C’est un fait : en 2024, les voitures électriques se sont moins vendues en France et en Europe qu’en 2023. Voilà qui n’arrange pas les marques, puisque les normes antipollutions européennes (la fameuse règlementation CAFE) se sont corsées en 2025, laissant craindre de lourdes amendes en cas de non-respect des émissions moyennes de CO2.
Dans ce contexte, Luca de Meo, président du groupe Renault (regroupant également Dacia, Alpine et Mobilize), s’est entretenu avec le quotidien belge De Tijd. Et son discours est loin d’être tendre envers l’administration européenne.
Des normes antipollutions qui impliquent des sacrifices
Pour être dans les clous de la règlementation CAFE, qui oblige l’ensemble les voitures immatriculées en 2025 d’émettre en moyenne 95 g de CO2 par kilomètre, Luca de Meo énonce quatre solutions possibles :
- Baisser les prix des voitures électriques, au risque de voir leur valeur résiduelle s’effondrer et compliquer la revente (les déboires actuels de Hertz sur ses Model 3 sont un bon exemple) ;
- Acheter des droits d’émissions de CO2 à des marques ne vendant quasiment que de l’électrique, ce qui reviendrait à donner de l’argent à des sociétés concurrençant frontalement les marques européennes ;
- Payer purement et simplement les amendes (qui pourrait arriver à 16 milliards d’euros pour l’ensemble des marques en 2025) si les coûts pour y arriver les dépassent ;
- Réduire la production de voitures thermiques. De quoi mathématiquement baisser la moyenne CO2, mais qui mettrait en péril l’emploi européen, déjà mis à mal par les plans sociaux de Volkswagen ou Ford. Notons que cette solution a déjà été évoquée par Jean-Philippe Imparato, directeur de Stellantis Europe depuis le départ de Carlos Tavares.
Luca de Meo en profite pour attaquer une nouvelle fois le bien-fondé de ce durcissement, « décidé en 2019 sur des données de 2016 » et non revu malgré les différentes crises (pandémie, guerre en Ukraine, semi-conducteurs, inflation). Un postulat qu’il défend depuis plusieurs mois via son poste de président de l’ACEA, le lobby de l’automobile européenne – depuis remplacé par le patron de Mercedes, Ola Källenius.
Des voitures toujours plus chères à développer et à produire
Autre attaque portée par le président de Renault à l’Europe : l’amoncellement de normes, aussi bien sur la sécurité que l’environnement. « J’ai récemment calculé que huit à douze nouvelles réglementations européennes pour les voitures seront ajoutées chaque année jusqu’en 2030 », annonce-t-il.
Les conséquences sont très concrètes, puisqu’il ajoute : « environ un quart de notre budget de recherche et développement est consacré à l’adaptation de nos voitures à ces nouvelles réglementations », et que « les règles supplémentaires qui sont ajoutées augmenteront les coûts de production d’une voiture de 40 % d’ici à 2030 ».
Les causes sont multiples. Les règlementations toujours plus strictes, comme on l’a vu avec la norme GSR-2 de juillet 2024, obligeant les voitures neuves à être équipées de série de nombreux équipements de sécurité – « pas nécessairement des choses que le client attend ou qu’il est prêt à payer », précise-t-il -, mais aussi la perte de compétitivité, notamment par rapport à la Chine.
« Rien n’a été fait au niveau européen pour garantir à l’industrie automobile européenne un accès suffisant aux matières premières nécessaires à la production de batteries pour les voitures électriques », déclare-t-il. « Les fournisseurs chinois de matières premières vendent aux constructeurs automobiles locaux à leurs coûts de production, alors que nous payons les prix du marché, qui fluctuent énormément ».
Des solutions ?
Voilà qui enfonce le clou par rapport à ses précédentes prises de parole de 2024, où il était déjà critique des politiques européennes. Reste que des pistes se dessinent.
La première : les batteries LFP (lithium – fer – phosphate), moins coûteuses que les NMC (nickel – manganèse – cobalt) actuellement installées dans les Renault électriques. Celles-ci arriveront en 2026 dans la gamme, et devraient représenter « 40 à 50 % » des ventes à terme.
Pour aller plus loin
Voitures électriques : voici les différentes technologies de batteries (sodium, solides, LFP, NMC, NCA…) et leurs avantages
Le PDG de Renault reste également un grand défenseur de l’arrivée d’une réglementation spécifique aux petites voitures, prenant l’exemple des Kei-cars au Japon ou en Chine. De quoi largement baisser les prix de conception ; M. de Meo rappelle qu’à l’heure actuelle, « les exigences des crash-tests pour une Mercedes-Benz Classe S avec un capot d’un mètre et demi sont aussi strictes que pour une Renault Twingo avec un capot d’à peine 30 centimètres », occasionnant « des coûts […] beaucoup plus élevés ».
En parlant de Renault Twingo, la prochaine génération, promise pour 2026 avec un prix démarrant sous les 20 000 euros hors bonus écologique, pourrait faire décoller le secteur – une voiture que Luca de Meo voulait développer en partenariat avec Volkswagen, qui a refusé, au grand dam du patron de Renault, qui rêve d’un « Airbus de l’automobile ».
Dernière solution : un partenariat pur et simple avec des marques chinoises. « Si nous devons rattraper notre retard dans dix ans, nous n’avons pas d’autre choix que de travailler avec les acteurs qui le peuvent, et ce sont les entreprises chinoises », déclare-t-il ainsi. Notons que Renault a déjà installé une équipe en Chine, l’Advanced China Development Center, dans le but de tisser et développer des relations avec des acteurs locaux.
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