À la fin de l’été 2020, Tesla présentait une nouvelle cellule de batterie révolutionnaire lors de son Battery Day, nommée simplement : 4680. Deux ans plus tard, les premiers véhicules de la firme d’Elon Musk à en être équipés sortent des lignes de production du constructeur, et il est alors temps de comparer les promesses à la réalité.
Nous allons revenir aujourd’hui sur tout ce que l’on connaît des cellules 4680, afin de tenter de définir leur intérêt en 2022 pour le client comme pour Tesla. En outre, nous rappellerons les principales différences avec les cellules classiques utilisées jusqu’à présent dans les véhicules de la marque, avant d’examiner comment la concurrence a dû répondre à ce qui a été présenté par l’entreprise Texane. Les cellules 4680 vont-elles pouvoir transformer en profondeur le véhicule électrique tel qu’on le connaît en matière de coût, d’autonomie et de puissance de charge ?
Présentation des cellules « 4680 »
Pourquoi parle-t-on de cellules « 4680 » lorsqu’on évoque les nouvelles cellules présentées par Tesla ? Tout simplement car il s’agit d’un cylindre de 46 millimètres de diamètre pour 80 millimètres de haut, en opposition au format classique utilisé jusqu’à présent, baptisé 2170 — vous l’aurez deviné, un cylindre de 21 millimètres de diamètre pour 70 millimètres de haut.
L’image ci-dessus avait été partagée par Tesla lors de la présentation, et résume en quelques chiffres clés le gain espéré en utilisant ce format 4680 par rapport à ce qui était présent en 2020 dans les véhicules de la marque. On y apprend qu’elles stockent cinq fois plus d’énergie et qu’elles dégagent six fois plus de puissance. Bien entendu, les chiffres sont à comparer à une unique cellule 2170, et non pas à un pack de batterie entier : il n’y aura pas cinq fois plus d’énergie stockée dans un pack de cellules 4680 de taille et poids comparables — étant donné qu’il y aura moins de cellules 4680 que de cellules 2170 dans le même volume.
En effet, une fois que le pack de batteries est constitué, l’autonomie espérée avec un pack de cellules 4680 devrait être de 16 % plus importante que sur un pack doté de l’ancien format de cellules, à volume et poids comparable. Ceci devrait par exemple permettre à une Tesla Model Y de dépasser les 650 kilomètres d’autonomie WLTP, contre 565 kilomètres aujourd’hui.
L’avantage de ces cellules 4680, autres que les chiffres rappelés ci-dessus, est la simplification du processus de fabrication, dû à leur design innovant, mais aussi la réduction des coûts. Tesla progresse ainsi drastiquement sur l’un des gros problèmes de la décennie en cours : la production des cellules de batterie. La demande va exploser dans les années qui arrivent, et nul doute que les fabricants disposant d’un circuit de production le moins complexe possible seront les grands gagnants.
Le secret du design des cellules 4680 réside dans un petit connecteur ou languette (tab en anglais), ou plutôt dans l’absence dudit connecteur (tabless design). Habituellement, un ou plusieurs connecteurs métalliques sont soudés au niveau des électrodes d’une cellule, afin de permettre aux électrons de se déplacer du pôle négatif au pôle positif. Avec son design qui élimine ces petits connecteurs, Tesla les remplace par un long conducteur qui parcourt tout le long de l’anode, permettant alors aux électrons de diviser par cinq la distance à parcourir pour passer de l’anode à la cathode.
En minimisant le chemin à parcourir, la température de la cellule grimpera bien moins, limitant alors les risques d’explosion ou d’incendie, mais surtout permettant d’emmagasiner plus d’énergie que dans une cellule plus petite à température équivalente. Ainsi, la promesse de Tesla est de modifier la tendance qui était jusqu’à présent suivie par toute l’industrie, consistant à dire que plus les cellules étaient grosses, moins elles pouvaient charger rapidement.
Attention toutefois à ne pas tomber dans un raccourci que l’on peut lire parfois : Tesla n’a pas promis de réduire le temps de charge grâce à ses cellules 4680, mais a plutôt annoncé qu’il ne serait que très peu augmenté par rapport à ses cellules au format 2170, comme le graphique ci-dessus le résume.
Toute cette théorie sur les nouvelles cellules de Tesla est désormais mise à l’épreuve dans le monde réel, puisque certains véhicules doivent disposer de ce format 4680 pour voir le jour. Voyons alors ce que le constructeur a prévu.
Les véhicules qui devraient en bénéficier
Au moment du Battery Day de 2020, Tesla a précisé ce qui était prévu pour les cellules 4680, sous la forme d’une nouvelle révolution : le pack structurel. Jusqu’à présent, les cellules de batteries étaient assemblées en modules, et plusieurs modules formaient un pack de batterie, qui était ensuite posé sur le châssis du véhicule. Avec ses nouvelles cellules 4680, Tesla prévoit de faire du pack de batterie un élément structurel du véhicule (cell-to-pack), en ce sens où ce serait le pack lui-même qui relierait l’avant à l’arrière de la voiture, en faisant partie intégrante du châssis.
L’idée est novatrice dans l’automobile, mais prend son inspiration dans l’aviation, où les ailes des avions sont parfois construites comme des réservoirs, plutôt que de devoir ajouter un réservoir à l’intérieur d’une aile. C’est le même principe pour le pack de batterie structurel, permettant ainsi une réduction de la masse de l’ordre de 10 %, et économisant jusqu’à 370 pièces et éléments de carrosserie.
Ce pack structurel en cellules au format 4680 est indispensable pour au moins trois véhicules à venir chez Tesla : le Roadster, le Cybertruck, et le Tesla Semi. Vous aurez sans doute remarqué qu’il s’agit là de véhicules annoncés il y a belle lurette (2017 pour le Semi et le Roadster, 2019 pour le Cybertruck), et qu’ils sont loin d’arriver sur le marché.
En effet, outre les retards auxquels nous a habitués la firme d’Elon Musk sur la sortie de ses précédents modèles, il n’est pas envisageable de livrer ce trio de véhicules électriques sans les fameuses cellules 4680. Le Roadster a besoin de leur puissance, et le Semi des économies d’échelle qui ne peuvent être réalisées sur d’autres cellules plus complexes à produire. Le Cybertruck quant à lui demande non seulement ces cellules 4680, mais un processus de fabrication de carrosserie qui n’est à ce jour pas prêt.
Deux ans après la présentation du Battery Day, il existe toutefois quelques cellules 4680 dans la nature, et plusieurs entreprises se sont mises à les produire pour répondre à la future demande de Tesla. Voyons alors d’où viennent ces cellules aujourd’hui.
Qui fabrique les cellules 4680 ?
Tesla possède une ligne pilote de production de cellules 4680 dans son usine de Fremont, en Californie, mais ne parvient pas à tenir les objectifs de production fixés il y a près de deux ans. En effet, lors de la présentation des résultats financiers du deuxième trimestre 2022, l’entreprise a confirmé qu’il n’y avait pas assez de cellules pour produire 1 000 voitures par semaine, ce qui revient à avouer que la production actuelle espérée est sous les 4 GWh.
Le plan était le suivant : produire 10 GWh de cellules 4680 en 2021 avec la ligne pilote de son usine de Fremont, 100 GWh en 2022 en comptant les autres lignes qui allaient être construites. Force est de constater que l’on est à ce jour très loin du compte. Tesla possède bien une ligne de production dans sa Gigafactory d’Austin au Texas en plus de la ligne pilote à Fremont, mais il n’y en avait toujours pas à Berlin ni à Shanghai au second trimestre 2022.
Par conséquent, d’autres acteurs sont venus à la rescousse de Tesla pour fournir des cellules au format 4680 remplissant le cahier des charges du constructeur. De cette manière, Tesla va pouvoir bénéficier d’une quantité de cellules 4680 bien plus importante que ce que peuvent produire ses lignes pilotes.
Nous pouvons notamment citer LG, Panasonic ou même Samsung, avec qui Tesla a conclu des contrats concernant ces batteries, mais malheureusement le volume de production reste à ce jour anecdotique, bien loin des 100 GWh espérés. Quoi qu’il en soit, la production des cellules 4680, aussi faible soit-elle, a permis à Tesla de l’incorporer dans son véhicule phare du moment : la Tesla Model Y. Pour le moment disponible uniquement à la sortie de la Gigafactory d’Austin, elle nous permet de voir ce que peut apporter ce nouveau format de cellule pour le client, mais aussi pour Tesla.
L’intérêt des cellules 4680 aujourd’hui
Les promesses des cellules 4680 n’ont pas nécessairement été bien comprises lors du Battery Day, où certains pensaient que cela allait être une vraie révolution pour le client final. Malheureusement, c’est loin d’être le cas, et le gain sera davantage pour Tesla que pour les consommateurs, au moins dans un premier temps.
Une meilleure autonomie
Les Tesla Model Y livrées avec des cellules 4680 sortant de l’usine du Texas sont scrutées par de nombreuses personnes intéressées par cette technologie prometteuse, et les premiers retours des clients ont permis d’identifier certaines caractéristiques techniques. Tout d’abord, le pack de batterie de ces Tesla Model Y offre une capacité d’environ 63 kWh, et une autonomie en cycle EPA affichée à 450 kilomètres. À titre de comparaison, les Tesla Model Y Grande Autonomie aux USA sont fournies avec un pack de batterie de 78 kWh au format 2170, et l’autonomie en cycle EPA est de 530 kilomètres.
Une charge un peu moins rapide
Ainsi, une simple règle de trois permet d’anticiper l’autonomie d’une Tesla Model Y dotée de 78 kWh de cellules 4680 à 555 kilomètres environ, soit environ 5 % de mieux que l’ancien format, contre environ 16 % annoncés par Tesla à l’époque du Battery Day. En outre, les premiers tests de Supercharge ont révélé une courbe de charge qui n’avait rien d’extraordinaire, puisqu’il a fallu 30 minutes pour passer de 5 à 80 % de batterie, alors qu’il faut cinq minutes de moins pour le même exercice sur des Tesla dotées de cellules au format 2170.
Cependant, cela était à prévoir, tout d’abord parce que Tesla utilise les données issues de sa flotte pour optimiser les courbes de recharge au fur et à mesure de la durée de vie des véhicules, mais également à cause du plus gros diamètre des cellules, qui limitera la puissance de charge admissible. Nous en avions parlé plus haut, la difficulté des cellules plus grosses réside dans leur capacité à supporter des charges rapides, et même si Tesla avait annoncé réussir à limiter l’impact sur la durée de Supercharge, il ne promettait rien de mieux que l’actuel.
Les gains pour le client final ne sont à ce jour pas là, mais pour Tesla, les 4680 vont permettre des économies d’échelle conséquentes, qui seront – on l’espère – répercutées sur le client final lorsque la production aura décollé. C’est une économie de l’ordre de 56 % au niveau du coût du kilowattheure à produire qui est attendue, répartie en différents endroits de la chaîne de production :
- 14 % grâce au changement de format de cellule
- 18 % grâce à la réduction de la consommation d’énergie et de la taille de la ligne de production
- 5 % grâce à l’utilisation de silicone dans la cellule
- 12 % grâce à des améliorations au niveau de la cathode
- 7 % grâce au pack structurel
En outre, si des réductions de poids avaient pu être attendues, les derniers comparatifs entre une Tesla Model Y Grande Autonomie dotée de 78 kWh de cellules 2170, et une Tesla Model Y sortie de l’usine d’Austin, avec 63 kWh de cellules 4680 montrent un très faible écart sur la balance. En effet, malgré les quelque 15 kWh de moins, il n’y a que 9 kilogrammes de moins pour la Model Y embarquant les cellules au format 4680. Toutefois, il est probable que des optimisations arrivent par la suite, notamment au niveau des éléments de carrosserie.
Une future baisse de prix ?
Ainsi, bien qu’il faille attendre que les volumes de production décollent, Tesla pourra drastiquement réduire les coûts liés à la fabrication de batteries et donc le prix d’achat de ses véhicules. Cela lui permettra également de lancer les Cybertruck, Roadster et Semi. Mais Elon Musk a récemment annoncé qu’aucune baisse de prix n’aurait lieu sans réduction de l’inflation.
Bien que Tesla ait fait forte impression avec ses cellules 4680, d’autres acteurs comptent bien se faire une place au soleil, et ne pas laisser Tesla seul en tête. Examinons alors les propositions des autres fabricants pour tenter de battre l’entreprise texane au jeu de la meilleure batterie possible.
La concurrence s’organise
Si certains constructeurs, à l’instar de Kia, Hyundai ou Porsche, se targuent d’ores et déjà de proposer des batteries à l’architecture 800 Volts qui permettent de recharger bien plus vite que les futures batteries 4680 de Tesla, le géant chinois CATL semble aller encore plus loin. En effet, il a annoncé au début de l’été 2022 une future batterie nommée « Qilin 3.0 » offrant jusqu’à 1 000 kilomètres d’autonomie, et une charge de 10 à 80 % de batterie en dix minutes seulement. Le rendez-vous est pris pour 2023 en ce qui concerne les premiers véhicules qui en seront équipés.
Plus récemment, CATL toujours, a promis de diviser ce temps par deux, en atteignant 80 % de charge en cinq minutes seulement grâce à de nouvelles cellules dont les détails ne sont pas encore connus. Les délais n’ont pas été communiqués sur cette nouvelle technologie, mais Tesla ne sera définitivement pas seul à proposer des cellules ayant des propriétés inédites.
Les innovations de CATL profiteront toutefois sans aucun doute à Tesla, qui cherche à s’approvisionner en cellules de batteries de toutes les manières possibles. Actuellement, CATL fournit les packs de batterie LFP (Lithium-Fer-Phosphate) des Tesla Model 3 Propulsion pour l’usine de Shanghai, montrant que la firme d’Elon Musk ne rechigne pas à avoir un partenariat avec le géant chinois du secteur. En Europe, Volkswagen a aussi débuté sa révolution dans le monde des batteries, avec sa fameuse cellule unifiée qui va bientôt être produite en Allemagne.
Il est ainsi fort probable que le futur des véhicules Tesla ne soit pas uniquement composé de batteries avec des cellules au format 4680 : tant que la demande est bien supérieure à l’offre, la firme d’Elon Musk a tout intérêt à accepter les cellules de tous horizons, tant que ces dernières respectent le cahier des charges imposé.
Quoi qu’il en soit, dans un contexte de pénurie de matières premières qui s’est drastiquement accentué, les cellules 4680 de Tesla ne sont pas près d’être majoritaires dans les différents véhicules du groupe. L’année 2023 sera sans aucun doute déterminante, avec la Gigafactory de Berlin qui devrait commencer à produire ses propres cellules d’ici là.
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