Il n’y en a eu longtemps que pour elle. Bien avant de dévoiler la PlayStation 5, Sony avait lancé dans l’arène sa manette DualSense, sa fierté et son argument phare pour plonger dans la nouvelle génération du jeu vidéo. Et celle-ci se dévoila sous toutes les coutures bien avant que l’on sache vraiment de quoi serait capable son acolyte PS5. Il faut dire que la promesse de ce que l’on allait prendre en main, ce lien physique entre le joueur et le jeu, avait de quoi mettre des étoiles dans les yeux. La puissance de la console s’exprimerait de manière tangible aussi dans le retour haptique et les gâchettes adaptatives qui, sans toutefois changer la face du jeu, devaient néanmoins rendre l’immersion bien plus prégnante.
Pour aller plus loin
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Et pour cela, il fallait créer les expériences pour mettre en valeur cette DualSense. C’est la responsabilité qui a été confiée en amont de la sortie de la PS5 à Nicolas Doucet. Formé en Angleterre, expatrié au Japon, ce Français est désormais directeur créatif de Japan Studio, l’un des bras armés de Sony et de la PlayStation dans la création de jeu. Il est surtout l’homme derrière Astro’s Playroom, le jeu qui accompagne le lancement de la console.
Le hardware décide du jeu
Plus qu’un petit jeu familial, ultra-fun et ludique, les nouvelles aventures du petit robot blanc, arrivé sur PS4 avec le PSVR et Astro Bot Rescue Mission, sont avant tout une démonstration de tout ce que la nouvelle manette DualSense peut apporter au jeu vidéo. La mascotte de PlayStation sert ainsi de démonstrateur des gâchettes adaptatives, du retour haptique, mais aussi de l’apport sensoriel que l’ensemble permet à travers de multiples expériences.
Mais qui était arrivé en premier, le jeu ou la manette ? « Ce sont toujours les fonctionnalités du hardware qui nous poussent à prendre des décisions ou à construire un jeu », nous explique Nicolas Doucet, qui chapeaute une équipe de 25 à 30 personnes pour concevoir ses jeux. « Quand on a eu le prototype initial entre les mains, qui ne ressemblait pas du tout à la manette actuelle, on s’est d’abord posé la question de ce qu’on pouvait faire avec. Ça, on ne peut pas vraiment l’imaginer sur un papier, il faut faire des tests. Nous avons alors conçu des démos techniques pour juger de ses possibilités. »
Pendant près d’un an, la team Asobi, comme elle est baptisée chez Japan Studios, va multiplier les tests de la future DualSense au niveau du ressenti et des possibilités. « On faisait des essais sur des démos de tir, de course, sur le rendu de surface et matière », se rappelle Nicolas Doucet. « On avait une galerie de tirs pour tester les réactions, les sensations. Un pistolet ou un fusil à pompe, un arc et des flèches, ce n’est pas la même chose. On cherchait à définir “le clic” des gâchettes. On a aussi fait des démos d’intempéries, le souffle du vent, la sensation de la pluie, etc. pour voir ce qu’on pouvait contrôler. »
Voir, sentir, entendre : le triptyque magique
L’équipe définit alors toute une série d’interactions indépendantes pour appréhender la manette, avec notamment un petit bonhomme nommé « Steps » qui se chargeait d’apprivoiser le retour haptique en circulant latéralement sur une dizaine de surfaces différentes. « Les vibrations sont générées par des ondes sonores qui se mélangent pour obtenir un certain ressenti. Et cela se mélange aussi au son qui sort de la manette. C’est très important de voir à l’écran, de ressentir et d’entendre », relate Nicolas Doucet. Selon lui, la force de la DualSense, c’est aussi de proposer une expérience à trois niveaux de sensation. « Cette trinité de ce qu’on voit, ce qu’on sent et ce qu’on entend crée l’illusion pour le cerveau qui est un peu floué. Et ça marche ! ».
« On avait des vibrations déjà dans le jeu vidéo, mais cette façon de faire du retour haptique, c’est complètement nouveau. On est parti littéralement de zéro », souligne-t-il. « Notre chance, cela a été d’être au Japon et d’avoir les ingénieurs mécaniques de PlayStation pas loin. On a une relation très rapprochée avec ces ingénieurs », reconnaît Nicolas Doucet qui a eu plus de temps pour concevoir son jeu que beaucoup d’autres développeurs. « Les premières gâchettes étaient très dures avec un système en métal à l’intérieur. On sentait vraiment le coup de fusil quand on tirait et on n’avait pas tous les mêmes sensations. Certains mêmes ne ressentaient rien », s’amuse à rappeler ce fan d’innovation. Prise en main, position des vibrations, son équipe a ainsi pu faire des retours rapides aux équipes sur l’utilisation. « Ça a été un véritable casse-tête pour eux, mais on n’a pas influencé son développement », se défend-il.
Après les tests, il restait alors à imaginer l’expérience pour accompagner le futur bijou de PlayStation. Il aura ensuite fallu 18 mois par la suite pour concevoir Astro’s Playroom, entre l’idée et le rendu final. C’est alors que la question de savoir quoi en faire se pose. « On avait le choix entre faire une collection de mini-jeux assez logiques ou un ambassadeur d’une nouvelle technologie », se souvient-il. « On l’a fait par le passé, mais on a voulu cette fois dépasser cela en utilisant Astro, le petit personnage créé pour le PlayStation VR, pour servir d’aimant à toutes ces démos et obtenir quelque chose d’homogène. »
Au final, dans un jeu avec des « aires de jeu », la manette est utilisée pour de courtes séquences expérientielles : souffler dans la manette pour activer un moulin, résister au vent à l’aide de la résistance des gâchettes, sentir les différentes surfaces. Mais tout n’a pas été aussi facile à traduire qu’on pourrait le penser. Astro traverse l’eau, le sable, la neige ou l’herbe, va de la terre au ciel. Saute, se tient sur une corde en équilibre. Tout cela a nécessité de multiples ajustements pour sembler réaliste. « Les sensations du métal, de la glace ou la pluie sont faciles à reproduire. Il y a beaucoup de contrastes pour remarquer les différences. L’eau, c’est plus difficile, car le soutien sonore et visuel est important pour comprendre où on est », admet le papa d’Astro et Eye Toy, premier jeu en réalité augmentée de PlayStation pour la PS2.
Un petit jeu avec de grandes prouesses technologiques
Même si Astro’s Playroom s’apparente à une succession de mini-jeux, il est bien plus que cela. L’idée de plonger son héros au cœur de la console, avec également une part de nostalgie pour les joueurs les plus âgés à travers bon nombre de clins d’œil aux anciennes PlayStation et à leurs accessoires (des artefacts à glaner dans le jeu), est une véritable expérience vidéoludique à part entière. Visuellement, le jeu est soigné. « On a profité des temps de chargement rapides du SSD, de la 4K et surtout des 60 images par seconde qui sont très importantes dans un jeu de réflexes pour apporter de la fluidité. On a quand même du ray tracing dedans », s’amuse à rappeler le Français. Un véritable tour des innovations pour un jeu pas si anodin dans l’histoire de PlayStation.
« Pour nous, le côté ludique et jouet du jeu vidéo était primordial, au cœur de notre réflexion. On n’a pas de narratif réellement, c’est l’immersion qui raconte différemment notre histoire, » explique le directeur créatif. « Le côté physique de la manette avec ses vibrations et son détecteur de mouvement, de pouvoir souffler dedans, avoir le retour sonore et sentir, c’était un bonheur et ça entrait dans une logique de jeu. On a adoré travailler avec cette manette tellement différente. »
Après l’immersion par la vue avec le PlayStation VR, Sony tente de plonger le joueur un peu plus au cœur du jeu vidéo via ce contact direct avec les sensations émises par la manette. Véritable innovation de la PS5, elle nous a séduits par son potentiel encore peu exploité par les autres jeux. Il faut du temps pour développer des ajustements. Nicolas Doucet sait qu’il a été chanceux d’en profiter très en amont du lancement de la PS5 et que tous n’ont pas cette opportunité-là. « C’est un petit investissement, il ne faut pas l’omettre. Ça doit être fait dès le départ. Ça me paraît compliqué d’injecter cela en fin de production », reconnaît-il.
Des prouesses de la DualSense pas forcément pour tous les jeux
On ne doute pas un seul instant que de nombreux jeux vont rapidement s’en emparer. Mais va-t-elle succomber aux charmes de tous ? Pas certain. Pour Nicolas Doucet, sur des jeux courts, c’est plus simple. « Elle me semble parfaite pour accompagner une expérience de course de voiture avec les différents revêtements proposés et même la sensation de vitesse. Sur un open world, avec une soixantaine d’heures possibles, il faudra sélectionner les moments, car ça risque d’être trop de stimulations. Ça ne peut pas être en continu, il faut que les joueurs aient des moments de détente et ne soient pas à fond sans cesse pour vraiment apprécier », analyse Nicolas Doucet. Les mini-jeux de sport de balle, sur du parquet ou du béton, en tapant dans la balle avec un instrument, semblent également propices pour profiter de la manette, selon lui. Sa Team Asobi a déjà procédé à quelques essais, notamment sur du base-ball « parfaitement taillé pour avec la balle et le bruit du bois ou du métal. » De là à voir possiblement arriver un autre jeu…
Si la réalité virtuelle a un peu raté le coche de l’immersion dans le jeu vidéo, ou raté son départ, la manette DualSense pourrait être un nouveau vecteur pour embarquer le joueur dans une autre dimension plus facile à atteindre. Pourra-t-on un jour mêler les deux technologies pour aller encore plus loin ? « On a fait un jeu moins ambitieux que Astro Bot Rescue Mission sur PS VR qui devait permettre de découvrir la réalité virtuelle. Mais, en venant avec la PS5, on sait qu’Astro’s Playroom va toucher beaucoup plus de gens, de famille qui vont s’essayer à la nouvelle console. Peut-être qu’on pourra un jour combiner les deux technologies, mais il faut toujours garder en tête l’accessibilité et la simplicité de l’innovation. » Japan Studio a d’ores et déjà laissé entendre qu’Astro pourrait bien réapparaître plus vite qu’on ne le pense. Et, interrogé sur le sujet, ce n’est pas le principal intéressé qui nous le dément. Un demi-sourire en prime…
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