Tesla prospère, la Chine trinque : l’ironie des taxes européennes sur les voitures électriques

 
EDITO. L’UE taxe les voitures chinoises pour leurs subventions, mais ferme les yeux sur celles qui ont fait de Tesla un géant. Amusant, non ?

En 2024, l’Union européenne a dégainé des taxes contre les voitures électriques chinoises, pointant du doigt les aides publiques massives de Pékin. Pendant ce temps, Tesla, porté par des milliards de subventions américaines et chinoises, continue de trôner sur le marché mondial – et européen – sans faire de vagues à Bruxelles. Curieuse partie de poker, non ?

Tesla a bénéficié de plusieurs dizaines de milliards de dollars de subvention

Remontons le fil. En 2008, Tesla frôle la faillite. Là, les États-Unis tendent la main : un prêt de 465 millions de dollars du département de l’énergie, des crédits d’impôt pour les acheteurs (7 500 dollars par voiture) et un système de crédits carbone qui rapporte 11,4 milliards, selon le Washington Post (propriété de Jeff Bezos, fondateur d’Amazon). Ce coup de pouce a transformé une start-up vacillante en leader mondial. Disons-le : sans ce soutien, Tesla aurait eu du mal à décoller. Mais c’est une success story à l’américaine, et ça passe.

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En Chine, l’histoire se répète avec une touche locale. En 2018, Pékin offre à Tesla des terrains à prix d’ami, des prêts avantageux et des exonérations fiscales pour son usine de Shanghai – un cadeau estimé à 2 milliards de dollars.

Gigafactory de Shanghai // Source : Tesla

Cette usine produit aujourd’hui les Model 3 qui roulent en Europe, pendant que l’UE scrute les marques chinoises comme BYD, Xpeng ou Nio, accusées de profiter du même genre d’aides. Tesla, lui, reste presque hors radar, avec une surtaxe, mais largement inférieure à ses concurrents locaux.

Côté européen, Tesla joue aussi ses cartes. Depuis 2021, son usine près de Berlin, à Grünheide, fabrique une bonne partie des Model Y vendues ici. Mais les Model 3 ? Elles viennent toujours de Shanghai, dopées par ces subventions chinoises qu’on aime dénoncer… quand ça arrange. L’UE pourrait y jeter un œil, mais Elon Musk garde une aura de champion intouchable, du moins pour le moment.

Cette différence de traitement interroge. Pourquoi épingler la Chine et laisser Tesla prospérer sur des aides similaires ? L’argument de la « concurrence équitable » tient moins quand on voit que les constructeurs européens, comme Volkswagen, ont aussi grandi avec des subventions. Elon Musk, lui, doit savourer la situation : il critique souvent les dépenses publiques, mais sait en tirer le meilleur, que ce soit à Washington ou à Shanghai.

Pour aller plus loin
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Et si l’UE changeait de lunettes ? Taxer les voitures chinoises pourrait gonfler les prix pour les consommateurs européens, pendant que Tesla, bien aidé par ses usines subventionnées, continue son ascension. Peut-être qu’au lieu de viser uniquement Pékin, Bruxelles devrait réfléchir à une règle du jeu plus cohérente – histoire que l’ironie ne devienne pas un luxe trop coûteux.

Pour aller plus loin
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En attendant, le contraste est frappant. La Chine subventionne ses marques et prend des claques de l’UE ; Tesla empoche des aides des deux côtés du globe et roule tranquillement vers la victoire. Dans ce grand marché électrique, il y a visiblement des joueurs qui savent mieux bluffer que d’autres.


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