Tesla : pourquoi l’Autopilot est de moins en moins efficace, au détriment des conducteurs

8 ans, et toujours en bêta test

 
L’Autopilot de Tesla a fait la renommée de la marque, allant même jusqu’à être considérée comme une voiture autonome pour le grand public. Si ça n’a jamais été le cas, force est de constater que les évolutions de l’Autopilot ne vont pas toujours dans le bon sens…
Navigation Autopilot sur Tesla Model 3 // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Les voitures Tesla sont de vrais ordinateurs roulants, et une grande partie de leur notoriété vient de la suite d’assistances à la conduite que l’on connait sous le nom d’Autopilot. Dans les faits, il s’agit d’une conduite autonome de niveau 2.

Si la firme d’Elon Musk montre certaines prouesses aux États-Unis depuis plusieurs années grâce au FSD Bêta, la réalité en Europe est bien différente. Parfois limité par la législation, le constat est toutefois sans appel : l’Autopilot de Tesla ne s’améliore plus depuis des années sur le vieux continent.

Nous allons revenir plus en détail sur les différentes fonctionnalités que l’on retrouve au sein de l’Autopilot de base, de l’Autopilot amélioré et de la capacité de conduite entièrement autonome de la marque. Aussi, nous examinerons ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas, et ce qui s’est détérioré avec le temps. Enfin, nous tenterons d’imaginer le futur, entre améliorations et régressions.

Un Autopilot qui a 8 ans

En octobre 2015, Tesla sortait la version 7 de son logiciel embarqué sur les Model S de l’époque. Avec cette mise à jour était rendu disponible une prouesse que l’on connait aujourd’hui sous le nom d’Autopilot, dans une version qui peut de prime abord sembler bien plus avancée que celle d’aujourd’hui.

En effet, Elon Musk déclarait d’ailleurs au moment de la sortie grand public en 2015 : « Nous conseillons aux conducteurs de garder leurs mains sur le volant juste au cas où, car le logiciel est toujours à ses débuts« . Près de 100 mois plus tard et cinq millions de voitures vendues avec l’Autopilot, nous ne sommes toujours pas sortis de cette phase en bêta.

Cette version initiale de l’Autopilot de Tesla était en retrospective la plus permissive : il n’y avait pas d’obligation de garder les mains sur le volant — aujourd’hui, si le véhicule ne valide pas le fait que le conducteur a les mains sur le volant, l’Autopilot se désactive après quelques dizaines de secondes —, la lecture des panneaux était fonctionnelle, les dépassements automatiques étaient très réactifs et dynamiques, et tout ceci à l’aide d’une unique caméra frontale.

MobileEye était à l’époque le partenaire de Tesla pour l’Autopilot, avant que les deux firmes ne se séparent en 2016. Et rétrospectivement, c’était le début d’une galère conséquente pour l’Autopilot.

Tesla fait cavalier seul, pour le pire et… pour le pire

C’est assez antinaturel de l’imaginer tant la marque est connue pour ses assistances à la conduite, mais la réalité est bien là : depuis près de huit ans, Tesla n’arrive pas vraiment à égaler l’Autopilot originel sur certains domaines. Il faut nuancer le propos pour ne pas tomber dans la caricature, car l’Autopilot s’est enrichi de nombreuses nouvelles fonctionnalités qui dépassent amplement les capacités des premières Tesla.

Dans la première version de l’Autopilot, une Tesla pouvait combiner un régulateur de vitesse adaptatif et un maintien actif dans sa voie, et c’est à peu près tout. Un Autopilot Amélioré permettait de gérer des dépassements à l’aide d’une impulsion sur le clignotant, et la sortie auto était également de la partie (la voiture peut avancer ou reculer de quelques mètres sans personne au volant).

Aujourd’hui, selon les options acquises, la navigation en Autopilot permet au véhicule de suivre l’itinéraire du GPS, de s’arrêter aux feux tricolores et panneaux stop, et bien plus aux États-Unis.

Le « monde » vu par le FSD de Tesla. Crédit : Romain Heuillard pour Frandroid

Les utilisateurs de Tesla ayant déjà utilisé une ancienne voiture dotée de la première version de l’Autopilot sont assez unanimes sur le fait que les régressions se sont faites sentir lorsque MobileEye a été remplacé par une solution maison. Le constructeur ne s’en cache pas lui-même, puisque suite à ce changement matériel et l’arrivée en production de ce que l’on connait sous le nom d’hardware 2 (HW2), il a fallu près d’un an avant que les nouveaux véhicules puissent hériter de l’ensemble des fonctionnalités liées à l’Autopilot qui existaient sur le hardware 1.

Cette tendance à sortir des évolutions matérielles avant que le logiciel ne soit au point est pour ainsi dire devenu la marque de fabrique de Tesla, et cela perdure encore aujourd’hui.

Plus de caméras pour moins de fonctionnalités ?

Vous n’êtes pas sans savoir que depuis de longs mois, les Tesla n’ont ni radar, ni capteurs à ultrasons. Tesla Vision est le nom de code de la suite logicielle qui est utilisée actuellement, et elle porte bien son nom : tout est géré, analysé et interprété à l’aide des seules caméras qui équipent les différentes voitures électriques de la marque.

Sur les Model 3 et Model Y qui sont les plus vendues, l’abandon successif du radar puis des capteurs à ultrasons n’a pas été indolore. De nombreux cas d’usages qui sont fréquents montrent les régressions que sont obligés de subir les conducteurs. Pour l’absence de capteurs à ultrasons, c’est une précision bien inférieure dans les mesures dans la plupart des cas des manœuvres de parking, quand ce n’est pas tout bonnement une absence de fonctionnement de l’aide au stationnement.

Ce que voit Tesla Vision // Source : Bob JOUY pour Frandroid

Qui plus est, pendant plus de six mois, les Tesla livrées sans capteurs à ultrasons n’avaient tout bonnement aucune aide au stationnement. Si c’était probablement acceptable de sortir une mise à jour matérielle rapidement en 2016 pour une entreprise qui ne livrait que quelques milliers de véhicules par an, ça ne l’est plus du tout pour celle qui en livre près d’un million tous les six mois.

Le retrait du radar quant à lui à vu les fonctionnalités de base de l’Autopilot bien altérées : la vitesse maximale a diminué, la gestion de la distance avec le véhicule précédent était limitée, et les désactivations non sollicitées bien plus fréquentes. En effet, en ne se reposant que sur les caméras, l’Autopilot d’aujourd’hui refusera de continuer à fonctionner lorsqu’il y a une mauvaise visibilité, de la buée ou toute autre altération des conditions atmosphériques rendant difficile la vision. Avec un radar, de nombreux cas étaient évités.

Depuis 2016, Tesla a enrichi son offre de deux options pour augmenter les possibilités d’assistances à la conduite, l’une pour 3 800 euros et l’autre pour 7 500 euros. Bien que certaines fonctionnalités n’aient jamais été satisfaisantes, elles avaient le mérite d’exister. Par exemple la Sortie Auto et le Parking Auto étaient incluses dans l’Autopilot Amélioré avant que les capteurs à ultrasons ne disparaissent. Depuis, l’option coûte toujours le même prix, cependant ces fonctionnalités sont inopérantes.

Il n’y a pas de communication officielle du constructeur concernant ces fonctionnalités qui ont disparu, autres que celle écrite sur son site internet depuis la fin de l’année 2022 : Pendant une courte période au cours de cette transition, les véhicules Tesla Vision qui ne sont pas équipés de capteurs à ultrasons seront livrés avec certaines fonctionnalités temporairement limitées ou inactives.

La justification de Tesla concernant le remplacement des capteurs à ultrasons par Tesla Vision // Source : Tesla

Chacun interprètera la courte période comme bon lui semble, mais en ayant vendu 2 000 000 de véhicules quasiment depuis la mise en ligne de cette page, il est difficile de comprendre pourquoi la firme continue d’afficher un tel vocabulaire.

La législation est-elle en cause ?

Certains pensent parfois que la vraie raison de la limitation de certaines fonctionnalités des Tesla vient de la législation, particulièrement celle en Europe, qui serait trop restrictive pour permettre d’utiliser pleinement les capacités du véhicule. Ceci est vrai dans une certaine mesure, puisqu’il existe des différences de taille entre la conduite semi-autonome en Amérique du Nord par rapport à celle sur le vieux continent.

Cependant, comme nous l’avons vu ci-dessus, depuis le passage à Tesla Vision, certaines fonctionnalités ont tout bonnement disparu. Et cette disparition n’est pas locale, elle est bel et bien globale. La Sortie Auto et le Parking Auto n’existent pas sur les nouvelles Tesla américaines, pas plus qu’ailleurs dans le monde. Tesla affiche toujours les mêmes ambitions très optimistes sur le futur de la conduite autonome, toutefois il est important de gérer nos attentes face à ce que permettent les Tesla aujourd’hui.

Nous avons déjà longuement parlé des promesses manquées d’Elon Musk sur ces sujets, et depuis 2016, Tesla s’est transformé en une machine redoutable qui tire les coûts vers le bas afin de continuer de gagner des parts de marché. Cela fonctionne jusqu’à présent, puisque la Tesla Model Y est même devenue la voiture la plus vendue au monde, toutes motorisations confondues.

Toutefois, les évolutions des Tesla ne vont pas toujours dans le bon sens malheureusement, et l’Autopilot en est un exemple. Il ne s’améliore plus vraiment, et peine à rattraper le retard accumulé à cause des abandons de matériel. Simultanément, Tesla a choisi d’axer la plupart de son développement logiciel sur le FSD, qui n’a toujours pas vu le jour en dehors du continent américain. Et même là-bas, les soucis inhérents au matériel sont bien réels. Seul l’avenir nous dira si Tesla a raison de persister vers le tout vision : pour le moment, cela peine à convaincre.


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