SFR devance la concurrence sur le XGS-PON, dernière évolution en date de la fibre FTTH. L’opérateur avait annoncé dès 2018 avoir réussi une première expérimentation en conditions réelles. On attendait le lancement d’un jour à l’autre depuis le mois d’août 2021 : SFR avait affiché prématurément les nouveaux débits sur son site internet et l’on avait repéré une mention de la nouvelle technologie dans le code du test d’éligibilité.
Quand Free ou Orange organisent des conférences de presse grandiloquentes pour annoncer ce genre d’évolutions, SFR s’est contenté d’un bref communiqué de presse. C’est peut-être dû à une volonté de réduire les coûts… En tout les cas, il nous parait clairvoyant de ne pas en faire tout un plat.
Qu’est-ce que le XGS-PON
La majorité des offres FTTH reposent à ce jour sur la technologie GPON (réseau optique passif gigabit), avec laquelle jusqu’à 64 abonnés se partagent 2488 Mb/s (« 2,5 Gb/s ») en débit descendant et 1244 Mb/s en débit montant. Les meilleures offres GPON permettent à chaque abonné d’atteindre 2 Gb/s en réception et 600 Mb/s en émission.
Pour se démarquer, Free a lancé dès 2019 la technologie 10G-EPON, qui porte le débit descendant à 10 Gb/s, partagé par 32 abonnés, mais maintient le débit montant à 1244 Mb/s. L’offre Freebox Delta proposait ainsi un débit descendant au moins quatre fois supérieur aux offres concurrentes, de 8 Gb/s, mais un débit montant à peine supérieur, de 700 Mb/s.
Les trois autres opérateurs nationaux ont préféré miser directement sur la technologie XGS-PON : réseau optique passif 10 gigabits symétrique. Comme son nom l’indique, elle présente l’avantage d’offrir des débits symétriques, égaux en réception et en émission, de 10 Gb/s.
Pourquoi ça ne change presque rien
Premier à commercialiser cette technologie, SFR détrône Free en matière de débits. Il s’aligne sur le débit en téléchargement, à 8 Gb/s, mais le devance (légèrement) sur le débit montant, même s’il s’en tient dans un premier temps à « seulement » 1 Gb/s. SFR nous indique que ce choix n’obéit à aucune contrainte technique, sans préciser ses motivations. On peut supposer qu’il veut éviter de cannibaliser ses offres professionnelles à débits symétriques. Il a néanmoins une grande marge de progression sur le débit montant, contrairement à Free. Soulignons qu’en Suisse, où la technologie XGS-PON est commercialisée depuis quelques années, Swisscom et Salt proposent des débits symétriques de 8 Gb/s, pour 90 et 50 CHF/mois (85 et 47 euros/mois).
Pourtant, même si SFR proposait d’entrée de jeu des débits symétriques de 8 ou même de 10 Gb/s, cela ne changerait presque rien pour les consommateurs, pour plusieurs raisons.
Peu d’éligibles ?
Premièrement, car il y a encore très peu de foyers éligibles. Du fait de leur conception passive, les réseaux de fibre optique déployés depuis les nœuds de raccordement optique (NRO) jusqu’aux abonnés sont compatibles, mais il faut moderniser chaque NRO. Le service presse de SFR nous indique que « près de 2 millions de prises sont éligibles » à son offre à 8 Gb/s, soit 7,7% de ses 26 millions de prises éligibles au FTTH ou au câble.
Peu de matériel compatible
Deuxièmement, car les appareils capables de dépasser 1 Gb/s sont encore rares. Certes, la SFR Box 8X peut répartir son débit descendant de 8 Gb/s sur ses 7 liaisons avec et sans fil. C’est-à-dire que l’on peut espérer réaliser un test de débit à 1 Gb/s simultanément sur 4 ordinateurs reliés à ses 4 ports Gigabit Ethernet (au lieu de 2 sur la SFR Box 8). Et l’on peut espérer atteindre plus ou moins 1 Gb/s en Wi-Fi via le point d’accès Wi-Fi 6 à 4800 Mb/s sur la bande 5 GHz et à 1200 Mb/s sur la bande 2,4 GHz.
Pour dépasser 1 Gb/s avec un seul appareil, la SFR Box 8X accueille un logement SFP+. Un module SFP+ 10GBASE-T (Ethernet à 10 Gb/s) est fourni gracieusement sur demande. SFR nous indique que c’est le seul avec lequel la box est compatible. Ce serait surprenant : Altice Labs propose effectivement une variante de la SFR Box 8X intégrant directement un port RJ45 à 10 Gb/s. On peut supposer que SFR a choisi la version SFP+ pour séduire les clients Freebox Delta, qui se sont équipés de modules fibre, de DAC, de switches et d’interfaces SFP+, cette dernière n’étant pas compatible avec les modules RJ45. Nous ne serions donc pas surpris d’apprendre que la SFR Box 8X prend en charge certains modules tiers.
Or l’Ethernet Multi-Gig est en voie de démocratisation sur certains équipements grand public. C’est le cas sur certaines solutions Wi-Fi 6 maillé haut de gamme (système Netgear Orbi Wi-Fi 6E par exemple). Certains ordinateurs (gaming, création) en sont pré-équipés ; à défaut on peut leur adjoindre une carte PCI-Express ou un adaptateur USB ou Thunderbolt pour 50 à 150 euros. On trouve aussi des switches avec plusieurs ports Ethernet à 2,5 et/ou 10 Gb/s pour 100 à 200 euros, pour profiter du Multi-Gig sur plus d’un appareil.
Pas ou peu d’usages
Mais troisièmement, même si l’on dispose du matériel approprié, les débits permis par la technologie XGS-PON changent au mieux presque rien, au pire rien du tout, pour la quasi-totalité des gens.
En admettant que les serveurs de téléchargement soient à la hauteur, et en admettant que l’ordinateur le soit aussi (il faut notamment un SSD NVMe), le débit descendant de 8 Gb/s (soit 1 Go/s) permet par exemple de télécharger un jeu vidéo de 100 Go en 1 min 40 s, au lieu de 13 minutes 20 s à 1 Gb/s (125 Mo/s). Mais le préchargement et le lancement en cours de téléchargement proposés par certains services de jeux, ou les temps d’installation annulent en partie ces gains somme toute assez anecdotiques.
Le débit montant de 1 Gb/s permet de partager un fichier vidéo de 1 Go en 8 s, au lieu de 16 à 500 Mb/s… La plupart des autres cas d’usage du débit montant sont progressifs et en arrière-plan (sauvegarde en ligne…).
Pour aller plus loin
Comment tester la vitesse de votre connexion Internet
Sur le web, le facteur limitant des applications web n’est pas le débit, mais les temps de traitement (JavaScript…) et les téléchargements asynchrones. Les services cloud les plus gourmands n’ont besoin que d’une fraction de 8 ou de 1 Gb/s. Un programme 4K HDR Dolby Atmos sur Disney+ ou Netflix consomme moins de 25 Mb/s (320 fois moins que 8 Gb/s), un service de cloud gaming consomme environ 50 Mb/s, et diffuser une partie de jeu vidéo sur Twitch consomme plus ou moins 25 Mb/s (40 fois moins que 1 Gb/s).
Last but not least, SFR n’attribue plus systématiquement d’adresse IPv4 publique à ses abonnés, ce qui limite les possibilités d’auto-hébergement, LE cas d’usage profitant le plus d’un débit montant élevé. Face à l’épuisement des adresses IPv4, il utilise le carrier-grade NAT, à cause duquel les abonnés ne sont pas accessibles directement depuis internet.
Une technologie d’avenir
Pour autant, qui peut le plus peut le moins. En déployant la technologie XGS-PON, SFR anticipe l’augmentation des usages. Peut-être pas tant l’augmentation individuelle que l’augmentation générale, due au développement du télétravail et des services en ligne.
Ainsi, le gain principal du XGS-PON n’est peut-être pas tant au niveau de l’augmentation de la bande passante entre l’abonné et son point de mutualisation, qu’entre les points de mutualisation et leurs nœuds de raccordement optique, ce qui repousse les seuils de saturation du réseau aux heures de pointe. Sachant qu’il y a statistiquement très peu de chance que tout le monde ait besoin de 8 Gb/s simultanément, SFR s’offre un coup médiatique au passage, ça ne mange pas de pain.
Orange et Bouygues Telecom devraient l’imiter prochainement. Aux dernières nouvelles, c’est-à-dire depuis l’Investor Day 2019, le premier devait commercialiser la fibre à 10 Gb/s en 2023. Le second n’a encore rien annoncé, mais on sait que la dernière Bbox est évolutive XGS-PON. Il est peu probable que Free change de technologie tant qu’un débit montant qu’il peut pousser à 1 Gb/s suffira, soit avant des années.
Mis à jour le 09/02/2022 à 18h avec les réponses de SFR.
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[…] faire évoluer son infrastructure en conséquence. En février 2022, l’opérateur avait indiqué au site frandroid.com que près de 2 millions de prises étaient éligibles à son offre à 8 Gb/s. Soit, à l’époque, […]
[…] évoluer son infrastructure en conséquence. En février 2022, l’opérateur avait indiqué au site frandroid.com que près de 2 millions de prises étaient éligibles à son offre à 8 Gb/s. Soit, à […]
[…] faire évoluer son infrastructure en conséquence. En février 2022, l’opérateur avait indiqué au site frandroid.com que près de 2 millions de prises étaient éligibles à son offre à 8 Gb/s. Soit, à […]
[…] port WAN avec l’une des box « Multi Gig » du marché, telles que la Freebox Pop ou la SFR Box 8X, ou comme port LAN, par exemple avec un NAS, pour dépasser le gigabit en Wi-Fi ou pour répartir […]
[…] source […]
De quel droit? Ils font ce qu'ils veulent, c'est purement marketing. C'est écrit "jusqu'à" sur les offres, il n'y a aucun débit garanti (ou peut-être 512Kb minimum comme sur les offres ADSL)
J'aurais pas dit mieux.... finalement le XGS-PON est pire que le 10GPON, pour le même download on passe de 32 à 64 clients....
C'est une question de statistique. Le GPON, c'est 2.5Gbps mutualisés pour 64 clients, et pourtant les saturations, quand il y en a, ne sont jamais au niveau de cette mutualisation. Non seulement il y a des mécanismes pour gérer les pics très brefs de saturation, mais surtout le cas où deux abonnés du même arbre GPON le saturent en essayant tous les deux de faire un téléchargement ou un SpeedTest exactement pile au même moment et en ayant tous les deux le matos pour saturer 2Gbps, et bien ça n'arrive absolument jamais. Un peu de lecture pour ceux que ça intéresse et qui veulent approfondir, avec graphs, preuves, débats, et explications techniques à l'appui sur pourquoi la mutualisation à ce niveau là n'est absolument pas un problème : https://lafibre.info/gpon/le-gpon-ne-sature-pas-la-preuve/
la question qui se pose est de savoir de quel droit les opérateurs vendent des abonnements de 2 Gb par exemple alors que ces 2 Gb sont partagés entre 64 clients. J'accepte le fait que le débit dépende de la qualité de la ligne (même si avec la fibre ça ne doit plus jouer) mais clairement pas ce partage. Car ça veut dire que si tous les clients veulent utiliser au maximum au même moment leur abonnement au lieu d'avoir une vitesse de 2000 ils sont une vitesse de 31 et l'écart est suffisamment grands pour considérer qu'il s'agit d'une escroquerie. si on a la malchance sur les 64 clients de tomber sur 2 clients qui consomment toute la bande passante possible (ils auraient tout à fait le droit de le faire) les 2000 se transforment en quelque chose comme 500 maximum. Bref, le grand n'importe quoi marketing continu. Tant que les clients ne porteront pas plainte pour obtenir quelque chose proche de la réalité.
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