Il y a quelques semaines, nous étions invités à New York pour découvrir en avant-première les nouveautés d’Alienware et de Dell. L’occasion de prolonger notre séjour pour essayer deux voitures qu’on ne peut ou qu’on ne pouvait encore tester qu’aux États-Unis : la Lucid Air, dont nous publierons prochainement l’essai, et la Tesla Model S Plaid pour laquelle nous vous avons livré notre avis dans un essai complet.
Essayer une Tesla aux États-Unis était une occasion unique d’essayer la « capacité de conduite entièrement autonome », le fameux « FSD » (Full Self-Driving), dont Tesla a lancé le programme bêta à l’automne 2021, et qui reste aujourd’hui réservé à l’Amérique du Nord.
En quête d’une Tesla avec FSD
De même qu’il ne fait pas de publicité conventionnelle, Tesla n’a plus de service presse aux États-Unis. Pour essayer la nouvelle Model S, nous nous sommes donc tournés vers Turo, le Airbnb de la voiture.
Nous tirons un premier enseignement du processus de réservation : aucun loueur professionnel ne propose le FSD. Certains louent même des Plaid avec le mode d’accélération verrouillé sur « Confort », donc seulement pour la frime. La seule que nous trouvons, sur l’autre rive de l’Hudson River, appartient à un particulier. Lorsqu’il nous livre et nous présente la voiture à Manhattan, il nous avoue qu’il élude souvent la présentation du FSD (ici en version 10). Soulagé que nous soyons journaliste spécialisé, il nous encourage au contraire à l’essayer, mais nous déconseille de l’utiliser à Manhattan.
3 nuances de conduite autonome
Nous avons justement prévu de passer une journée à Greenwich, province chic de l’État voisin du Connecticut, afin de confronter la voiture à toute une panoplie d’environnements : mégalopole, autoroute, campagne… Nous faisons l’aller avec l’Autopilot amélioré, ce qui nous donne l’occasion de récapituler les trois niveaux de conduite autonome disponibles aujourd’hui chez Tesla.
Tesla propose depuis des années l’« Autopilot » de base, de série sur toutes ses voitures depuis quelque temps. C’est la combinaison d’un régulateur de vitesse adaptatif, qui maintient une vitesse tout en maintenant une distance avec le véhicule précédent, et une « assistance au maintient de cap », qui maintient le véhicule au centre de sa file. Conçu pour l’autoroute, il fonctionne en pratique sur n’importe quelle voie délimitée par des lignes, et peut donc être utilisé sur toutes sortes de voies rapides. Le conducteur doit garder ses mains sur le volant et rester vigilant, il doit superviser la conduite.
Avec l’« Autopilot amélioré », une option aujourd’hui facturée 3 800 euros, la voiture propose en plus le « changement de voie automatique ». Aux États-Unis, une Tesla ainsi équipée peut s’insérer automatiquement sur une autoroute, dépasser automatiquement un véhicule plus lent, emprunter un échangeur, donc diriger la voiture de l’entrée d’une autoroute jusqu’à la bretelle de sortie d’une autre autoroute, sauf aux péages et dans les zones de travaux. En France et en Europe, le conducteur doit valider tout changement en enclenchant le clignotant dans la bonne direction. Sans cette option, le conducteur doit désactiver et réactiver le maintient de cap après avoir effectué manuellement chaque manœuvre.
Enfin, Tesla propose l’option « capacité de conduite entièrement autonome », « Full Self-Driving Capability » en version originale, avec laquelle le constructeur promet à terme une « conduite automatisée en ville ». C’est cette fonction qui fait l’objet d’un programme bêta, qui s’ouvre progressivement à un nombre grandissant d’américains qui ont commandé l’option, aujourd’hui facturée 15 000 dollars aux États-Unis, et qui ont un bon score de sécurité selon l’analyse de leur voiture. La Model S que nous avons louée en était donc équipée.
« La mauvaise chose au pire moment »
Lorsque nous sommes arrivés à Greenwich, nous nous sommes empressés d’ouvrir les réglages et de cocher « Full Self-Driving » dans la catégorie « Autopilot ». Le logiciel rappelle que la conduite autonome n’est qu’au début d’une bêta en accès limité et qu’elle « pourrait faire la mauvaise chose au pire moment ». Il appelle à prêter une attention constante à la route et à se tenir prêt à réagir instantanément.
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On peut ensuite choisir parmi trois profils de conduite autonome : Chill, Average et Assertive en anglais, qu’on pourrait traduire respectivement par calme, intermédiaire et affirmé. Nous avons choisi Average, qui est le réglage par défaut.
Dès lors, on peut engager l’Autopilot n’importe quand et n’importe où sur le réseau routier, y compris en ville, donc, et la voiture commence à conduire vers la destination choisie sur le système de navigation.
Sensations inédites
Nous avons beau être friands de pilotes automatiques, et nous avons beau avoir participé à plusieurs démonstrations de conduite autonome, ça fait drôle la première fois qu’on est seul au volant derrière le volant d’une voiture qui accélère sans hésiter jusqu’à la vitesse limite de 25 mph (40 km/h) dans une vraie rue d’une vraie ville. Après une première ligne droite, le long de véhicules en stationnement, dans une rue à double sens de circulation sans ligne de délimitation, ce qui est déjà une expérience relativement inédite, vient l’épreuve du feu : le premier virage à angle droit, que notre Model S négocie presque comme on l’aurait fait nous-mêmes. Après les premières manœuvres, on se détend d’un cran et on redevient le nerd curieux d’expérimenter, prudemment, les capacités et les limites de cette technologie.
Ci-dessus et ci-dessous, quelques plans vidéo bruts illustrant différentes phases de conduite autonome, avec quelques « désengagements » (désactivations), comme on dit dans le jargon.
Lorsqu’on active la conduite autonome dans les réglages, on active aussi la nouvelle visualisation de la circulation sur le combiné d’instrumentations. Avec l’Autopilot standard ou amélioré, l’écran derrière le volant affiche une représentation relativement simplifiée de ce que « voit » la voiture. Avec la visualisation FSD, qu’on peut d’ailleurs activer séparément si on le souhaite, l’écran affiche presque tout ce qui est susceptible d’affecter la conduite : s’ajoutent les délimitations de la chaussée en rouge (trottoirs), les marquages au sol, les passages piétons, les piétons, les cyclistes ou encore les voitures en stationnement. Quand on circule en conduite autonome, nous nous assurons ainsi constamment que la voiture voit et interprète correctement le « monde ».
Pour le meilleur et surtout pour le pire
Très vite, nous sommes confrontés à quelques-unes de ces innombrables situations où il faut faire une exception au code de la route. Comme lorsqu’un véhicule d’intervention stationne sur notre voie et qu’il faut franchir la ligne continue pour passer. Le FSD nous impressionne en passant le plus naturellement du monde, une première fois sans ralentir, car la visibilité est parfaite, mais en ralentissant une deuxième fois quand une personne est susceptible de surgir de derrière le camion. Il nous impressionne aussi dans la fluidité et surtout l' »humanité » avec laquelle il négocie généralement les virages et réalise les manœuvres d’évitement.
Mais nous sommes tout aussi rapidement confrontés à des ratés. Ainsi, alors qu’elle est en pleine réaccélération après un virage, notre Model S ralentit soudainement juste avant de passer un piéton qui marche sur son trottoir et qui ne manifeste aucune intention de traverser. La Model S a beau être une voiture silencieuse, on l’entend tout de même arriver dans son dos (bruits d’air et de roulements), et le piéton se retourne en se demandant ce qui se passe. Si un autre véhicule nous avait suivis à une distance normale, le conducteur se serait sans doute fait une frayeur.
Il lui arrive aussi de ralentir excessivement lorsqu’elle traverse certains carrefours ou certains aménagements, même lorsqu’elle est prioritaire. Ou bien, il lui arrive de s’arrêter à un stop, de repartir, puis d’hésiter au milieu du carrefour. Qu’il s’agisse d’excès de prudence, ou plus vraisemblablement de mauvaises interprétations de la situation, ces comportements étranges suscitent confusion et dangers : les autres usagers de la route peuvent penser qu’on leur cède le passage par courtoisie et risquent de s’engager.
À l’inverse, la conduite autonome prend parfois des risques excessifs, ou plus probablement inconsidérés. Elle file par exemple sur une route sur laquelle un SUV s’apprête à s’engager en marche arrière, tandis qu’un obstacle obstrue la vue vers son conducteur (donc réciproquement, son conducteur ne nous voit pas non plus). Nous saisissons le volant pour nous déporter par précaution. Ou bien encore, elle change de direction en plein carrefour. On ne comprend qu’après, grâce à la vidéo ci-dessus, que le système de navigation a changé d’itinéraire au milieu du carrefour et que la conduite autonome s’est exécutée sans préavis.
Sur voie rapide, elle reste dans l’angle mort d’un immense semi-remorque susceptible de se rabattre sur notre voie, ou bien fait une queue de poisson à un véhicule qu’elle vient de dépasser. On n’ose imaginer le résultat avec le profil « Assertive« , censé être plus dynamique dans la conduite.
Enfin, de retour à New York, nous avons vite compris pourquoi le loueur nous avait déconseillé de l’utiliser à Manhattan. Malgré une infrastructure en apparence simple, constituée essentiellement de rues à sens unique et à angle droit, le pilote automatique perd les pédales lorsqu’il est confronté à des voies de sélection (voies pour tourner à gauche, aller tout droit ou tourner à droite), lorsqu’il traverse de grands carrefours loin de tout marquage au sol ou lorsqu’il doit esquiver une zone de travaux ou un véhicule stationné en double file.
Il renonce et il faut immédiatement reprendre la conduite manuelle. Il y a du chemin avant de réussir un slalom géant parisien, avec ses couloirs de bus et pistes cyclables qui apparaissent, disparaissent et changent de côté, ses micro voies de sélection, ses carrefours paralysés, ses deux-roues et ses piétons qui se faufilent, etc.
La route est encore longue
Oui, dans les environnements moins denses, tel qu’en banlieue ou en province, le Full Self-Driving de Tesla peut probablement vous emmener à destination, parfois. Mais il aura certainement fallu se retenir d’intervenir plusieurs fois en chemin, pour interrompre un freinage inopiné ou au contraire se déporter davantage. Surtout, il aura fallu rester en hyper vigilance et sur le qui-vive tout le long du trajet. Le FSD augmente aujourd’hui la charge mentale du conducteur et il est encore loin de la réduire autant que le fait l’Autopilot sur autoroute.
À ce stade et, sachant que la bêta a commencé il y a un peu plus d’un an, probablement pour quelque temps encore, se laisser conduire par la « conduite entièrement autonome » de Tesla relève donc davantage du défi que du confort. On défie un peu, avec une grande vigilance, les limites du danger, et on défie surtout les normes sociales, quand le pilote automatique a un comportement techniquement sûr, mais bizarre et imprévisible.
On sait que Tesla va bientôt revoir l’équipement de l’Autopilot avec son HW4 lors de la conférence du 1er mars prochain. Une publication réglementaire a récemment révélé que le « Hardware 4 » comportera deux caméras frontales au lieu de trois, mais qu’elles seraient d’une définition supérieure.
On sait en effet que les caméras existantes ne font qu’1,2 mégapixel (1280 x 960 pixels), or on peut supposer que c’est insuffisant pour estimer avec une précision et une confiance suffisantes la position et la trajectoire d’objets. Ce qui pourrait expliquer, par exemple, les freinages inopinés lorsqu’on dépasse un piéton marchant sur le trottoir. Dans sa quête du minimalisme et du low cost, Tesla aura aussi essayé de supprimer tout radar, se reposant exclusivement sur la vision par ordinateur (computer vision). Mais on sait aussi que le constructeur envisage de recourir de nouveau à la technologie radar, ce qui coïncide avec l’arrivée sur le marché de nouveaux radars haute résolution.
Alors faut-il payer l’option Full Self-Driving, vendue 15 000 dollars aux États-Unis ou encore 7 500 euros en Europe ? Quand on sait qu’Elon Musk promet un lancement imminent depuis plusieurs années, quand on sait que Tesla a bidonné LA vidéo promotionnelle du FSD et quand on sait enfin qu’il faudra probablement changer (en théorie gratuitement, mais la compatibilité n’est pas garantie) une partie de l’équipement, nous répondons que c’est un pari osé.
Soit la conduite autonome ne marchera vraiment qu’après que vous ayez revendu votre Tesla, soit le prix augmentera tellement que vous aurez fait une affaire. Une seule chose est sûre : la route est encore longue avant d’atteindre le niveau de confort et de sérénité qu’apporte, sur autoroute, le pilote automatique existant, qui lui, est de série ! Si longue qu’on n’est pas à l’abri qu’un concurrent, tel que Mercedes, qui prépare lui aussi une conduite autonome de niveau 3, le rattrape et finisse par lui griller la priorité !
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