Au Mondial de l’automobile de 2023, la voiture électrique était en vogue, qu’elle soit européenne ou chinoise, avec notamment la présence de BYD. Le numéro 2 mondial… derrière Tesla. La voiture à hydrogène était également de la partie, avec deux start-ups française : Hopium, qu’on ne présente plus, avec sa Machina, et NamX avec son HUV. Le point commun de ses deux voitures : la présence d’un moteur électrique et d’une pile à hydrogène. Pourtant, il semblerait que la voiture à hydrogène ne soit pas vraiment le futur de l’automobile selon Elon Musk et Tesla.
Résumé des deux précédents épisodes
À la fin du mois de mars, l’entreprise américaine a mis en ligne sur son site Internet la partie 3 de son Master Plan : « l’énergie durable pour la Terre« . Celui-ci fait suite aux parties 1 et 2, qui avaient été rédigées par Elon Musk. Les deux premières parties se focalisaient sur le secteur automobile… ou presque.
Le Master Plan de 2006 fait ainsi référence aux Tesla Roadster, Tesla Model S, Tesla Model 3 ainsi qu’aux panneaux photovoltaïques. Le Master Plan de 2016 allait un peu plus loin, en citant les tuiles solaires, de nouveaux véhicules (Tesla Semi et The Boring Company), à la conduite 100 % autonome. Mais aussi le fait de gagner de l’argent avec sa voiture grâce au fameux Tesla Robotaxi. Le Master Plan de 2023 va beaucoup, beaucoup plus loin.
Déjà, il ne s’agit plus d’un simple article de blog, mais d’un document ultra complet, détaillé et sourcé de 41 pages. La lecture (en anglais) est très intéressante si vous suivez de près le sujet de l’énergie. Mais attention, c’est technique. Le but de ce nouveau Master Plan est de montrer qu’il est plus intéressant financièrement d’abandonner les énergies fossiles pour les remplacer par de l’électricité renouvelable. Ce qui va dans le sens des différents rapports du GIEC et d’autres organismes reconnus au niveau mondial.
Mais là où le Master Plan se distingue, c’est par son côté très précis sur le gain financier. Un chiffre à retenir : se passer totalement des énergies fossiles sans changer nos modes de vie requiert 60 % d’investissements en moins que de continuer sur la voie actuelle. Tesla estime un investissement d’environ 10 billions de dollars pour passer au 100 % énergies renouvelables d’ici 20 ans, contre 14 billions avec un mix énergétique qui requiert de continuer d’investir au rythme actuel dans du charbon, du gaz naturel et du pétrole.
La fin de la voiture thermique
Et pour passer au 100 % d’énergies renouvelables, il va falloir tirer un trait sur la voiture à moteur à combustion (essence, diesel, etc.). Et ça tombe bien, car c’est ce que prévoient de nombreux pays à travers le monde. En Europe, il sera interdit de commercialiser une voiture neuve qui n’est pas neutre en CO2 à partir de 2035. Une formulation floue qui ouvre la voie aux carburants de synthèse. Mais également aux voitures à hydrogène.
Beaucoup voient la voiture à hydrogène comme le futur de la voiture électrique. Une proposition qui ferait de la voiture électrique à batterie, un produit ringard. Pourtant, la voiture à hydrogène à de nombreux obstacles sur sa route. Nous avons déjà abordé le sujet dans nos colonnes à de nombreuses reprises. Et nous le faisons aujourd’hui à nouveau à l’occasion du nouveau Master Plan de Tesla et d’Elon Musk.
Dans ce livre blanc, la firme américaine veut donner l’impulsion nécessaire au niveau mondial pour limiter le réchauffement climatique. Bien que ce terme ne soit jamais utilisé dans le rapport. Officiellement, ce dernier a pour objectif de montrer la voie à la fourniture d’énergies renouvelables pour le monde entier. Sous-entendu, de se passer des énergies fossiles, pour tous les usages, dans tous les pays du monde.
Tesla et l’hydrogène : pas pour les voitures
De nombreux chapitres sont abordés, à l’image du transport qui nous intéresse aujourd’hui. Est-ce que l’hydrogène est de la partie ? Rassurez-vous : oui. Tesla croit en l’hydrogène. Mais pas du tout pour les voitures électriques… ni pour l’industrie du transport. Enfin, presque.
Tesla est persuadé que l’hydrogène sera massivement utilisé pour les processus industriels qui ne peuvent pas s’en passer. Cela sera par exemple le cas pour fabriquer de l’acier. Ou tout simplement, pour remplacer l’hydrogène gris (produit à partir d’énergies fossiles) en hydrogène vert (produit à partir d’énergies renouvelables), pour les besoins industriels là encore.
Là où l’hydrogène aurait tout son sens, selon Tesla, c’est dans le domaine de l’aviation. Et plus précisément pour les vols long-courriers. L’idée est d’utiliser du carburant synthétique (oui, le même que Porsche veut utiliser dans ses 911 que nous avons essayées), produit à partir d’hydrogène. Les vols long-courriers étant responsables d’environ 80 % de l’énergie dépensée par l’aviation. Les 20 % restants (courts et moyens courriers) pourront, selon Tesla, utiliser des batteries classiques, à l’image des voitures électriques.
Mais Elon Musk se veut confiant : les avions électriques remplaceront à terme les avions utilisant du carburant de synthèse. Cela grâce au développement des batteries dotées de meilleures densités (à l’image des batteries solides par exemple). Il y a d’ailleurs déjà des prototypes d’avions 100 % électriques fonctionnant avec des batteries. Mais destinés aux vols courts courrier pour le moment. Les innovations majeures à venir dans le domaine des batteries (comme les batteries semi-solide) devraient faciliter ce genre de projets.
Pourquoi les avions n’utiliseront pas d’hydrogène ?
Si le GIEC laisse la place à l’utilisation de l’hydrogène pour le transport lourd (camions, bateaux, avions, etc.), Tesla se limite aux avions pour les vols long-courriers, mais comme une énergie permettant de créer du carburant synthétique. Pas comme un vecteur énergétique alimentant directement des moteurs électriques. En d’autres termes, dans la vision qu’à Tesla du futur, les avions long-courriers continueront d’utiliser des moteurs à combustion avant de passer au 100 % électrique, sans passer par la case hydrogène.
Mais pourquoi ne pas utiliser l’hydrogène pour alimenter directement des moteurs à combustion, ou pour alimenter des moteurs électriques via une pile à combustible ? Cette question n’est pas abordée dans le Master Plan d’Elon Musk. On imagine que les contraintes liées à l’hydrogène rendraient plus difficiles et moins compétitives ces solutions. L’hydrogène nécessite en effet des réservoirs sous pression (avec toutes les questions de sécurité qui vont avec).
Pour Elon Musk et son équipe, les bateaux seront électriques, grâce à l’utilisation de batteries, avec des arrêts de recharge pour les liaisons intercontinentales. Là encore, pas d’hydrogène à l’horizon ou de carburants de synthèse. Il faut dire qu’intégrer de grosses et lourdes batteries sur un bateau pose moins de soucis que sur un avion qui cherche à être le plus léger et compact possible.
Comme on peut le voir avec ce résumé du Master Plan pour sa partie transport, l’hydrogène n’a pas vraiment sa place. Ou si, mais une toute petite place, temporaire, pour réussir à réaliser la transition entre les avions classiques et les avions 100 % électriques pour les vols long-courriers. Dans le rapport, Tesla ne donne pas les raisons pour lesquelles l’hydrogène n’est pas retenu pour le transport. Mais l’entreprise américaine n’en a pas besoin. La littérature scientifique et technique sur le sujet est déjà en accès libre.
Pourquoi Tesla et Elon Musk ne veulent pas de voiture à hydrogène ?
D’ailleurs, Elon Musk a déjà annoncé publiquement, dans diverses interviews, pourquoi il ne croyait pas en la voiture à hydrogène. Pour le milliardaire américain, l’hydrogène est une mauvaise manière de stocker l’énergie, à cause de la manière dont ce vecteur énergétique est produit, comme a pu le relayer le média américain CNBC. Selon Musk et de nombreux experts, l’hydrogène doit être réservé pour les usages qui ne peuvent pas être décarbonés autrement.
En effet, le gros avantage de l’hydrogène, c’est sa densité énergétique, largement supérieure (pour le moment) aux batteries. C’est pour cette raison que Volkswagen avait un temps envisagé une voiture à hydrogène dotée de 2 000 km d’autonomie. Mais l’hydrogène a beaucoup d’inconvénients. Le premier et le plus important, c’est le très mauvais rendement d’une voiture à hydrogène comparé à une voiture électrique comme on peut le lire en détail dans ce papier de Connaissance des Énergies.
Pour faire simple, pour une même distance parcourue, une voiture électrique va consommer environ trois fois moins d’énergie électrique qu’une voiture à hydrogène. Cela s’explique facilement : l’énergie de la voiture à hydrogène nécessite de nombreuses étapes et conversions (électrolyse, transport, distribution et stockage, conversion en électricité, etc.) avant de pouvoir faire tourner les roues.
L’hydrogène comporte aussi d’autres obstacles, un peu moins gênants, mais qui font de ce vecteur énergétique une mauvaise pioche pour la voiture électrique. On peut citer les risques de fuites, le surcoût des voitures et des infrastructures de recharge, et les coûts de fonctionnement. Il sera toujours plus cher de fabriquer de l’hydrogène vert à partir d’électricité, plutôt que d’utiliser directement celle-ci pour alimenter une batterie.
La sobriété énergétique, à ne pas oublier
Et bien sûr, un élément à ne pas oublier : les usages de l’électricité vont augmenter, dans tous les domaines. Que ce soit au niveau des industries, mais aussi au niveau résidentiel, avec par exemple le remplacement des système de chauffage au gaz par des pompes à chaleur électriques. En d’autres termes, la consommation mondiale d’électricité va augmenter.
Il semble alors totalement déraisonnable de miser sur la voiture à hydrogène, qui consomme plus d’énergie que la voiture électrique. Rouler en voiture électrique pourrait se résumer à faire preuve de sobriété énergétique par rapport à rouler dans une voiture à hydrogène.
Mais la voiture électrique n’est pas exempte de défaut. Elle ne peut pas être qualifiée de voiture propre. Elle pollue toutefois moins qu’une voiture essence ou diesel, en prenant en compte tout son cycle de vie.
Sachant que celui-ci sera de plus en plus propre au fur et à mesure que les batteries et les voitures seront produites à partir d’énergies renouvelables, comme par exemple en Europe. Les batteries LFP sans cobalt sont déjà une réalité et les batteries au sodium (sans lithium) arrivent cette année en Chine. De quoi enterrer irrévocablement la voiture à hydrogène ?
Certains argueront que l’autonomie des voitures électriques est trop faible par rapport aux voitures à hydrogène. Mais cela est un faux problème : les voitures électriques qui se rechargent en 10 minutes sont prévues pour 2023 (notamment la Zeekr 001), à condition d’avoir une infrastructure de recharge compatible. Et c’est sans compter sur l’autonomie des voitures électriques qui augmentent drastiquement, avec la barre des 1 000 km qui commence à se rapprocher.
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