de l’époque.
Parce que voilà, en 2012, les voitures électriques ne faisaient pas beaucoup rêver. Le duo Peugeot iOn/Citroën C-Zéro et la Nissan Leaf avaient pour spécificités d’être ultra moches, ultra inutilisables et ultra chères.
Quant à la Fluence ZE, certes un peu plus abordable via ses batteries en location, elle était affreusement laide et s’avérait être encore moins pratique que les autres : une longue berline avec quasiment pas de coffre, offrant 150 km à tout péter et dénuée de charge rapide, bon courage (je l’adorais quand même).
Et puis paf, arrive une petite citadine mignonne, pratique, pas trop chère, pouvant se recharger en 30 minutes et avec plus de 200 kilomètres d’autonomie annoncé. Certes, le prix d’achat n’intégrait pas les batteries et certes, on pouvait remercier le Ciel si on dépassait les 160 km d’autonomie en été, mais c’était à mes yeux un tournant absolu. J’y croyais !
Même si ses débuts furent timides (en même temps, en 2013, les possesseurs de voiture électrique ressemblaient plus ou moins à des fous furieux), la Zoé a fait sa place.
En France évidemment, avec environ 160 000 ventes entre 2012 et 2023, mais elle a également eu son petit succès en Allemagne, où elle s’est vendue à environ 100 000 exemplaires. De manière générale, 426 702 petites Zoé sont sorties de l’usine de Flins sur cette période. Ce qui fait que, des Zoé, on en voit quand même beaucoup.
Une place dans nos petits cœurs
Un constat qui me génère un petit pincement au cœur. Pas parce qu’on en voit partout, bien évidemment, mais parce que Renault a décidé qu’il n’y aurait pas de Zoé II. À la place, la marque mise à fond sur le néo-rétro : la Renault 5 E-Tech assurera le show, et d’une bien belle façon, tandis qu’une nouvelle Renault 4 E-Tech jouera la partition de la praticité (avec 4 roues motrices, normalement).
Renault laisse donc tomber un nom qui, en finalement bien peu de temps, est entré dans l’imaginaire collectif. J’ai profité de l’écriture de cet article pour sonder mes proches les moins branchés bagnole. La conclusion est unanime : ils savent que la Zoé, « c’est la voiture électrique de Renault ». Pour autant, à peu près personne sous les 35 ans n’était capable de me dire à quoi ressemblait une Renault 4 ou 5.
Pour être très franc, je trouve franchement dommage que ce nom fondamentalement associé à une citadine électrique soit mis à la poubelle. Des rumeurs indiquent que la Mégane E-Tech qui roule dans nos rues aurait initialement dû s’appeler Zoé, mais nous n’aurons probablement jamais le fin mot de l’histoire.
Parmi les souvenirs gravés dans ma mémoire, j’ai cet instant a priori insignifiant : c’était en juin 2015, je venais de faire faire un tour de la Tesla Model S P85D à un bon pote qui s’avère tenir un centre Porsche. Comme tout le monde, il en est sorti complètement sonné et, en débriefant, il m’a sorti cette phrase : « c’est pas avec des Zoé qu’on va changer le monde ».
Je suis en profond désaccord avec cette phrase. De fait, en ce qui concerne la France (+ l’Allemagne et l’Europe en général dans une moindre mesure), je mets sur un pied d’égalité la fantastique Tesla et l’humble Renault.
Si la Model S a été la première voiture électrique à faire rêver la foule, la Zoé a été pour énormément de monde le premier contact avec la voiture électrique. Que ce soit celle qui dort dans le garage, celle du taf ou celle d’une connaissance, la Zoé a été pour beaucoup la première voiture électrique qu’on a conduit, celle avec laquelle on s’est exclamé pour la première fois « ah ouais, ça fait vraiment aucun bruit quoi », « ah ça pousse ! », « et du coup il n’y a pas de moteur dedans c’est ça ? » et tant d’autres choses qui nous paraissent évidentes aujourd’hui, mais qui étaient une découverte absolue il y a dix ans.
Tu as fait bouger les lignes, très chère Zoé. Et, rien que pour ça, je te remercie du fond du cœur.
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