Comment Tesla sacrifie l’expérience de ses clients… pour gagner de nouveaux clients

 
Si les véhicules de la marque Tesla sont généralement considérés comme des ordinateurs sur roues qui ne font qu’évoluer, est-ce toujours au profit du client ? Nous allons voir qu’à force de privilégier le logiciel plutôt que le matériel, les propriétaires de Tesla sont parfois sacrifiés.
Tesla Cybertruck
Tesla Cybertruck

Depuis quelques années, Tesla est véritablement entré dans une nouvelle ère. En effet, les volumes de production ont vraiment explosé depuis 2019, obligeant la firme d’Elon Musk à modifier ses processus de production.

Une vraie course à la simplification a été lancée dès la sortie de la Tesla Model 3 en 2017 aux États-Unis, dans le but de produire des centaines de milliers de voitures à un coût réduit. Tesla a réussi à diviser par deux le coût de production de ses voitures entre 2018 et 2022. C’est notamment pour cela que nous avons petit à petit vu certains composants disparaître, au profit du développement logiciel qui est là pour remplacer le matériel.

Si cet engouement vers le logiciel a de bons côtés, nous allons voir qu’il existe toutefois certains cas où Tesla va trop loin et sacrifie l’expérience qu’ont les clients à bord de leurs voitures électriques. Faisons le point sur ce que le constructeur a ôté au fil du temps, et les solutions qu’il propose à la place.

Le logiciel au centre de Tesla

Elon Musk ne s’en cache pas : selon lui, la voiture devrait toujours faire le bon choix, automatiquement. Le patron de Tesla va plus loin, en affirmant que presque toutes les actions du conducteur doivent être traitées comme des erreurs.

L’extrémisme du PDG doit parfois être pris au pied de la lettre par les développeurs qui manquent de temps pour peaufiner des fonctionnalités, comme c’est le cas pour Tesla Vision dont nous avons pu faire l’expérience depuis quelques mois.

Des capteurs de pluie au radar, Tesla mise sur ses caméras pour vous servir

Au fur et à mesure du temps, des composants sont supprimés au profit du logiciel pour, en théorie, proposer une meilleure expérience. Nous pouvons par exemple citer les capteurs de pluie qui existaient sur les premières Tesla Model S et Model X, et qui ont été supprimés au fil du temps sur toutes les voitures. Aujourd’hui, il faut se fier au caméras et au réseau neuronal Deep Rain pour les essuies-glace auto, qui n’arrivent pas à donner entière satisfaction aux propriétaires.

Plus récemment, et beaucoup ont vu cela comme une régression, le radar avant qui équipe les voitures a été supprimé en avril 2022. Il servait pour les aides à la conduite et le régulateur de vitesse adaptatif notamment. Il n’existe plus à ce jour sur aucune Tesla Model 3 et Model Y, et tout est basé sur les caméras, ce qui ne permet pas d’atteindre le même niveau de performances en toutes circonstances.

Enfin, dernièrement, ce fut au tour des capteurs à ultrasons pour les manœuvres de stationnement et les mesures des distances aux abords du véhicule d’être supprimés. La promesse de Tesla est de réussir à proposer une expérience au moins aussi bonne, mais seulement avec des caméras. Comme nous l’avons déjà vu ensemble, c’est globalement raté.

Le grand gagnant de ces opérations ne semble pas être le client, puisque ce sont principalement des régressions qui sont constatées de manière unanime. Par conséquent, à qui cela profite-t-il ?

Tesla réalise des économies d’échelle substantielles

Sans surprise, le grand gagnant de ce passage au tout logiciel est Tesla, et à travers cela, ses actionnaires. Lors de chaque bilan trimestriel, les spécialistes soulignent la marge brute de la firme d’Elon Musk, qui est inédite dans le milieu des constructeurs automobiles.

Les voitures sur le parking de la Gigafactory de Shanghai qui attendent d’être transportés dans le monde

La marge brute continue d’être au-delà de 10 % tout en baissant les prix de vente des véhicules comme cela fut le cas récemment en Europe et ailleurs. La raison est simple : bien que ce ne soit pas gratuit d’effectuer le développement logiciel nécessaire au remplacement de certains éléments matériels, une fois que le développement logiciel est fait, il ne coûte plus autant pour chaque voiture. Il est alors vite rentabilisé.

D’un autre côté, si des pièces doivent être achetées pour chaque voiture (capteurs, radar, etc.), c’est un coût fixe à multiplier par le nombre de véhicules produits. Tesla passe donc d’un coût fixe pour une unique voiture à un coût global de logiciel pour l’ensemble de sa production.

À titre d’exemple, en tenant compte des coûts des capteurs à ultrasons, et de l’usinage des pare-chocs qu’il faut percer pour faire passer les capteurs, les économies sont estimées à près de 100 euros par voiture. Si Tesla parvient à produire 2 000 000 de véhicules en 2023, ce sont donc 200 000 000 d’euros économisés en une année seulement.

Si ces économies bien réelles sont le signe d’une bonne santé financière future pour Tesla, cette tendance à privilégier le logiciel face à l’expérience des clients pourrait finalement se retourner contre l’entreprise.

Des évolutions qui ne vont pas dans le bon sens, et qui pourraient donc coûter cher à Tesla

Le principal souci avec cette approche, c’est que de plus en plus de clients lèvent la voix contre les pratiques de la firme américaine, qui semble chercher à produire la voiture la moins coûteuse possible, quitte à ce que l’expérience soit imparfaite. Tant qu’il reste un public très large à toucher, et peu au fait des pratiques de Tesla, cela peut fonctionner, mais ce n’est pas éternel.

Pour un public de plus en plus averti et exigeant, il s’agirait de pouvoir proposer une expérience idéale, fiable, et en phase avec les meilleurs véhicules du marché. Lorsque la seule voiture électrique crédible disponible était une Tesla, nous pouvions considérer que certains manquements étaient acceptables, tant les avantages étaient indéniables.

De nos jours, en Europe comme ailleurs, il existe pléthore de véhicules électriques qui peuvent être le premier véhicule d’un foyer. Sur les segments où Tesla est présent en masse (SUV et berlines électriques), des dizaines de constructeurs offrent des voitures électriques ayant des prestations comparables à celles des Model 3 et Model Y de Tesla.

Bien entendu, il demeure à ce jour des avantages conséquents à choisir une Tesla, que ce soit en termes de performances, d’absence d’entretien, de logiciel embarqué ou encore d’intégration du réseau de Superchargeurs au sein de la navigation.

Il semblerait toutefois que les consommateurs aient un moyen simple de montrer leur mécontentement à Tesla, dans l’espoir de voir le constructeur inverser cette tendance. Voyons comment faire.

Comment faire pour inverser la tendance ?

Les ventes de Tesla ne cessent de battre des records partout sur la planète. Si le nombre de livraisons a souvent été limité par la faible capacité de production de l’entreprise, ce n’est plus le cas aujourd’hui. En 2023, Tesla est en passe de livrer autour de 2 000 000 de véhicules, ce qui signifie qu’autant de clients ont accepté d’acheter une voiture dénuée de certains composants considérés jusqu’alors comme essentiels.

En effet, en 2023 ce seront deux millions de Tesla sans radar, sans capteur de pluie, sans capteur à ultrasons et sans Android Auto, Apple CarPlay, affichage tête haute, sièges massant et autres gadgets que l’on retrouve fréquemment chez la concurrence qui vont être livrées à des clients ayant déboursé entre 35 000 et 150 000 euros pour leur véhicule.

La Tesla Model Y fabriquée à la Gigafactory d’Austin au Texas // Source : Tesla

Si les équipes marketing de Tesla font le bilan de ces dernières années, de manière extrêmement simplifiée, nous pouvons le résumer ainsi : plus Tesla supprime de matériel, plus la marge augmente, et les ventes battent de nouveaux records à chaque trimestre.

Cette vision simpliste est là pour mettre en exergue le bilan exceptionnel qu’affiche Tesla malgré tout ce que nous lui reprochons. Il est effectivement difficile de faire prendre conscience au constructeur que ce qu’il fait pénalise sa clientèle, étant donné que plus le temps passe, et plus il y a de vente de Tesla à travers le monde.

La seule manière de bousculer un peu l’entreprise d’Elon Musk nous paraît donc utopique à ce jour, puisqu’il faudrait en substance qu’il y ait de moins en moins d’acheteurs de Tesla. En 2023, avec des ajustements tarifaires agressifs sur tous les continents, une Tesla Model 3 ou Model Y devient aisément l’achat « raisonnable » pour beaucoup de clients potentiels, là où certaines années ces véhicules étaient considérés comme un objet de luxe réservé à une élite.

Centre de livraison Tesla à Saint-Jacques-de-la-Lande (Rennes)

Comment faire prendre conscience à Tesla que ses clients sont sacrifiés alors même que la base de clients ne fait que grossir ? Nous sommes actuellement en plein paradoxe qui va sans doute continuer à renforcer la prise de position radicale de Tesla vers le tout logiciel, malheureusement.

Sans modification du comportement des consommateurs, il faut alors s’en remettre aux marques concurrentes, qui doivent tenter de proposer mieux à un tarif similaire, aussi difficile soit-il. En Europe, il ne semble pas y avoir de rival de taille à l’empire Tesla en termes de volume de production et de rapport prix-prestation, mais en Chine, c’est une toute autre histoire.

En effet, de nombreux constructeurs chinois ne se cachent plus de copier la méthode Tesla (en allant même jusqu’à copier leur vidéo de présentation au drone) qui semble faire mouche pour le moment, puisque les ventes des marques comme BYD ou XPeng s’envolent là où leurs véhicules sont vendus.

Ce sont ces constructeurs encore méconnus sur le vieux continent qui pourraient alors faire bouger les choses, en proposant une voiture comparable à une Tesla sur le plan de l’autonomie, des performances, de la charge rapide et des fonctions logicielles, tout en conservant un radar, des capteurs de stationnement et un capteur de pluie notamment.

Sur des marchés que Tesla tente de conquérir, si certains consommateurs se tournent vers ces alternatives, cela pourrait remettre en question la stratégie actuelle de Tesla, et nous pourrions éventuellement voir la firme faire demi-tour sur certains choix controversés. Il existe un précédent avec le yoke des Tesla Model S et Model X, puisqu’un volant rond est désormais disponible pour les clients qui le souhaitent.

Seul le futur nous dira si l’entreprise a eu tort ou raison de continuer à proposer des fonctionnalités logicielles souvent imparfaites plutôt que de se reposer sur du matériel approuvé depuis longtemps par l’ensemble de l’industrie.

Il faut toutefois reconnaître que cette stratégie permet à Tesla de réduire drastiquement les prix de ses voitures électriques, et donc de pouvoir les proposer au plus grand nombre. Ce qui permet d’accélérer la transition énergétique, et le passage des voitures thermiques aux voitures électriques, plus propres.


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