Pourquoi les Tesla peuvent encore rouler avec 0 % de batterie contrairement à d’autres voitures électriques ?

 
Le mode tortue est bien connu de beaucoup de conducteurs de voitures électriques. Sous 5 %, 10 % ou parfois près de 20 % de batterie, le véhicule ne se conduit plus tout à fait de la même manière. De l’autre côté, Tesla permet de rouler à vive allure même avec 0 % de batterie. Quel est le secret ?

Nous avons récemment relaté les mésaventures sur l’autoroute de Didier de Mac4ever en Peugeot e-308 : alors qu’il reste de la batterie dans la voiture, il n’est plus possible de rouler à 130 km/h. La vitesse maximale baisse petit à petit jusqu’à descendre à un niveau clairement dangereux sur voie rapide.

Si ce cas est assez extrême, il montre tout de même l’approche qu’ont la plupart des constructeurs historiques face à la voiture électrique. Ils sont globalement très prudents, et veulent faire peur au conducteur dès que la batterie est trop basse.

Diverses alertes visuelles et sonores existent sur beaucoup de modèles de voitures branchées quand la batterie atteint un niveau critique. Un mode dit « tortue » est d’ailleurs présent et testé par certains Youtubeurs comme Bjørn Nyland (sur la Hyundai Ioniq ici par exemple), ayant pour but de décourager les plus téméraires à faire baisser leur niveau de batterie trop drastiquement.

Un constructeur n’a pas la même approche sur ce sujet : Tesla. En effet —et je le teste assez souvent malgré moi—, il est possible de rouler à vive allure en Tesla avec une batterie à 0 % au tableau de bord. Quel est le secret, et pourquoi la firme d’Elon Musk ne fait-elle pas comme les autres ?

Le Mode Tortue : danger ou vraie nécessité ?

Lorsque le niveau de batterie de certaines voitures électriques atteint quelques pourcents seulement, la puissance est drastiquement limitée. Bien souvent, une icône symbolisant une tortue se met à clignoter, d’où le nom donné à ce mode de fonctionnement : le mode tortue.

Sur l’exemple de la Peugeot e-308 mentionné plus haut, en plus de la tortue orange, un message indiquant « Niveau batterie critique : Performance réduites » apparaît. De quoi faire sérieusement paniquer le conducteur, qui peut craindre le pire.

Lorsque les batteries des voitures électriques contenaient une vingtaine de kilowattheures tout au plus, 1 % de batterie pouvait représenter plus ou moins 1 kilomètre d’autonomie seulement. Par conséquent, un mode fortement dégradé quand la batterie atteint 5 % ou moins pouvait être cohérent.

De nos jours, 1 % de batterie représente souvent 3 à 5 kilomètres d’autonomie selon les véhicules et les tailles de batterie. Sur une Peugeot e-308, l’autonomie WLTP est annoncée à 410 kilomètres. Comme nous pouvons le voir sur la vidéo mentionnée plus haut, à 5 % de batterie, l’autonomie estimée n’est plus affichée, et le message « Niveau batterie faible » est déjà présent.

À 2 % de batterie, le mode tortue s’enclenche. Théoriquement, il reste alors un peu plus de 1 kWh dans la batterie seulement. Pour éviter des dommages irrémédiables aux cellules, le système protège alors l’organe central du véhicule et limite drastiquement la puissance, et par conséquent la vitesse. Comment fait donc Tesla pour éviter tout ceci, et permettre de continuer à rouler à 130 km/h avec 0 % de batterie ?

Tesla cache un peu de batterie sous 0 %

Les véhicules de la marque Tesla sont soumis aux mêmes règles de la physique que les autres. En l’occurrence, lorsque la tension des cellules baisse à un niveau trop bas, elles sont irrémédiablement endommagées. C’est ce qu’il peut se passer en frôlant les 0 % dans beaucoup de véhicules branchés.

Pour pouvoir permettre aux conducteurs de Model 3 ou Model Y de pouvoir rouler plus ou moins normalement avec un niveau de batterie affiché à 0 %, Tesla a choisi de cacher une petite réserve de batterie une fois que l’on atteint 0 %. Plus précisément, ce sont 4,5 % de la capacité totale de la batterie qui se trouve sous 0 % affiché.

Sur une Tesla Model 3 Propulsion neuve par exemple, la batterie de 60 kWh n’est pas totalement consommée en passant de 100 % à 0 %. Seulement 57,3 kWh sont utilisés, et il reste environ 2,7 kWh une fois que l’on atteint 0 %. Pour replacer les choses dans leur contexte, ce qui se cache sous 0 % en Model 3 est équivalent à ce qu’il reste à la Peugeot e-308 quand elle est à 5 % de batterie.

Avec une consommation typique sur autoroute, on peut donc décemment parcourir 10 à 15 kilomètres en Tesla Model 3 Propulsion une fois que le tableau de bord indique 0 % avant de tomber en panne sèche de batterie. Qui plus est, cette distance peut être parcourue sans trop se soucier de la vitesse : il n’y a pas de mode tortue chez Tesla autre que s’il y a une panne moteur.

Ci-dessus, Bjørn Nyland tente d’aller jusqu’à la panne en Tesla Model Y Performance. Le résultat est sans appel : sur le réseau secondaire, il parvient à parcourir 36 kilomètres une fois que l’affichage est passé à 0 % avant de capituler.

La petite réserve disponible sous 0 % en Tesla peut donc être bien utile, et permettre d’éviter la panne sèche si on a mal calculé son coûp. D’autres voitures n’ont pas ce luxe, ce qui nous pousse à nous demander s’il n’y a pas un problème plus global au niveau des autonomies annoncées.

Le problème du WLTP

La procédure de test permettant de déterminer l’autonomie WLTP — et d’autres normes — a déjà été décrite en détail dans ce dossier. Pour rappel, lorsque les constructeurs donnent une autonomie WLTP en voiture électrique, ils considèrent la distance parcourue jusqu’à tant que la voiture s’arrête, et non pas quand elle atteint 0 % ou même un éventuel mode tortue.

Par conséquent, atteindre l’éventuelle autonomie promise revient à accepter de prendre les risques qui vont avec. Chez Tesla, c’est par exemple accepter de jouer avec la réserve de batterie située sous 0 %. Chez d’autres, cela signifie rouler en mode dégradé pendant les quelques derniers points de batterie qui restent.

Lorsqu’un constructeur permet en substance de ne tirer que 95 % de la batterie totale de la voiture, ne faudrait-il pas l’annoncer clairement ? Bien entendu, le flou qui entoure les mesures d’autonomie et de consommation WLTP permettent de présenter les choses de manière méliorative, ce qui ne pousse pas l’industrie à changer sa manière de faire.

Quoi qu’il en soit, entre la consommation mesurée à la prise et non pas en roulant, et l’intégralité de la batterie qui n’est pas toujours disponible entre 100 % et 0 %, nous n’avons pas fini d’entendre les clients s’interroger lors des premières expériences avec leur voiture électrique.

La panne de batterie est finalement très rare

Pour modérer toutefois ce qui a été écrit plus haut, gardons en tête l’usage principal des véhicules personnels, qu’ils soient électriques ou non : les trajets sont globalement courts, et au quotidien —qui plus est en chargeant à domicile comme c’est le cas pour la majorité des usagers—, la panne de batterie est hors de propos.

Avec une capacité de batterie qui dépassent 40 kWh pour la quasi-totalité des véhicules vendus aujourd’hui, et donc des autonomies dépassant les 300 kilomètres WLTP, les trajets du quotidien peinent fortement à vider la totalité de la batterie. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’on ne devrait pas pouvoir se servir de sa voiture électrique comme bon nous semble, à 5 % comme à 80 % : les constructeurs veulent simplement prendre toutes les précautions possibles pour ne pas que les conducteurs soient tentés de pousser les véhicules dans leurs derniers retranchements.

Pour l’exemple de la Peugeot e-308, c’est sans doute une absence de maîtrise de la voiture électrique et de ses spécificités par la marque. Pour Tesla, c’est une manière de s’assurer que les nouveaux venus dans la mobilité électrique ne tentent pas le diable une fois que l’affichage passe à 0 %. Dans les deux cas, le conducteur n’en fait normalement l’expérience que de manière très exceptionnelle, sans que ce soit une gêne au quotidien.


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