Le groupe européen Embracer a annoncé le rachat de la branche occidentale de Square Enix au mois de mai 2022. Il récupère ainsi les studios de développement derrière Deus Ex, Tomb Raider ou encore Legacy of Kain et les licences associées.
Avec cette transaction, le groupe Square Enix se recentre sur le Japon, où ses équipes travaillent sur les prochains épisodes de Dragon Quest, Kingdom Hearts et Final Fantasy, notamment.
C’est dans ce contexte que Stéphane D’Astous a accepté de répondre aux questions du site GamesIndustry.biz. Il s’agit du patron d’Eidos Montréal, l’un des studios occidentaux revendus à Embracer.
La rumeur d’un rachat par Sony
Pour le chef d’Eidos Montréal, comme pour de nombreux analystes du secteur, l’accord avec Embracer est bien un préambule à une autre négociation.
Si je lis entre les lignes, Square Enix Japan n’était pas aussi engagé que nous l’espérions au départ. Et il y a des rumeurs, évidemment, qu’avec toutes ces activités de fusions et d’acquisitions, Sony aimerait vraiment avoir Square Enix dans son giron. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles Sony aurait dit être vraiment intéressé par Square Enix Tokyo, mais pas par le reste. Je pense donc que le PDG de Square Enix, Yosuke Matsuda-san, en a fait une sorte de vide-grenier.
Un tel rachat de la part de Sony aurait du sens. La firme cherche depuis plusieurs mois à renforcer ses studios et les licences de Square Enix sont déjà très associées à la marque PlayStation. À vrai dire, les prochains jeux de Square Enix comme Final Fantasy VII Rebirth, Final Fantasy XVI ou Forspoken sortiront en exclusivité sur PlayStation 5.
Sony s’intéresse également de près aux jeux services et multijoueurs qui rapportent dans la durée. Square Enix en a un exemple plutôt juteux avec le succès de Final Fantasy XIV Online, son MMORPG autant acclamé par la critique que par les joueurs.
Un vide-grenier pour préparer plus gros
Ce qui a pu surprendre Stéphane D’Astous, comme de nombreuses personnes, c’est le prix de revente de la branche de Square Enix à Embracer. On parle de « seulement » 300 millions de dollars à un moment où le seul studio Bungie se revend à 4 milliards de dollars et où Microsoft met 69 milliards de dollars pour Activision-Blizzard. Surtout, Embracer a racheté Gearbox Software (Borderlands) pour environ 1,3 milliard de dollars.
Gearbox a environ 1 000 employés. Eidos en a environ 1 000. Ils ont essentiellement Borderlands et d’autres, et Eidos a cinq fois plus de licences. Alors pourquoi quatre fois moins ? Je suppose qu’il n’y avait pas beaucoup de personnes clés intéressées. Et cela montre la valeur du potentiel d’Eidos, malheureusement.
Espérons que dans son nouveau groupe, Eidos sera en mesure de redresser la valeur associée à ses studios et ses licences.
L’idée que Square Enix a souhaité revendre vite, sans trop négocier le prix de sa branche occidentale, laisse une nouvelle fois penser que la firme était sur un dossier autrement plus important : l’éventuelle revente auprès de Sony.
Le cas des éditeurs japonais
Depuis plus de quatre ans, l’industrie du jeu vidéo est en proie à une grande concentration. Des entreprises comme Microsoft, Tencent et Embracer ont racheté de nombreux studios, mais ce ne sont pas les seuls. EA, Activision-Blizzard et même Sony et Nintendo ont également renforcé leurs studios internes avec des acquisitions.
Jusqu’à présent, ces rachats ont largement épargné le Japon. Les éditeurs comme Sega, Konami, Bandai Namco ou encore Square Enix n’ont pas fait l’objet de rachats, malgré des rumeurs parfois assez ridicules.
Pour l’expliquer, on peut invoquer une différence juridique et culturelle qui rendrait plus difficiles les rachats. La raison est souvent plus simple : les éditeurs japonais sont souvent impliqués dans de nombreuses activités en dehors du jeu vidéo comme l’édition de manga, l’animation ou les casinos. Des activités qui n’intéressent pas forcément les géants occidentaux.
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