La firme d’Elon Musk a bel et bien fini par sortir le fameux Cybertruck, présenté en 2019. Quatre ans après, la bête et bien réelle, et quelle bête ! Si son design ne laisse personne indifférent, ce n’est peut-être pas la plus grosse révolution de ce véhicule hors du commun.
En effet, l’architecture de la batterie basse tension — celle qui est habituellement sous le capot avant d’une voiture, non pas celle qui sert à faire avancer une voiture électrique — est pour la première fois sur une voiture en 48 volts au lieu de 12 volts. Ce changement avait été annoncé lors de la conférence Investor Day en mars 2023, mais avait pu passer sous les radars jusqu’à présent. C’est la première voiture de série a laisser de côté le 12 volts au profit du 48 volts.
Maintenant que le Cybertruck est disponible, certains observateurs peuvent commencer à voir les implications de ce changement en 48 volts. Le reste de l’industrie a d’ailleurs reçu des documents de la part de Tesla pour tenter d’amorcer un changement pour le futur de la mobilité électrique. Mais que va réellement changer le passage de 12 à 48 volts pour la batterie basse tension ?
La batterie basse tension : à quoi sert-elle ?
Dans une voiture électrique, la batterie de traction qui sert à alimenter les moteurs n’est pas la seule batterie. On retrouve comme sur un véhicule thermique, une batterie dite basse tension, utilisée pour alimenter tous les accessoires. Cela comprend notamment les phares, l’écran central, mais aussi les sièges chauffants ou bien les multiples hauts-parleurs du véhicule.
Cette batterie basse tension est rechargée par la batterie de traction lorsqu’il y en a besoin, de manière à maintenir son niveau de charge optimal. Chez Tesla, une petite révolution a déjà eu lieu sur cette batterie 12 volts, puisqu’en 2022 la marque a abandonné la bonne vieille méthode d’une batterie plomb-acide, et est passée au lithium-ion.
Compte tenu de tout ce que cette batterie basse tension alimente, il y a énormément de câbles à faire passer. En effet, l’alimentation en 12V doit aller jusqu’à chaque haut-parleur, dans chaque portière, mais aussi au plafond pour alimenter les lumières d’ambiance, etc. Il y a donc des centaines de mètres de câble à passer dans une voiture, et tout ça finit par peser.
Des économies d’échelle… mais pas pour le moment
Cela fait près de 70 ans que l’industrie automobile utilise le 12 volts en standard pour la batterie basse tension. Une telle machine ne va pas changer son fusil d’épaule en une nuit, donc il faut imaginer que l’on va continuer à voir du 12 volts presque partout dans les prochaines années. Tesla a pour objectif de réaliser des économies d’échelle grâce à un principe très simple de la physique : en augmentant la tension, on peut baisser l’intensité pour obtenir la même puissance et donc réduire la taille des câbles.
La loi d’Ohm est effectivement du côté de la marque d’Elon Musk, puisqu’en passant de 12 à 48 volts, Tesla annonce pouvoir utiliser moitié moins de cuivre par rapport à une architecture 12 volts dans le Cybertruck, réduisant de 77 % la quantité totale de câbles nécessaire au pick-up électrique.
Malheureusement pour Tesla, en étant pour le moment une exception dans le monde automobile, la marque doit se débrouiller toute seule pour s’approvisionner en pièces détachées pour son architecture 48 volts. Par exemple, là où la quasi totalité des contrôleurs 12 volts sont achetés en gros chez des sous-traitants, les contrôleurs 48 volts nécessaires au Cybertruck ont été conçus en interne en grande majorité. En effet, ce ne sont que 15 % des contrôleurs qui ont pu être achetés par ailleurs.
Tout ce travail implique un coût conséquent en recherche et développement, qui ne sera valable que si dans le futur, ces contrôleurs peuvent être réutilisés. On imagine bien que la marque a de la suite dans les idées, et que ses processus de fabrication des autres modèles (notamment la future Model 2) en profitera.
L’idée pour Tesla derrière le partage de ses documents sur la manière de concevoir un véhicule avec une architecture basse tension de 48 volts est de tenter de faire bouger tout le monde dans le même sens pour que toute la chaîne d’approvisionnement bascule. L’avenir nous dira si Tesla a vu juste en avance de phase et qu’elle a initié un changement dans toute l’industrie, comme cela a pu être le cas avec son connecteur propriétaire en Amérique du Nord par exemple.
Le Cybertruck ne sera probablement pas le seul véhicule à passer au 48 volts
Comme dit plus haut, ce que Tesla appelle officiellement « la prochaine génération de véhicule » et que nous imaginons étant la Tesla Model 2 devrait profiter d’une architecture basse tension de 48 volts également. Pour le moment, la marque est concentrée sur la montée en charge des lignes de production pour le Cybertruck, et ce devrait être encore le cas quelques années. Mais après 2025 et 2026, nous pouvons imaginer qu’il sera temps pour Tesla de dévoiler son nouveau gros projet, avec des volumes de production conséquents, probablement de l’ordre de 3 millions de véhicules par an au bas mot.
Les véhicules actuels de la marque auront tous bénéficié de multiples mises à jour matérielles, comme c’est d’ordinaire le cas avec les Model S, Model 3, Model X et Model Y depuis leur sortie. Difficile de dire si l’architecture 48 volts aura déjà été étendue à ces véhicules avant d’être poussée sur la future voiture plus abordable de la firme d’Elon Musk.
Parmi les avantages à se dégager de la batterie basse tension 12 volts, il y a bien entendu l’indépendance vis-à-vis des différents sous-traitants, chose qui est chère à Tesla. En effet, la marque met généralement un point d’honneur à développer la plupart des composants en interne, afin de garder le contrôle sur les coûts et ne pas dépendre d’un tiers pour sa production. On a notamment pu le constater pendant la crise des semi-conducteurs, où Tesla paraissait bien moins impacté que les autres fabricants, qui étaient souvent contraints d’arrêter de livrer des véhicules en attendant certaines pièces.
En outre, les économies d’échelle seraient bien visibles si l’on commence à parler de plusieurs millions de véhicules par an, là où les quelques milliers de Cybertrucks produits en 2023 vont plutôt revenir très cher à la marque. Nul doute que les ingénieurs et responsables financiers de Tesla vont s’accorder sur le bon moment pour commencer à implémenter le 48 volts sur le reste des véhicules, en pesant le pour et le contre.
Les lignes de production seront sans doute à modifier, ce qui implique un arrêt de production. Pour le moment chez Tesla, la production continue de battre son plein et la période n’est pas vraiment propice à faire une pause. Mais dans quelques années, avec un Cybertruck bien implanté et des usines dernier cri qui tournent sans problème, c’est envisageable.
Vers de futurs usages plus larges
Comme nous l’avons vu plus haut, Tesla va sans aucun doute petit à petit généraliser l’utilisation du 48 volts dans toute sa gamme. La volonté d’Elon Musk de lancer un tournant dans l’industrie est bien réelle, comme en témoignent les constructeurs ayant reçu le guide pour produire un véhicule avec une batterie basse tension 48 volts.
Le PDG de Ford a de son côté indiqué que ses équipes de développement travaillaient sur une architecture 48 volts, et étaient même sur une voie similaire à celle choisie par Tesla. La prochaine décennie pourrait donc voir de nombreux constructeurs franchir le cap, surtout en considérant à quel point les batteries 48 volts semblent adaptées aux usages du futur.
Tesla n’a pas encore réussi à implémenter le PoE (Power over Ethernet) dans le Cybertruck, mais cela fait partie des usages envisagés avec un seul câble pour l’alimentation et les données, chose précieuse dans une voiture bardée de caméras, hauts parleurs et autres accessoires communiquant avec l’ordinateur de bord.
La révolution amenée par le PoE dans les véhicules est incompatible avec une batterie 12 volts, puisque l’intensité serait bien trop importante pour alimenter les différents composants. En 48 volts cependant, il n’y a plus de problème, et on divise ainsi par deux la longueur de câble totale nécessaire : en clair, ça se traduit par des économies et un gain de poids.
Certains mettent d’ailleurs en avant le fait que la transition du 12 volts au 48 volts aurait beaucoup de sens dans de nombreux domaines, au-delà de l’automobile. La norme USB notamment prévoit qu’avec une intensité de 5 ampères, on puisse monter à 240 W de puissance, et les plus vifs d’entre vous auront bien remarqué que pour ce faire, la tension nominale doit être de 48 volts (48 x 5 = 240).
Il reste énormément de chemin à faire pour que ce qui est arrivé avec le Cybertruck de Tesla se démocratise et trouve petit à petit sa place dans toute l’industrie, et pourquoi pas dans d’autres domaines également, mais il est plus que probable que le pick-up électrique ait lancé une tendance.
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